Conformément à la tradition, Yannick nous accueille chaque année pour notre fête de Noël à nous. Cette fois-ci, sa compagne et lui ont mis les petits plats dans les grands pour le premier Noël dans leur nouvel appartement. Au niveau liquide, des bouteilles dignes de la soirée : Champagne Ruinart Brut Rosé ; Pinot Gris Clos Windsbuhl 2000, Domaine Zind-Humbrecht ; Clos des Lambrays 2004 ; Château Rieussec 1981, 1er Cru Classé de Sauternes.
C’est avec un retard non négligeable que j’arrive chez nos hôtes d’un soir, dégustation préalable oblige (voir par ailleurs)… Mais pour ma défense, je dirais que j’ai dû une fois de plus rattraper les pots cassés de notre Yannick national puisqu’il a cassé le bouchon du Sauternes avec son tire-bouchon de débutant ! Bref, je me mets à l’aise (ce que sais bien faire d’ailleurs) et je salue Audrey, Magali et Sébastien. J’ai dû venir en célibataire ce soir puisque ma petite Jess a choisi de se balader dans les allées bondées du marché de Noël de Strasbourg.
Nous commençons la soirée au bar, avec un Champagne Ruinart Rosé à la couleur rose clair aux reflets orangés très charmeuse (à cause de la saignée certainement). La mousse est très fine mais volumineuse et la bulle plutôt légère. Le caractère Ruinart surgit au nez mais surtout à l’attaque. Affirmé, il envahit la palais avec une belle puissance et libère entre autres des notes briochées entremêlées de fruits rouges. Vineux, ample, sa puissance se prolonge jusque dans une finale finement briochée. Long et gourmand, il offre une très belle mise en bouche avec de la tapenade, ou encore en entrée avec du magret de canard fumé. Une mise en bouche de belle facture. IVV : 89-90/100.
L’entrée constituait un défi pour l’accord mets-vin. Yannick m’avait demandé au préalable d’apporter une bouteille de vin d’Alsace en accompagnement de son duo de foie gras, comprenez un foie gras typique des Landes justement assaisonné de sel et de poivre, et une terrine de foie gras plus conventionnelle. Autant dire qu’un seul vin ne pouvait offrir l’accord parfait pour les deux. Mais le vin suivant s’en est rapproché. Le Pinot Gris Clos Windsbuhl 2000 du Domaine Zind-Humbrecht est indéniablement un grand vin de gastronomie. Lisez plutôt : d’une couleur dorée aux ambres claires, son nez allie une grande trame minérale aérienne à une maturité du fruit caractéristique du vigneron : fruits exotiques, abricot, miel, épices de Noël, avec une minuscule touche oxydative (pomme). Vous comprendrez tout de suite que ces senteurs appellent naturellement la terrine de foie gras et son chutney de mangue aigre-douce. Cette confiture de mangue offre un accord judicieux et grandiose. Mais ce n’est pas fini : ce millésime 2000 offre un équilibre quasi sec au palais. De ce fait, l’entrée en bouche est légèrement amère, avec des arômes de café, de poivre et d’épices. Le vin se métamorphose littéralement pour offrir un grand vin de terroir, avec une minéralité, une profondeur et une longueur exceptionnelles. Ce « brut de terroir » propose un accord génalissime avec le foie gras et ne serait-ce qu’une touche de chutney à la mangue vient titiller l’ensemble et révèle le côté fruité de ce Grand Vin aux multiples facettes. Accord mets-vin extraordinaire ! IVV : 95-97/100.
Difficile de se remettre de ce vin grandiose. Et voici qu’arrive un jeune étalon dans sa carafe : le Clos des Lambrays 2004. Pour l’occassion, les grands verres Schott-Zwiesel sont de sortie. D’un rubis foncé aux reflets tantôt grenat tantôt bruns-noirs, il exhale des notes puissantes mais agréables de charbon, de fumée, de charbon, de poussière, de métal et de cuivre : la barrique est encore bien présente, même si ces notes rustiques caractérisent de manière générale le millésime 2004. L’entrée en bouche est tout aussi brute, rustique, avec de l’encens, de la fumée, du clou de girofle, avant que l’ensemble ne tapisse le palais avec une certaine emprise. Le fruit ne se distingue pas encore, même si l’on peut discerner la mûre, la pelure de pêche et de pomme. Une belle complexité qui est digne d’un Grand Cru déjà à ce stade. La structure du vin et son équilibre acide le porteront loin… Rendez-vous vers 2012-2015 ! IVV : 93+/100.
Pour finir, le dessert fut tellement réussi qu’on en oublierait presque un Château Rieussec 1981, 1er Cru Classé de Sauternes tout aussi divin. Le tiramisu aux fruits exotiques se cache dans un verre, comme enlacé entre une gourmande pellicule de crème à la noix de coco et une confiture de framboise. Un régal de dessert, accompagné par une salade de fruits exotiques au Rhum. Il faut croire qu’Audrey est une experte des accords mets-vin, puisque le Rieussec révèle un bouquet complexe de fruits exotiques cuits (mangue, banane, vanille, orange Grand Marnier, raisin de Corinthe) au palais, le tout enrobé d’une liqueur puissante mais onctueuse, et finissant sur des notes boisées (Bois Bandé). Un Grand Rieussec dans la fleur de l’âge. Bien joué ! IVV : 93/100.
Je signale par ailleurs qu’au premier nez, ce Rieussec libérait des arômes incroyables de Roquefort. Puisque nous sommes dans le chapitre accords mets-vin, je pense que ce vin offrirait un accompagnement tout simplement parfait avec ce fromage.
Et mine de rien, l’heure du café sonna vers 1h30 du matin. Sans même regarder ma montre une fois de la soirée, je me permets d’accompagner mon ristretto de cannelés de Bordeaux faits maison par Audrey. Si je dois dresser un bilan, je dirais simplement que ce fut la plus belle soirée de Noël jusqu’alors organisée par Yannick. Déduisez-en donc qu’Audrey est loin, très loin d’y être étrangère ! Quand je repense à ces cannelés, mais surtout aux trois sortes de pain fait maison (blanc, aux épices de Noël et aux fruits exotiques) pour le foie gras, et au dessert, je me dis que l’on devrait refaire une telle soirée plus d’une fois par an ! Merci et encore merci !
In vino veritas
Thomas