Nous approchons la fin d’un été chaud, ensoleillé et généreux qui marquera certainement d’une belle empreinte les vins issu de ce millésime 2015. Histoire de nous mettre du baume au coeur à tous après plusieurs années assez maussades dans nos contrées septentrionales. D’autant plus que ce dimanche nous a donné un dernier goût estival à l’ombre des pommiers : le soleil, la bonne humeur et une compagnie des plus amicales dans le jardin de Dali et Jean-Paul ! Nous avions prévu ce rendez-vous depuis notre dernière rencontre en février dernier dans notre QG préféré : le magasin Au Monde du Vin à Saint-Louis. Cette fois-ci le challenge était de partager des magnums, afin de prolonger le plaisir et le partage sur une cuisine généreuse.
Tandis que les convives attendent les derniers retardataires autour d’une coupe de Champagne Taittinger, Christian prépare déjà l’apéro avec l’Anjou blanc 2013 de Thibaud Boudignon qui accompagnera à merveille les crudités de la mer préparées par nos hôtes. Ce jeune vigneron trentenaire, ancien judoka international, a monté son domaine après avoir fait ses classes chez Philippe Charlopin notamment. Ce Chenin à la robe jaune pâle, claire et lumineuse nous enchante par sa frâicheur et ses notes d’agrumes. Aussi le minéral (du granit?) marque ce vin de terroir. Les avis divergent quant à sa provenance et son cépage. Sa bouche vive, aux accents végétaux et fraîchement fruités, propose une maturité étonnante, qui est portée par une acidité saline et sapide. Sa gourmandise et son équilibre acide vous appelle, de beaux amers se dévoilent sur des crevettes aux agrumes et à l’huile d’olive de Nyons. Long, avec une fin de bouche saline et de pomme verte. Très belle mise en bouche ! Un jeune domaine à suivre…
J’ai apporté la deuxième bouteille de la journée, qui offrira une transition entre l’apéritif et l’entrée. La robe or du Riesling Grand Cru Schlossberg 2007 d’Albert Mann précède un ensemble olfactif minéral et profond. Il s’affine après quelques temps dans le verre pour s’ouvrir sur des notes de cire d’abeille, de miel de pâte de fruits et de minéral chaud. Sa grande maturité provient de la richesse du millésime 2007, tardif et généreux en Alsace. A la fois concentré, chaleureux et épicé en bouche, ce Schlossberg termine sur une finale d’amande amère qui relance le tout. Sur des fines tranches de foie gras à l’ananas, il donne la pareille au Puligny-Montrachet 1er Cru Les Folatières 2011 du Domaine Drouhin. Issu d’achat de raisins auprès de vignerons partenaires, ce vin est plutôt charnu et chaleureux. Sur les fruits blancs et avec une touche végétale, il délivre un ensemble plein de matière. Le bois (25% de fûts neufs) est plutôt bien intégré et même si je ne suis pas subjugué par ce vin qui ne me procure pas d’émotion particulière, il est issu d’un bon travail de vinification.
Le barbeque chauffe à plein tube au moment où nous goûtons la Shiraz Georgia’s Paddock 2001 du domaine australien Jasper Hill. Cette propriété située dans la province de Victoria, non loin de Melbourne, produit quelques uns des vins les plus confidentiels du pays depuis plus de 30 ans. Adeptes de la biodynamie, Ron and Elva Laughton se sont liés d’amitié avec Michel Chapoutier qui lui aussi produit des vins dans le Sud de l’Australie. Nous avions déjà eu un véritable coup de coeur pour le millésime 2007 de ce vin il y a quelques années (voir par ailleurs), bis repetita sur ce magnum de 2001. Son nez est d’une complexité incroyable : cuir, menthol, chocolat, viandox, terre fraîche, herbes de Provence, café, fenouil et j’en passe ! Grand nez, avec une alliance étonnante de fraîcheur et de maturité ! La bouche mentholée et fraîche joue tout de même dans le registre de la puissance. Sec, complexe, costaud mais étonnament digeste, nous savourons un vin juste et subtil, dont la franchise m’enchante. Il finit sur le cacao, le pruneau et une pointe mentholée. Grand vin, une fois de plus ! Face à lui l’Anjou-Brissac « La Croix de Mission » 2010 du Domaine des Rochelles tremble de peur tout comme Fabrice qui a tant apprécié toute la beauté du vin précédent. Ce Cabernet (90% Sauvignon, 10% Franc) s’exprime avec friandise au nez, sur des notes complexes et mûres de fruit noir. La bouche brille par son harmonie, son grain de tannin noble ainsi que sa finesse. Déjà patiné et sublimé par son millésime, il révèle idéalement toute la beauté de ce cépage friand et élégant. En somme il s’agit d’un vin très complet et déjà accessible à ce stade.
Nous terminons avec un Riesling « Frédéric Emile » 2004 de la maison Trimbach. Je ne suis pas toujours enchanté par cette cuvée qui ne m’a jamais vraiment procurée d’émotion ; elle provient pourtant de parcelles de vieilles vignes de Grand Cru Geisberg et Osterberg qui surplombent la propriété familiale. Mais cette fois-ci je dois dire que je me suis réconcilié avec ce vin ! Sa robe jaune or aux reflets verts est majestueuse. Son nez friand de fruit blanc, d’agrume et de minéral habille parfaitement la noblesse du cépage. Ce vin froid, car issu d’une année à déficit de maturité, nous dévoile cependant toute la beauté de son terroir marno-calcaire. Son équilibre parfait, long et bien construit, nous démontre l’importance du sol et du lieu quand la météo n’est pas toujours au rendez-vous. Je soupçonne aussi que le contenant accentue cette sensation d’équilibre, de minéralité et de droiture. Une étonnante surprise, un vin qui tient son rang de Grand Cru et dont la trame acide fait un malheur sur le Roquefort ! Bravo !
Aux grands vins que nous avons goûtés aujourd’hui s’ajoutent la convivialité et l’amitié. Nous terminerons cette journée avec quelques belles « bricoles », comme d’habitude chez nos amis : la Chartreuse verte, le Rhum JM 1999 ou encore d’autres bonnes choses nous rappellent que le vin et la bonne chair ne seraient rien en mauvaise compagnie ! Merci à tous et surtout à nos hôtes Jean-Paul et Dali sans qui ce dimanche n’aurait pas pu être aussi réussi.
In vino veritas
Thomas