Une énième dégustation organisée par un importateur de vins suisse m’a permis de découvrir de nouvelles beautés, venues de France mais surtout d’ailleurs, au cours d’une très belle dégustation au Grand Hôtel Les Trois Rois de Bâle. Voici pêle-mêle quelques superbes trouvailles : Domaine Masson-Blondelet, Château Haut-Bergey, Schäfer-Fröhlich, R. Weil, Champagne Maillart, Markus Stäger, Domaine Trapet, Domaine Confuron-Cotétidot, Château de Pibarnon, La Massa, Ridge Vineyards… Avec une mention spéciale pour un coup de coeur nommé Histoire d’Enfer !
Peter est un collègue de travail comme je les aime. Cet amateur de vins sait dénicher les bons plans : c’est donc tout naturellement que je lui fait confiance quand il me donne des adresses en Suisse, en Allemagne ou encore en Italie. Mais cette fois-ci, il est venu me voir pour me donner une invitation à une belle sélection de vins faite au Grand Hôtel Les Trois Rois de Bâle par l’importateur suisse Martel AG, basé à Saint-Gall.
La dégustation a débuté à 16h mais étant retenu dans une réunion des plus rébarbatives, je ne peux que me libérer vers 17h30. J’ai une certaine hâte à me rendre au plus vite aux Trois Rois avec mes deux apprenties dégustatrices. C’est dans une belle salle de bal que sont exposés 85 vins allant de 15CHF à plus de 100CHF la quille. C’est sans attendre que nous débutons la dégustation dont voici ma sélection…
- Pouilly-Fumé « Villa Paulus » 2010, Domaine Masson-Blondelet. Vieilli sans aucun contact avec le bois, ce Sauvignon blanc développe un nez surprenant très marqué par la feuille de cassis et l’églantine. Issu de marnes kimméridgiennes et élevé selon les principes de la viticulture biologique, ce très beau vin vif et tendu en bouche se révèlera avec classe et distinction sur un poisson de rivière. Sa finale droite et minérale est l’empreinte de son grand terroir. Pour beaucoup, Villa Paulus fait partie des grands terroirs de l’appellation. IVV : 86/100
- Château Haut-Bergey blanc 2009, Pessac-Léognan. Les propriétaires du Clos l’Eglise à Pomerol sont à la tête de cette étoile montante de l’appellation Pessac-Léognan. Aux accents toastés et floraux avec une touche de chèvrefeuille, cet assemblage de Sauvignon blanc (80%) et de Sémillon (20%) offre une belle matière florale (lys, glycine) et anisée. La fin de bouche de bouche est grasse et citronnée mais sans excès boisé. Juteux et sapide, ce superbe Pessac-Léognan vous ravira dès à présent, si vous y mettez le prix… IVV : 90/100
- Meursault Les Chevalières 2009, Domaine Rémi Jobard. Après avoir goûté le Mâcon-Verzé 2009 du Domaine Leflaive juste auparavant, qui soit dit en passant est encore un peu strict à ce stade mais qui offre une belle finale profonde, ce Meursault fait figure d’épouvantail. Rémi Jobard est un jeune vigneron bourré de talent et, avant de lui rendre visite à Meursault, je me suis délecté en dégustant ce Meursault village d’une grande pureté. L’on ressent d’emblée la patte du vigneron qui a sublimé un Chardonnay gras avec un élan de subtilité et d’élégance. La finale est ciselée, beurrée et florale et se distingue par sa longueur et sa profondeur. Et il ne s’agit que d’un Meursault village… IVV : 91/100
- Riesling trocken Bockenauer Felseneck 2010, Schäfer-Fröhlich. Avant de tester ce vin, j’ai pu goûter le Riesling classique du domaine qui reprend les accents aromatiques que j’aime tant chez ces Rieslings allemands. Discret et élégant, il s’est montré droit et salin en fin de bouche. Son grand frère a beaucoup plus d’amplitude et de volume, avec une puissance cristalline et une superbe minéralité. Long et profond en finale, c’est vraiment un Riesling de terroir qui grandit sur des sols extrêmes si bénéfiques à ce cépage, avec une inclinaison de près de 70%. Mon pote Jean-Michel adorerait ! IVV : 89/100.
- Riesling trocken Kiedrich Turmberg 2010, R. Weil. Cette propriété renommée de Rhénanie possède quelques uns des terroirs les plus célèbres de cette petite région viticole d’Allemagne. Ce Premier Cru (Erstes Gewächs) est issu d’un monopole sur sol schisteux très pentu qui restitue au vin une vitalité et une puissance toutes singulières. Des notes de fruits à noyau émergent quelque peu mais à ce stade embryonnaire, il est marqué par une acidité rafraîchissante et une énergie qui le rendront intraitable sur un filet d’omble-chevalier dans 5 à 10 ans. Un Riesling de terroir de très haut niveau. J’ai hâte de découvrir la gamme complète de cette propriété car ce vin m’a impressionné. IVV : 92+/100.
- Chardonnay Vine Hill Vineyard 2008, Kistler, Russian River. Il s’agit d’un des plus grands Chardonnay des Etats-Unis, il fallait donc que je le goûte ! Son nez empyreumatique révèle des notes fumées rehaussées d’huile de citron, mais c’est avant tout son toucher de bouche qui est sublime ! Les herbes fraîches, le pain frais et les fruits jaunes composent une bouche veloutée, ample et crémeuse. La finale est puissante et n’a peut-être pas la profondeur minérale d’un grand blanc de la Côte de Beaune, il n’empêche que ce vin est de toute beauté (même s’il n’est pas donné…) Et oui, on ne peut pas tout avoir ! IVV : 93/100.
- Champagne Grand Cru Brut rosé, Maillart. Je fus subjugué par la qualité de ce Champagne rosé, qui m’a bien plus impressionné que le Brut classique. D’une grand finesse au nez, ce vrai Champagne Rosé se révèle en bouche de par son côté vineux et des arômes généreux de cassis et de fraise. Sa mousse est délicate et sa finale fraîche et élégante. Ce vin est pour tous ceux qui se demande pourquoi l’on produit des Champagnes Rosé qui ne se démarquent pas. IVV : 91/100.
- Gevrey-Chambertin 2009, Domaine Trapet. Ce domaine très célèbre de Bourgogne est aussi présent lors de cette très belle série. En goûtant ce vin, j’ai beaucoup de mal à me dire que c’est l’entrée de gamme du Domaine ! Son nez complexe et fin (fruit rouge, balsamique, amande, minéral) reprend l’élégance et la pureté qui font le style de cette maison conduite depuis longtemps en biodynamie. La bouche est fraîche, fruitée avec une amplitude moyenne. La finale puissante et longue reprend l’amande douce. Un très bel exemple. IVV : 88/100.
- Vosne-Romanée 2009, Domaine Confuron-Contétidot. Là aussi un superbe village de la Côte de Nuits dans un millésime flatteur. Conduit par Yves et Jean-Pierre Confuron, ce Domaine produit de la qualité grâce à des rendements faibles. Ce vin respire le tabac blond et nuance une palette de fruits complexe au nez. La bouche brille de par sa texture soyeuse et élégante qui reprend le tabac et évolue joliment sur le sous-bois. Un Vosne-Romanée de choix, qui plus est à un prix raisonnable (si l’on peut dire ainsi des tarifs pratiqués par la Bourgogne…). IVV : 88/100.
- Château de Pibarnon 2007, Bandol. L’air du Sud respire à travers ce superbe Bandol de grande classe. Le nez est plein de caractère et envoûtant, oscillant entre le métal, le balsamique et le fruit noir. Superbe de texture en bouche et aux accents viandés, nous avons affaire à ce que le Mourvèdre nous offre de mieux, à savoir le caractère et la puissance, tout en gardant une race que les meilleurs terroirs de Provence peuvent lui donner. La finale chante sur les fruits noirs, les épices, et se prolonge pour achever une superbe série de grands vins français. IVV : 91+/100.
- Toscana IGT « Giorgio Primo », La Massa. Avant de toucher à ce grand vin de Toscane, nous goûtons avec plaisir La Massa 2009 traditionnelle, issu à 70% de Sangiovese, 20% Merlot et 10% Cabernet Sauvignon. Vin flatteur et richement fruité (griotte, mûre), subtilement enrobé dans son habillage boisé (cannelle, boisé léger), il se boit avec harmonie et beaucoup de plaisir. Le Grand Vin est quant à lui composé « à la bordelaise » : 60% Cabernet Sauvignon, 35% Merlot et 5% Petit Verdot et bénéficie pour la première fois en 2009 des conseils de Stéphane Derenoncourt. A ce stade très jeune, il se montre déjà complexe de fruits noirs, de cannelle et d’épices (poivre, cigare). Quel toucher de bouche ! La finale est longue, puissante et profonde. Il sera grand dans quelques années ! IVV : 93+/100.
- Ridge « Lytton Springs » 2007, California. Je n’ai jamais vraiment accroché au Zinfandel californien jusqu’à ce jour. Et cet assemblage Zinfandel et de Petite Syrah, complété par une pointe de Carignan va littéralement me faire déchanter ! Sa palette olfactive complète (pruneau, raisin sec, sirop de mûre, cassis) précède une bouche à la fraîcheur remarquable. Les tannins sont mûrs, encore juteux et portent une matière fruitée dans laquelle la mûre est portée par un souffle de charbon. La fin de bouche est ronde et puissante qui laisse présager une garde de 7 à 10 ans. Superbe ! IVV : 92/100.
Laissez moi conclure ce commentaire avec une Histoire d’Enfer ! Comme annoncé au début de cet article, je fus enchanté par deux vins de ce tout nouveau domaine de 4 ha basé sur les hauteurs de Sierre en Valais. Repris par quatre copains de la région et avec le Dr. Patrick Regamey à sa tête, ce domaine se consacre à la production de purs vins de terroir en quantité assez limitées (35hL/ha pour les vins rouges, 45hL/ha pour les vins blancs) et selon des principes biodynamiques. Les vins sont élevés en fût de chêne pendant 12 à 18 mois avec le moins d’interventions possibles puis mis en bouteilles avec une filtration légère. Nous avons pu déguster deux vins d’une gamme représentative des cépages et des sols de la région. La Syrah 2009, Côteaux de Sierre s’inspire d’un grand vin du Rhône Nord tout en fruit et en plaisir. La fumée, le cassis, la mûre et le raisin sec se bousculent au nez. La bouche m’interpelle d’emblée de par sa pureté et sa fraîcheur qui contrebalancent une puissance tout relative à ce stade. L’encre et les fruits noirs sont présents et sont portés par une acidité fraîche.
La précision des arômes du cépage se retrouvent aussi dans le Cornalin « Enfer de Schiste » 2009, Côteaux de Sierre qui prend des accents de fruit rouge rehaussé par l’églantine et l’alcool de houx. Là encore, je retrouve cette précision aromatique, cette pureté et cette profondeur toutes particulières en bouche, ce qui en fait un grand vin de plaisir. La finale est poivrée et profonde, elle reprend des belles notes florales en rétro-olfaction. La finesse et la fraîcheur de ces deux vins semblent ont été préservées malgré un millésime chaud, ce qui atteste d’un grand travail de fond dans les vignes (vendanges 2009 réalisées le 28 septembre). Un superbe domaine qui est cher, il faut le dire mais qui me donne envie d’aller le visiter très prochainement.
La dégustation se termine dans ce cadre grandiose et comme toujours, nous sommes les derniers à partir… La sélection des vins fut en tous points qualitative et nous invite grandement à revenir l’année prochaine car c’est un must see !
In vino veritas