Vous le savez peut-être mais les Soirées 20 représentent un moment de retrouvailles et de découverte où tous les vins sont dégustés à l’aveugle. Le hasard de cette soirée a voulu que Yannick et moi ayons apporté un vin d’une même appellation. Voici le programme : Touraine-Amboise blanc « Harmonie » 2004, Domaine de la Gabillière ; Fixin « Clos Marion » 2004, Domaine du Fougeray de Beauclair ; Fixin 1er Cru Les Hervelets 2005, Domaine Bart ; Vin de Pays des Côtes du Tarn « Prunelart » 2006, Domaine Plageoles.
Cette fois-ci, ce fut au tour de Benoit de nous accueillir. Presque tous les invités furent à l’heure, même moi qui a dû braver la neige ! A peine l’automne arrivé qu’un grand manteau blanc a déjà isolé les cols alpins, en l’occurrence l’Oberalpass à la frontière entre les cantons des Grisons et d’Uri en Suisse. Malheureusement, cette série se fera sans Lio qui a dû se soigner, mais en la charmante compagnie de Magali qui vient embellir cette soirée vouée aux machos…
Notre hôte du soir a mis les petits plats dans les grands avec des séries d’amuse-bouches simples mais pleins de goût. La 1ère série serait tout au goût de ma chère et tendre qui n’a pas pu faire le déplacement ce soir. Il n’empêche que cette chiffonnade de saumon fumé lui aurait plu, d’autant plus que Benoit l’a demandé à son boucher, sans blague ! L’accompagnement se fait avec un coup de cÅ“ur offert par Seb, la dernière bouteille de ce vin qui surprend de par sa jeunesse à ce stade de son évolution. Il s’agit du Touraine-Amboise blanc « Harmonie » 2004 du Domaine de la Gabillière, produit par le lycée viticole attenant à la propriété. Sa couleur or marquée par une belle brillance peut donner une idée de son âge. Son nez fumé libère des notes fruitées de mirabelle, de coing et de fruits exotiques gourmands (fruit de la passion). Sa bouche est chaleureuse, avec une matière impressionnante pour un vin de ce calibre et de cet âge. L’on retrouve cette expression fruitée avec ces mêmes notes de passion, de bonbon Arlequin qui laisse cette impression acide malgré une belle chaleur. 2004 vous me dites ? Et bien je me souviens de cette découverte bue chez Seb il y a quelques années et qui une fois de plus ne déçoit pas. De plus cet Anjou suggère un accompagnement original avec le saumon fumé.
S’en suit un combat de coqs entre Yannick et moi pour savoir lequel de nous deux doit ouvrir le vin suivant. En effet s’agissant comme à chaque fois de dégustations à l’aveugle, nous proposons de déboucher la bouteille provenant de la région la plus septentrionale. Je me lance sans hésiter en disant à Yannick qu’il n’y avait aucune chance qu’il propose un vin plus au Nord que moi ; nous découvrirons à la fin de la dégustation qu’il s’en ait fallu de quelques centaines de mètres !… En effet le Fixin « Clos Marion » 2004 du Domaine du Fougeray de Beauclair provient d’un clos à l’extrême Nord de l’appellation, aux abords de la sortie du village. Je l’avais découvert au Domaine lors d’une visite il y a quelques années (voir par ailleurs). Il s’agit ici de ma dernière bouteille de ce vin à la robe rubis clair marquée par de belles larmes. Nous retrouvons au nez une belle fraîcheur caractérisée par la cerise, les baies acidulées et le minéral. A l’évolution Seb ne manque de dire que le vin « foxe » ce qui n’est pas partagé par tout le monde. La bouche reprend ces arômes de baies rouges, d’églantine avec tout de même une tendance à révéler les amers en finale. Le terroir argilo-calcaire de ce sol révèle une certaine intensité mais aussi une relative austérité à ce stade. Profond et minéral, il ne plaira néanmoins qu’aux amateurs de cette Bourgogne sauvage.
A l’inverse, le Fixin 1er Cru Les Hervelets 2005 du Domaine Bart est plus consensuel mais dans l’ensemble aussi bien plus réussi. Issu d’un millésime plus généreux – preuve en est avec cette couleur rubis plus prononcée et un jambage plus gras – il ne se livre qu’après un long carafage… Et même après toutes les pirouettes qui nous lui avons fait subir, il lui faudra beaucoup de temps pour mettre au jour du fruit rouge mûr (cerise), puis des notes d’amande douce et des touches raffinées de fleurs. L’élégance se retrouve en bouche et est sublimée par une belle vitalité de fruit (fraise tagada, cassis). Les tannins sont fins et accompagnent la rose fanée, le fruit rouge, le foin, les herbes et la fleur de cassis dans cet ensemble complexe et superbement élégant. Sans conteste le vin de la soirée qui sera à regoûter avec plaisir avec 2 ans de plus en bouteilles. Je m’imagine aussi le plaisir que peut procurer ce vin sur un filet de veau et une sauce rouge… Inutile de vous dire que ce domaine fait partie des étoiles montantes de la Côte de Nuits. Superbe !
Pour finir, quoi de mieux qu’un excellent plateau de fromages offert par Benoit avec un choix et une qualité étonnants ! Il avait choisi d’agrémenter la fin de repas par une curiosité, un cépage que seuls quelques experts entre vous retrouveront. Il s’agit du Prunelart, vieux cépage endémique du Sud-Ouest remis au goût du jour par un enfant de la région. Le Vin de Pays des Côtes du Tarn « Prunelart » 2006 du Domaine Plageoles suggère une robe grenat brillante unie à un disque léger et des larmes fines. Son nez libère tour à tour le distillat de cerise, la compote de prune, la lavande, l’eucalyptus, la cannelle et plein d’autre choses et offre un ensemble remarquable de complexité qui ne demande qu’à évoluer dans le verre. La bouche est moyennement intense avec un accent sur la prune et une belle matière enrobée dans un ensemble velouté. Les tannins sont frais et presque graveleux, ils accompagnent donc ce vin surprenant dans une finale complète et moyennement longue. Une curiosité qui vaut le détour malgré un prix plutôt rédhibitoire pour certains.
Merci pour cette soirée gérée de main de maître par mon pote Benoit, son boucher et son fromager ! Elle a rassemblé une belle série de vins, entre cet Anjou 2004 fougueux, un Prunelart étonnant et une alliance tantôt sauvageonne, tantôt élégante de cette Bourgogne qu’on aime. En toute objectivité je dirais que le Fixin 1er Cru les Hervelets de Bart fut sans conteste le vin de la soirée. Yannick, à dans un mois pour la revanche…
In vino veritas