Adresse prisée de tous les amateurs de vins allemands, ce Domaine de Rhénanie-Palatinat brille par sa grande diversité de terroirs et de cépages dont certains sont endémiques à cette région. Lors d’un passage chez ce noble Domaine Müller-Catoir, nous avons eu la chance de découvrir quelques perles…
De passage dans la région nous décidons de nous arrêter chez un des producteurs les plus prisés et renommés d’Allemagne, en tous cas de cette région de Rhénanie-Palatinat (pour les germanistes, comprenez Rheinland Pfalz). Après 2 heures de route nous arrivons sans mal à la porte cochère du Domaine Müller-Catoir. Lové sous les vignes et le Château de la Haardt (der Haardter Schloß) depuis 1744, la propriété arbore encore les vestiges de ses aïeux qui se sont installé ici il y a maintenant plus de 250 ans. 9 générations de vignerons se sont succédées pour y produire quelques uns des meilleurs vins de la région et du pays. Par ailleurs Philipp Müller-Catoir a depuis 2002 confié les rênes de la vinification au talentueux Martin Franzen qui a hissé ce Domaine au plus haut.
Voici un résumé de cette belle série de vins qui nous a enchanté par sa qualité et son côté aérien tout comme un rapport qualité-prix des plus remarquables. Nous débutons avec deux vins de village avec tout d’abord le Riesling Haardt 2011. Comme beaucoup de vins d’Outre-Rhin, la robe est très claire et pâle. Le nez est discret avec des notes d’agrumes et de pêche blanche à l’aération. Un petit côté pétillant (CO2) donne du peps. La bouche est vive et citronnée, elle est à l’image de ce vin agréable, encore jeune mais très vif et sapide, avec une belle salinité en finale.
Le Riesling Gimmeldingen 2008 est quant à lui plus foncé d’aspect, peut-être à cause de son âge. Le nez est aussi plus intense avec encore la pêche et un fond minéral qui révèle un vin plus abouti mais un aussi un beau terroir (à dominante de sable et de limons). Le palais est énergique, sec et plus ample que le Riesling précédent, avec des notes de pêche, de melon et de citron. La fin de bouche est veloutée et révèle la banane avant que le finale reprenne des tons minéraux et cendrés. Un très joli vin à maturité.
Nous entrons dans les vins de terroirs avec ce superbe Riesling Haardter Bürgergarten trocken 2011. Le nez est certes encore jeune mais révèle d’emblée quelque chose de plus profond que les Rieslings génériques. On y retrouve la terre mouillée, le minéral avec une pointe d’agrumes, du cidre et du poivre blanc. Je ne peux me lasser de cette majesté de ce vin qui pleure de grosses larmes sur les parois du verre (voir photo). La bouche est soyeuse et élégante sur les agrumes (orange, mandarine et citron vert) et file avec classe dans une finale vive et tendue. Sapide, profond, ce vin de classe gagnera encore en complexité avec l’âge. Superbe !
Encore différent le Riesling Mandelgarten trocken 2010 arbore une robe or pâle et brillante et des belles larmes grasses. Le nez est exotique (fruits de la passion) avec une note intense de rose et une évolution terreuse. La bouche est quant à elle plus brute mais tout aussi profonde et vive. J’ai du mal à croire que ce vin a un an de plus que le vin précédent, c’est pourtant celui-ci qui semble plus taillé pour la garde. La finale reprend cette belle note acidulée du fruit de la passion.
Pour finir cette belle série de Riesling, quoi de mieux qu’un Premier Cru ! Bien sûr cette appellation n’existe pas en tant que telle en Allemagne, pourtant le Syndicat des Producteurs (Verbandes Deutscher Prädikats- und Qualitätsweingüter – VDP) s’est essayé il y a quelques années à une sorte de classification. L’employée du domaine me dit que l’Allemagne aurait tenté d’instaurer un classement identique à la France, espérons juste qu’il ne soit pas aussi compliqué ! Bref le Riesling Grosses Gewächs Breumel in den Mauern trocken 2010 est le Riesling haut de gamme du domaine pour lequel les rendements ont été limités à 45hL/ha : il provient d’une parcelle de 1.3ha de très vieilles vignes. Nous avons affaire à une superbe robe dorée et à un nez discret à la fois fruité (fruits exotiques, pêche), légèrement fumé et fleuri (lys, rose) comme s’il s’agissait d’un assemblage des deux vins précédents ! La bouche se révèle puissante d’emblée avec une superbe amplitude. Ce volume est couplé à une belle trame acide qui porte des arômes de pêche, de fleurs blanches puis d’eau de vie de poire, évoluant vers l’eau de vie de coing en finale. Persistant à défaut d’être harmonieux pour le moment, c’est assurément un vin pour le long terme.
Après les Rieslings secs, nous passons par quelques curiosités locales. Le Scheurebe Haardt 2011 est issu d’un cépage endémique à cette région d’Allemagne qui porte le nom de son créateur Georg Scheu. Il s’agit en fait d’un croisement entre le Riesling et un cépage sauvage. A la dégustation je l’aurais rapproché d’un Sauvignon blanc car il offre des notes sauvages et de baies au nez (églantine, argousier) ainsi que des notes d’agrumes (orange, pamplemousse). La bouche est souple et légère avec une belle acidité citronnée, des accents minéraux (pierre poreuse) et de baies sauvages. La finale est quant à elle vraiment complexe et intéressante : on y retrouve des flaveurs de poivre blanc et de groseille à maquereau couplées d’églantier et de houx. Vraiment très sympathique, ce vin vaut vraiment le détour !
Beaucoup plus que le Muskateller Haardt 2011 qui ne nous a pas vraiment enchantés.
Enfin nous accédons aux curiosités sucrées du Domaine. Le Riesling Haardter Bürgergarten Spätlese 2011 est un vin demi-sec qui à l’instar de beaucoup de vendanges tardives allemandes a une robe très claire, presque transparente ! J’avais déjà goûté un de ses cousins, le Riesling Spätlese trocken Haardter Bürgergarten « Im Gehren » 2004 (voir par ailleurs), à ce titre je vais refaire une tentative très bientôt… Bref, comment est ce Riesling Spätlese !? Et bien il est riche au nez, avec des notes de poire Williams, de fleurs blanches, de baies et de thé blanc. Le côté légèrement pétrôlé ne laisse aucun doute quant au cépage. En bouche on a affaire à une attaque veloutée sur le thé blanc, la poire. Le toucher de bouche est superbe, je regrette un léger manque d’acidité en fin de bouche. A défaut d’être excellent je dirais qu’il est terriblement raffiné. Mais quid de sa capacité de vieillissement ?
Le Rieslaner Herzog Spätlese 2011 est issu d’un savant croisement entre Riesling et Sylvaner. Il reprend un beau toucher de bouche velouté et soyeux. Mais là encore le tout manque quelque peu de vivacité. Serait-ce l’effet millésime ?
Pou finir nous touchons à l’excellence avec le Rieslaner Herzog Auslese 2007. Cette année-là est une des meilleures comme nous le confirme la dame qui nous accueille. Preuve en est avec ce superbe vin qui ne voit le jour que dans les grands millésimes. Sa belle robe dorée annonce un nez complexe de thé blanc, de camomille, de coing mûr, de miel, de citron confit et de cannelle. La bouche est intense et fraîche avec une superbe liqueur. Une gelée de rose et de fruits exotiques envahit le palais avec grâce. La fin de bouche reprend la cannelle et les herbes fraîches avec une fine touche de thym. Complexe, équilibré, il dévoile tous ses charmes jusqu’à en devenant orgasmique pour certaines… La classe !
En somme cette visite au Domaine Müller-Catoir fut espérée et planifiée de longue date. Elle vient confirmer toute l’élégance et la diversité des vins proposés qui sont travaillés dans un souci d’équilibre et de complexité des plus grands cépages de la région. Ils portent ce côté aérien que l’on vénère en tant qu’amateurs de grands vins blancs. Cette maison fait sans doute partie des toutes meilleurs d’Allemagne tout en restant terriblement accessible en terme de prix.
Un grand bravo !