Amateurs de vins d’Alsace et fidèles à ce grand domaine faisant la renommée de notre belle région à travers le monde, mon oncle et moi nous rendons dans le magnifique village de Bergheim au Domaine Marcel Deiss pour une très belle dégustation. Un moment à la fois en dégustation, à la cave et dans les vignes pour faire le tour de cette très belle maison.
En ce samedi, je me hâte à rejoindre mon oncle Christian avec qui nous buvons toujours des belles bouteilles. Cette fois-ci, nous décidons de rejoindre le beau village de Bergheim qui est dans le prolongement des lieux les plus renommés du vignoble, juste au Nord de Ribeauvillé. A notre arrivée, la cour est déjà pleine de voitures de toutes régions et nous sommes accueillis par le maître des lieux, à savoir le charismatique Jean-Michel Deiss qui nous explique clairement tout le cheminement de la dégustation, en commençant par les vins génériques jusqu’aux 3 Grands Crus du Domaine en passant par les énigmatiques « 1ers Crus » en cours de hiérarchisation. Tout cela nous explique clairement toute la démarche du Domaine, à savoir retirer toute la quintessence d’un terroir plutôt que d’un cépage. Puisqu’au fond, selon la philosophie Deiss, le raisin n’est que le fruit de cette sacrosainte vigne qui trouve toutes ressources les plus profondes dans la terre dans laquelle elle grandit. Le reste n’étant qu’une activité de production et de transformation, comme nous l’a si bien expliqué son fils Mathieu lors de la visite de cave.
Le nouveau caveau de dégustation est le lieu idéal pour s’étendre, se mettre à l’aise et prendre des notes en toute quiétude. Jean-Michel se mêle aux invités afin de mieux leur expliquer sa démarche si singulière. Preuve en est avec le premier vin dégusté lors de cet évènement à savoir l’Alsace 2008 qui est un assemblage des 13 cépages alsaciens et qui a pour objectif de refléter le fruit, l’acidité et cette sapidité si caractéristique des vins d’Alsace. D’ailleurs Jean-Michel troquerait bien le mot « sapidité » pour le mot « salivation » qui est l’un des seuls sens également ressenti par chaque individu à l’inverse par exemple du ressenti des arômes d’un vin qui est lui propre à chacun. En tous cas, je suis assez éberlué par la qualité de ce vin d’entrée de gamme, preuve en est encore que les grands vignerons commencent toujours là où beaucoup d’autres moins talentueux s’arrêtent ! Déjà très ouvert au nez, très complexe et subtil sur des notes de fruits jaunes et exotiques avec des belles notes de citrus, il se montre gras dès l’attaque avec une belle rondeur couplée à une acidité fine, tendue qui se prolonge dans une finale longue. Un vrai coup de coeur !
Presque aussi bien, le Muscat Bergheim 2008 qui va à merveille avec le retour du printemps. Cette fraîcheur est décelable au nez avec à la fois le litchi, le pamplemousse, la pêche blanche, le raisin frais. La bouche est moins tendue que le vin précédent mais demeure très aromatique et très charmeuse avec toujours cette volupté en finale. Un très bon vin de saison. D’ailleurs ces entrées de gamme me conviennent mieux que tous les autres vins de cépage proposés ensuite même si le Riesling Bergheim 2008 se distingue lui par une belle profondeur d’arômes au nez, sur des notes végétales et citronnées. Ample et suave en bouche, il est relativement gras pour un Riesling mais trahit son cépage parses arômes de citron et d’ananas. La finale est elle aussi riche et sapide. Le Pinot Gris Bergheim 2003 est d’apparence jaune or. D’abord fumé, il s’ouvre ensuite sur la pêche jaune mûre, l’abricot et le miel. La bouche est veloutée, puissante avec une acidité sous-jacente et une touche de vanille. Je le trouve néanmoins très solaire et proche du déclin. Le 2005 est lui plus équilibrée mais l’on retrouve clairement la même identité que son aîné de deux ans. Enfin le Gewürztraminer Bergheim 2004 offre une nez discret de fruit frais et de fleurs blanches. Très soyeux et avec une belle trame acide, il se caractérise par une finale longue et une légère amertume. Je préfère personnellement le 2005 qui est quant à lui plus complexe (fruits jaunes, fruits exotiques, baies blanches), plus soyeux et moelleux en bouche avec une évolution sur les fruits confits. Belle fraîcheur cristalline en finale ! Un très bon vin que je suis ravi d’avoir en cave…
Avant d’attaquer les 1ers Crus, nous passons par les deux vins rouges du Domaine. Alors peut-être avez-vous déjà pu lire mes commentaires peu élogieux sur plusieurs millésimes de Pinot Noir du Burlenberg que j’ai pu boire, et bien sachez que le Rouge de Saint-Hippolyte 2007 ne provoque pas non plus une émotion particulière. Très caractéristique du Pinot Noir mais dans un registre mûr, je le trouve un peu lourd en fin de bouche. Dommage car l’attaque est vive, le palais est souple et puissant. Le Burlenberg 2004 est quant à lui d’un rouge très sombre avec un nez tertiaire et animal que je retrouve à chaque fois. La bouche est elle puissante, encore un peu serrée, sur le fruit rouge compoté et la cendre mais le tout s’adoucit un peu dans une finale longue et chaleureuse. C’est pas mal mais ce n’est pas ce que je préfère.
Nous entrons maintenant dans la nouvelle salle de dégustation idéalement agencée avec plusieurs écrans 16/9 qui offrent une vue de synthèse de tous les terroirs du domaine. Cette vue d’ensemble est d’autant plus importante que nous entamons la dégustation de ces vins de terroir à savoir les 1ers Crus et les Grands Crus du Domaine. La montée en gamme est flagrante avec ce superbe Langenberg 2007 qui offre une nez d’une grande complexité (fleurs, rose, vanille et pamplemousse). En bouche, c’est une véritable symphonie d’agrumes, de fruits jaunes, d’ananas et de vanille. Le toucher de bouche est soyeux et l’ensemble se montre très chaleureux dans cette finale longue typique de ce terroir granitique du village voisin de Saint-Hippolyte. A côté de lui, l’Engelgarten 2007 provient d’un terroir de graves situé au coeur du village de Bergheim. Le nez est riche avec de belles notes épicées, de pomme cuite avec un minéral sous-jacent. La bouche est quant à elle minérale, fraîche et grasse sur des belles notes d’agrumes (citron, zeste d’orange). Très Riesling de caractère, c’est un vrai vin de gastronomie.
Les 1ers Crus suivants sont proposés en verticale de deux à trois millésimes. Pour preuve, le Rotenberg 2004 s’ouvre sur un nez d’agrumes, la pêche jaune et le pamplemousse typique de cette vigne complantée de Riesling et de Pinot Gris. Belle richesse en bouche, avec une certaine puissance et beaucoup de fruit. Cependant, ce grand vin de table offre une grande salinité et une superbe longueur en finale. Le 2005 est étonnamment subtil pour le millésime. Plus sur les fleurs blanches, la rose, le litchi, il offre un bouquet très élégant malgré une grande puissance en bouche. Comme une main de fer habillée d’un gant de velours, ce vin demandera beaucoup de temps même s’il propose déjà une grande dimension minérale et une belle profondeur. Enfin, le 2007 est un véritable coup de cÅ“ur ! Paré de belles notes de vanille, d’herbes fraîches, de sureau et de fruits blancs, il surprend de par son attaque cristalline et d’une immense fraîcheur. Les fruits jaunes, l’ananas et la vanille donne une nouvelle dimension aromatique au palais mais c’est bel et bien l’extrême fraîcheur de ce vin qui m’enchante. Bravo !
Place à un autre terroir, mitoyen du Grand Cru Altenberg de Bergheim à l’Est, le Schoffweg 2004 est fumé au nez avant une aération plus secondaire et fruitée (ronce, baies blanches, sureau). La minéralité est sous-jacente avec une évolution sur la cendre. La bouche est aristocratique, grasse et légèrement fumée sur le fruit blanc et le chèvrefeuille. Déjà à maturité, ce grand vin de terroir justifie à lui seul toute la démarche du Domaine Deiss. Le 2005 reprend les mêmes caractéristiques que son aîné d’un an dans un registre plus mûr avec une orientation tannique très fine. La finale est longue, profonde et témoigne de toute la maturité de ce vin déjà très bon à boire aujourd’hui. Enfin, le 2007 reprend la trace du millésime. Au fruit très subtil vient se greffer une grande acidité qui témoigne d’un grand potentiel de garde. En somme, ce Schoffweg se distingue par cette sévérité toute relative et ce gras qui en font un grand vin de terroir qui me rappelle quelques Loire ou encore certains vins du Mâconnais. Très bien.
Le Grasberg 2004 se distingue de par son nez très aromatique sur le fruit blanc, les agrumes, la rose et le litchi. La bouche est quant à elle tendue et sapide grâce à une belle acidité. Une note herbe fraîche vient accentuer la fraîcheur de cet ensemble vif et vibrant. Le 2005 reprend cette vivacité caractéristique. Néanmoins plus puissant avec une touche précise de pêche, il est à l’image de ce millésime plus mûr et plus exubérant, mais toujours avec une belle fraîcheur sous-jacente La situation du cru contribue certainement à ce caractère aromatique et frais puisque situé au sommet de la colline de l’Altenberg mais côté Nord-Est et qui se distingue par son climat méditerranéen et sa grande biodiversité (label Natura 2000). Enfin, le 2007 joue plus dans la légèreté et la finesse avec des arômes plus discrets. Il me fait moins vibrer que les autres 2007 dégustés jusqu’à présent.
Nous enchaînons avec le terroir du Burg qui est complanté de tous les cépages alsaciens. Le Burg 2005 se distingue par une large palette d’épices, un côté gras, juteux et flatteur. Pour ma part, je préfère le 2007 toujours très aromatique mais plus complexe à ce stade. La bouche est riche, sapide avec une belle dimension acide qui rend le tout extrêmement digeste dans une finale profonde et légèrement amère. J’accorde bien sûr un grand potentiel de garde à ces deux vins.
Le Grünspiel 2004 est issu d’une complantation de Riesling, de Pinot Noir et de Gewürztraminer et se distingue par un beau moelleux en bouche mais surtout par une acidité tranchante, saline et sapide qui laisse en finale une superbe trace, à la fois fruitée et riche. A mon humble avis, le 2005 lui est encore supérieur. L’on remarque tout de suite ce côté exotique plus exubérante et plus complexe qui est toujours associé à cette minéralité et cette salinité remarquables. Il laisse toujours cette belle trace en arrière-bouche mais offre une finale plus exotique que le 2004, avec en prime une belle touche vanillée qui vous transporte. Superbe.
Pour finir cette belle série de 1ers Crus, il nous reste le Hübuhl 2002 à déguster. Située en contrebas de la route entre Ribeauvillé, à l’entrée du village de Bergheim, cette parcelle est propice aux Pinots. Preuve en est avec un nez flatteur, généreux, sur le miel, la pâte de fruit et les fruits jaunes confits. La bouche est suave, riche, presque entêtante avec une évolution légèrement oxydative. Personnellement, je n’accroche pas plus que cela, d’autant que je trouve l’ensemble un peu pataud en finale.
Nous sommes en retard par rapport au programme à cause de cette belle balade dans les vignes du Domaine menée par Charles, le jeune et talentueux chef des cultures. Au travers de notre périple au cÅ“ur de l’Altenberg de Bergheim en passant par les parcelles du Schoffweg, du Grasberg, du Burlenberg et du Burg, nous pouvons prendre toute la mesure du travail incessant mené par les employés du Domaine dans les vignes. Pour Jean-Michel et les autres, c’est ici et seulement ici que la différence se fait.
A notre retour et pris par le temps, nous devons malheureusement déguster les trois Grands Crus à la hâte et oh sacrilège, faire une croix sur les VT, SGN et autres vins de réserve proposés lors de cette dégustation. Nous commençons par mon préféré des trois à savoir le Mambourg Grand Cru 2006. D’emblée cette robe ambrée au disque épais interpelle. Le nez est d’une richesse surprenante et pénétrante, sur la pâte de fruit (abricot), le miel, le caramel et une légère évolution oxydative. Le tout brise la glace à l’attaque grâce à une dimension saline, un équilibre génial, presque sec et une profondeur remarquables. La finale est très longue, profonde. Mais c’est avant tout cette race, cette a-typicité qui sont incroyables et contribuent à la légende de ce grand vin d’Alsace. Inimitable !
L’Altenberg de Bergheim Grand Cru 2006 est comme à son habitude très exotique, sur les fruits jaunes (pêche, mangue), la pomme au four, le miel avec une évolution légère sur le caramel. C’est une véritable boule de fruit qui s’empare du palais du dégustateur avec un toucher de bouche velouté et fondu, mais l’ensemble garde cette tension et cette chaleur si élégantes de l’Altenberg. Pour information, j’ai entendu dire que la maison Trimbach de Ribeauvillé a acheté une parcelle dans ce Grand Cru, je suis impatient de voir comment ce Domaine appréhendera tout l’exotisme et le botrytis si souvent présent sur ce terroir…
Nous terminons notre périple par le Schoenenbourg Grand Cru 2006 et ce nez mêlé d’anis, de clou de girofle et de cardamome avec une évolution sur les herbes fraîches et la rose. Quelle complexité ! L’attaque est veloutée, crémeuse et moelleuse avec un beau gras. L’on retrouve ce côté si aristocratique du Schoenenbourg, si minéral et complexe de fruit à la fois. La finale remplit la bouche, elle est longue, fougueuse et chaleureuse. Quel finish !
Une dégustation dans ce temple des vins d’Alsace, à la fois si traditionnel et si novateur, nous donne vraiment l’envie de revenir. La présence de toute l’équipe du Domaine lors de ces Portes Ouvertes organisées pour ses nombreux clients témoigne de l’engagement et la passion de Jean-Michel, de Matthieu, de Charles et de tous les autres. Assurément, nous reviendrons très bientôt pour rechercher nos dernières commandes et en profiter pour refaire le tour des vos grands vins de terroir.
In vino veritas