In Vino Veritas

Vacances gastronomiques dans le Tessin

Au cours d’un week-end prolongé au bord du Lac Majeur, dans la belle ville d’Ascona, j’ai eu le plaisir de découvrir plusieurs adresses aux accents succulents. Premièrement nous avons visité Ecco, le restaurant expérimental du Grand Hôtel Giardino, avec un voyage culinaire étoilé aux alliances succulentes et originales. Au rayon vins, plusieurs découvertes dont un Riesling Kabinett Wolfer Goldgrube 2007, Vollenweider, Mosel-Saar-Ruwer et magnifique Chardonnay Bramito del Cervo 2008, Antinori, Ombrie.


Les vacances représentent des moments si rares et précieux car ils éveillent pour la plupart d’excellents souvenirs. Tel fut le cas pour moi lors de notre week-end prolongé du 14 juillet au bord du Lac Majeur. Même si le voyage fut des plus chaotiques (à cause des nombreux bouchons devant le Tunnel du Gotthard), nous fûmes contraints et presque forcés de traverser la magnifique région des Grisons avec en point d’orgue la superbe montée vers le Col de San Bernardino. Une fois arrivés sous le beau soleil du Tessin et dans la belle station d’Ascona, nous tournons en rond pour trouver notre hôtel pourtant tout près de ma zone de recherche ! Mais un couple bernois nous indique enfin le bon chemin vers l’Hôtel Ascovilla. Bien caché dans un très beau jardin, cet hôtel familial me ravit de par son charme.

Nous partons ensuite pour la riviera d’Ascona et tombons sur le Seven Asia, un très joli (et très bon) restaurant japonnais du groupe Seven qui fait l’actualité à Ascona avec plusieurs lieux tendances et branchés. Tout au long d’un repas riche en sushi et sashimi frais et finement coupés, nous apprécions un savant assemblage du nom du restaurant : Seven Bianco Riserva « Chardonnay-Semillon » 2007, Angelo Delea. De couleur or prononcé très surprenante pour un vin si jeune (influence certaine du sémillon), il séduit de par son fruité et sa fraîcheur, sur la pêche, le foin et le beurre fondu. Il se montre plutôt gras en bouche, avec une belle déclinaison de fruits jaunes (pêche, mirabelle, coing) et une acidité juste. Le passage en barrique confère une belle corpulence à l’ensemble. Un vin de soif exclusif et original, indisponible dans le commerce puisqu’uniquement vinifié pour le restaurant Seven par le célèbre Angelo Delea à Losone.

L’après-midi et le lendemain sont riches en shopping, farniente et détente, avec en point d’orgue la découverte du magnifique golf d’Ascona. Pourquoi magnifique ? Peut-être parce que j’y ai réalisé ma plus belle carte de la saison (!), mais aussi de par la beauté de ce parcours construit dans les années 20, aux arbres centenaires superbement intégrés dans la ville, et avec plusieurs trous avec une influence du lac bien rafraîchissante par cette chaleur.

Pour le soir, j’ai concocté une petite surprise à Jess en réservant à la table du fraîchement étoilé Rolf Fliegauf, au Restaurant Ecco ! Cette étoile montante de la cuisine helvétique (même si le chef est allemand il me semble) offre une cuisine novatrice, aux alliances originales dans le cadre cosy du luxueux hôtel Giardino à Ascona. Déjà à notre arrivée, le serveur nous titille les papilles avec une fleur de poivre de Séchuan. La saveur piquante, presque effervescente va crescendo jusqu’à devenir envahissante, avant de s’estomper peu à peu au bout de quelques minutes. C’est incroyable à quel cette petite boule explose au palais tel un bâton de TNT ! Dans tous les cas, l’expression « éveil du palais » prend tout son sens, de façon exagérée peut-être. A côté d’un cocktail de framboise au Champagne Laurent-Perrier (un de mes préférés, il aurait été tellement meilleur pour lui même !), nous entamons les premiers amuses-bouche, avant que nous soient servis deux boulettes de pain à l’hibiscus et à la lavande. Pour le moins original, n’est-ce-pas !?
Enfin pas aussi original et déroutant que le premier des 10 plats appelé sobrement « panna cotta » au foie de canard – parmesan – amarante. Un mariage de textures de foie gras inattendues présentées de façon destructurée comme vous pouvez le voir. Une crème épaisse de foie gras onctueuse transpercée, explosée par un trait de coulis aux fruits rouges rafraîchissant. L’émulsion d’amarante est aérienne et apporte une touche plus fumée tout comme la tranche de lard fumé servie en accompagnement. Mais la meilleure interprétation du foie gras est cette glace extraordinaire de fraîcheur et si fidèle au goût du fois de canard, avec au dessus un petit craquant au parmesan qui offre un parallèle intéressant au lard fumé. Je dirais tout simplement une entrée de grande classe. La cerise sur le gâteau est cette explosion effervescente dans notre bouche, qui, comme la madeleine de Proust, nous rappelle les bonbons crépit de notre enfance. Vous distinguez peut-être ces petites graines jaunes sur la photo qui à l’image d’un pop corn gonflent et pètent dans la bouche. Suprenant et inattendu ! L’accord avec le Riesling Kabinett Wolfer Goldgrube 2007, Vollenweider de Mosel-Saar-Ruwer est intéressant. A l’image d’un vin de cette région, il délivre un équilibre et une finesse caractéristiques couplé à un niveau de sucre résiduel élevé mais très digeste (8% d’alcool). Fruit jaune (pêche, mirabelle), miel et minéralité sont présents. Et ce n’est qu’un Kabinett ! Je me demande bien à quoi ressemble un Spätlese de ce domaine que je découvre ce soir… Dans tous les cas, c’est une adresse à retenir tout comme ce plat extraordinaire.

Je passerai par contre l’entremets suivant appelé huître – pomme – wasabi car je n’aime tout simplement pas l’huître, qui offrait tout de même un joli mariage avec cette pomme grany coupée finement, alors que le wasabi relevait judicieusement la petite salade de radis-pomme. Tout comme ce Roero Arneis Negro 2006 de l’Azienda Agricola, Piémont, une véritable eau de vie à l’églantier sans fruit, végétal et riche en alcool qui a eu du mal à descendre. Le plat suivant fut à nouveau une découverte. La soupe de petits pois 68°C / 4°C est crémeuse et engloutie en deux temps trois mouvements ! La texture et le mélange des températures me rappelle un peu le cappucino de petits pois dégsuté à l’Arnsbourg au printemps dernier. En accompagnement de ce velouté, un amuse-bouche au hareng qui offre un prélude riche en goût vers les plats suivants.

L’entremets au nom de asperges – persil – chorizo est tout aussi réussi même s’il ne présente pas une étape gustative nécessaire au cours du repas. Quoi qu’il en soit, le mélange des genres si bien interprété par le Chef se poursuit avec cette alliance originale d’asperge et de chorizo. Et c’est toujours très bon ! Le plat suivant concurrence la première entrée. Pas aussi décalé peut-être mais alors réussi majestueusement et accompagné d’un Chardonnay Bramito del Cervo 2008 d’Antinori, Ombrie excellent. L’aile de pocheteau – poulpe – cacahuète s’avère en fait être une aile de raie finement grillée et parfaitement cuite avec une crème de cacahuète de texture veloutée et envoûtante. Quel accord encore une fois ! Tout comme le mariage avec le ce Chardonnay finement boisé, si typique avec des notes de fruits blancs et une fine touche de vanille. Rond, généreux, il est parfait avec cette sauce à la cacahuète et justifie pleinement le choix du sommelier.

Cette soirée est vraiment géniale. La salle du restaurant est en fait à demi couverte et s’ouvre sur l’atmosphère chaleureuse des soirées d’été si rares en Alsace ! C’est à ce titre que le serveur se perd à nous remplir sans cesse notre verre d’eau jusqu’à rabord. Il aurait mieux fait de faire de même avec ce Chardonnay !

La queue de veau – bettraves rouges – croquant de café est un plat vraiment bizarre de prime abord, puisque je ne suis pas vraiment habitué à manger cette partie de l’animal ! (Trop) réhaussé par cette sauce relevée au café, ce morceau minuscule de queue de veau est plutôt filamenteux et ne présente à mon humble goût qu’un intérêt limité. Si ce n’est de goûter ce Merlot du Tessin Rosso di Sera 2004, Klausener de couleur grenat sombre et riche en fruit rouge mûr et titillant de fort belle manière le croquant de café, tout comme le cacao sur le plat suivant. Les tannins sont mis à contribution sur ce plat puissant même si le caractère si charmeur du Merlot d’habitude est relevé par un petit passage en barrique.
Je vous parlais du plat suivant, force est de constater que ce fut aussi une réussite toute particulière. Pintade de Bresse – cacao – céleri reste dans la continuité du la première viande mais ce pavé de pintade de Bresse est d’une cuisson parfaite. Moelleux, franc de goût, l’accord avec le céleri est de nouveau parfaitement pensé et réalisé. A nouveau, chaque ingrédient n’est pas là par hasard et trouve sa place. L’assiette est à nouveau dévorée en deux temps trois mouvements.

Le fromage quant à lui suscitait des interrrogations dès le début de la soirée et le choix du Menu. Car une telle composition et un effort de recherche pour un fromage est plutôt rare. De surcroît, je les apprécie d’autant car je pense sincèrement que le fromage est un ingrédient docile et facile à associer. Le bleu d’Auvergne – fruit de la passion – chocolat amer en est un exemple d’école. Il est vrai que ma Jess bien aimée n’est pas du même avis que moi et redoute quelque peu l’arrivée de ce plat, en raison de son dégoût des fromages bleu et autres persillés. Quoi qu’il en soit, ce carré de Bleu d’Auvergne frais en provenance directe des caves de Bernard Antony à Vieux-Ferrette est associé à un fruit exotique connu pour son goût dépaysant et son acidité rafraîchissante. Cerise sur le gâteau cette quenelle de glace au Bleu d’Auvergne au goût si fidèle qu’il en devient déroutant. C’est spécial mais j’ai bien aimé. C’est un goût que l’on n’oublie pas…

Pour finir, nous avons droit à un Ruster Beerenauslese 2007, Heidi Schröck réalisé à partir d’un assemblage de Weissburgunder et de Riesling. C’est un vin de dessert plein de raffinement, pas du tout tape-à-l’oeil qui nous séduit par la justesse de son fruit mûr, et par son caractère frais et aérien. En somme, même s’il n’est pas d’une grande complexité, il offre un ensemble profond, léger, idéal pour accompagner les deux desserts qui nous sont servis. Tout d’abord une alliance fraise – rose – poivre de moine qui est matérialisée sur un pavé à la consistence d’un chamallow. Et avec ceci, une fraise d’amour c’est-à-dire une fraise enrobée de crème meringuée. Vraiment original ! Tout comme le deuxième dessert qui offre un enième mariage parfait: l’amande – poire – thym. Un petit biscuit à l’amande, une glace maison à la poire, et des éclats de thym tout autour composent ce dessert aux arômes nombreux et complémentaires.

En somme je dois dire que ce restaurant, même s’il demande de mettre la main au portefeuille, vaut le détour. Qui plus est dans ce cadre grandiose du Grand Hôtel Giardino. Luxe et raffinement dans un cadre distingué, décoré avec soin qui met au goût du jour des alliances osées, des trios de saveurs intelligentes, qui témoignent du travail de recherche du Chef. Il l’a mérite son étoile et il n’est pas impossible que d’autres viennent illuminer le destin de Rolf Fliegauf, un Chef inspiré et bien dans son époque.

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