A l’occasion d’une nouvelle Soirée 20 organisée par Benoit et Marie, nous avons eu la chance de goûter à la cuisine de la célèbre Coralie Kippelen, finaliste malchanceuse du dernier Dîner Presque Parfait sur M6. Et avec ceci : Mas Porquetière 2008, Côtes-de-Provence blanc ; Chassagne-Montrachet 1er Cru Les Caillerets 1994, Bernard Morey ; La Grange d’Aïn « Le Cèdre » 2006, Faugères ; Givry 1er Cru Clos Jus 2004, François Lumpp ; Pinot Gris Vendanges Tardives 2003, Domaine Marcel Deiss.
Il faut croire qu’avec le temps les Soirées 20 trouvent un intérêt sans cesse grandissant. Je me souviens encore de la première dégustation de ce genre organisée par Yannick il y a maintenant près de 6 mois, dans sa cuisine, avec un simple plateau de fromages et de la charcuterie (voir par ailleurs). Qui aurait pensé que nous nous retrouverons quelques mois plus tard servis par une des meilleures cuisinières amateur françaises ?
Coralie est en fait une amie de Marie et Benoit et a accepté, au vu de son agenda de ministre, de préparer le dîner qui accompagnera cette dégustation à laquelle Lio et Yannick n’ont décidé de ne pas participer bien malgré eux… Mais ce n’est pas elle qui a concocté les délicieux toasts qui font la paire avec un vin dont Benoit m’avait longuement parlé : Mas Porquetière 2008, Côtes-de-Provence blanc. 4.000 bouteilles furent produites dans ce millésime 2008 par Stéphane Cuer, ancien sommelier et aujourd’hui vigneron passionné par la biodynamie : ses vins expriment vraiment une pureté et un fruité remarquables. Preuve en est avec ce blanc de Provence composé à 50% de Rolle et à 50% d’Ugni blanc qui nous séduit de prime abord avec sa robe très pâle et claire. Le nez est bourré de fruit blanc (melon, poire, mirabelle, groseille à maquereau) avec un côté floral enivrant. L’aération est plus exotique et complète ce beau nez. En bouche le vin allie fantastiquement matière, élégance et pureté du fruit blanc. Le tout se montre si sexy au palais que nous nous devons d’ouvrir une autre bouteille. La finale est elle aussi soyeuse, souple et laisse une belle trace de chair de poire et d’acacia. Un must pour l’été ! IVV : 86/100.
Nous passons à table quand Coralie entre en scène et nous propose un trio de tartare de poisson (saumon, maquereau, truite) au pomelo et sa salade folle. Sébastien, le frère de Marie lui aussi amateur de vin nous a fait plaisir avec un vin qu’il a piqué dans la belle cave de sa mère. Evidemment tous les vins furent dégustés à l’aveugle et donc nous nous lançons dans la devinette de vin à la robe or majestueuse qui brille et offre de très belles nuances allant du vert tilleul à l’or paille. Carafé juste avant le service il se montre encore timide dans le verre avec tout d’abord des notes réductives de poussière et de terre sèche. L’on ressent tout de même un fond aux innombrables qualités olfactives où se mêlent le miel de sapin, les fleurs blanches séchées, le tilleul, le foin, la cire et le miel ainsi que les fruits blancs. Avec le temps viennent une profondeur et une minéralité remarquables. La bouche est elle aussi d’une grande intensité. Et même si l’on ressent une certaine maturité je n’aurais jamais pensé qu’un blanc de 17 ans soit aussi juvénile. Sa matière et son toucher de bouche sont exceptionnels et les arômes de tilleul et de poire titillent à merveille cette délicieuse trilogie de poissons. Ce grand vin de Bourgogne offre un ensemble soyeux et souple en fin de bouche avant de plonger dans une finale moyennement longue mais intense et fraîche. J’ai longtemps hésité entre Meursault Perrières et Chassagne, en revanche 1992 me semblait réaliste. Et bien presque. Merci Sébast’ pour cet exceptionnel Chassagne-Montrachet 1er Cru Les Caillerets 1994 de Bernard Morey. Il faut noter que ce domaine fut récemment divisé entre les deux fils de Bernard (Vincent & Thomas), et a donc produit en tant que tel son dernier millésime en 2006. Une grande maison pour un grand vin. Superbe et encore pour plusieurs années ! IVV : 94/100.
L’agneau frappe à la porte et c’est au tour de Seb de servir sa surprise du soir sur une couronne d’agneau au jus d’agneau et pommes de terre au four. Mon petit doigt m’avait dit qu’il avait déjà bu ce vin avec Yannick lors d’une soirée précédente… Et avec des côtelettes d’agneau goûteuses et fondantes à souhait il a décidé de frapper à nouveau avec un Faugères 2006 prénommé La Grange d’Aïn « Le Cèdre ». Là aussi il s’agit d’un vin cultivé en bio par un jeune vigneron, Cédric Saur, qui a décidé de reprendre ce vieux domaine au patrimoine de vieilles vignes de nobles cépages languedociens. Composé de manière originale à 80% de Grenache et à 20% de Carignan (contrairement aux habitudes dans cette appellation), c’est un vin de grande classe qui est issu de faibles rendements. Son nez de poivron, de prune mûre évoluant vers le pruneau, le pain grillé, la réglisse, le marc de café et la terre mouillée se décline tout en harmonie avec une fraîcheur et une gourmandise complémentaires. La bouche est puissante : ses profonds arômes de prune et de réglisse se mêlent à des notes gourmandes de charbon et de chocolat chaud. Les tannins sont enrobés mais élégants et traduisent un équilibre remarquable. Malgré cette puissance (14.5°), la finale sait rester gourmande et harmonieuse. Quel jus ! Un excellent vin de plaisir qui ravit toute l’assemblée. IVV : 91-92/100.
Le seul problème avec ce vin, c’est le vin d’après… Et là, j’ai compris que mon Givry 1er Cru Clos Jus 2004 de François Lumpp aurait du mal à sortir du lot. Pourtant je restais sur une belle note friande avec ce même vin goûté il y a 2 ans maintenant (voir par ailleurs). Avec ce plateau de fromages offert par Benoit, ce même Givry a montré des signes d’évolution mais malgré la forte concurrence, a su rester humble (!) Son fruit rouge n’est certes plus aussi croquant mais a évolué sur des notes justes de cerise enrobées d’un fin boisé et de sous-bois. Elégance et légèreté sont les caractéristiques de ce Givry et malheureusement, elles sont à l’opposé de celles du mastodonte précédent. Il n’empêche qu’il glisse tout en harmonie sur le palais et offre une complexité fine ainsi qu’un bel équilibre. A boire sans attendre. IVV : 84/100.
Enfin nous finissons avec le dessert que tout le monde attendait. La tartelette de mousse au chocolat et son fondant au Rocher demanderait un vin rouge, non ? Visiblement pas puisque Benoit nous sert un jus doré aux multiples déclinaisons brillantes. Ce Pinot Gris Vendanges Tardives 2003 du Domaine Marcel Deiss est un clin d’Å“il à la grande dégustation que nous avons eu au domaine il y a 2 semaines (voir commentaire associé). Contrairement à notre dernière gorgée de ce vin il y a quelques jours, ce vin dévoile des effluves précis de confiture de coing. Son nez dégage aussi des notes exotiques d’ananas, de mangue avant que l’aération ne lui apporte aussi la mirabelle, la banane, le miel et le bonbon de rose. Son fond est riche, en témoignent ces notes de vernis à ongles et de térébenthine. L’attaque est moelleuse sur l’abricot cuit, la mangue et le miel, avec une évolution sur le sucre roux. Bel équilibre amer avec une fraîcheur de premier ordre. La finale jongle sur la datte et le miel et contribue à la gourmandise de ce superbe liquoreux. Du travail de pro, M. Deiss ! A boire maintenant pour le plaisir. IVV : 92-93/100.
Il est temps pour nous tous de faire une belle photo de groupe et pour certains de demander un autographe à celle qui nous aura préparé un délicieux accompagnement pour tous ces vins. Je pense juste que le Faugères aurait pu laisser une chance au Givry en passant après lui ! A part cela, tout fut excellent ! Mention spéciale aux vins blancs car tous les trois auront brillé ce soir. L’un original et élégant, le deuxième prestigieux et marathonien et le dernier gourmand et mûr.
Merci à Coralie pour ce délicieux dîner, à Benoit et Marie de nous avoir accueillis, à Sébast’ pour ce grand Chassagne et la perspective de futures dégustations dans le Sundgau, ainsi qu’à mon ami Seb pour cette magnifique découverte !
In vino veritas