De retour de vacances en Afrique du Sud je ne peux m’empêcher de partager quelques moments de pur plaisir vinique. Au cours de ce voyage à l’autre bout de la Terre, force est de constater que nous autres français, européens ne sommes pas seuls sur la planète Vin. Que de souvenirs gravés, sous un soleil radieux en plein hiver boréal, entre la visite de Klein Constantia et son mythique « Vin de Constance », ou encore les flâneries dans les vignobles de Stellenbosch. En d’autres termes, j’y serai bien resté !
Le soleil en hiver, on pourrait s’y habituer. Surtout en Afrique du Sud qui, loin de sa réputation de terre dangereuse et tribale, offre tant de trésors divers pour tout amateur avide de nature, de liberté et de plaisirs, qu’ils soient viniques, gastronomiques ou golfiques ! Certes les tensions entre peuples sont encore palpables à peine 20 ans après la fin de l’apartheid mais en bon optimiste que je suis, j’ai préféré me concentrer sur ce que ce pays offre de mieux : l’infrastructure routière (bien qu’il y ait encore quelques progrès à faire sur la signalisation…), une variété inégalée de paysages, de parcs nationaux et autres sites remarquables ainsi qu’une météorologie des plus clémentes !
En parlant de météo il est évident que le pays souffre aussi des mêmes maux que sur le reste de la planète : la chaleur torride ainsi qu’une pluviométrie en berne. C’est bien la première fois de ma vie que j’ai vu des vignobles entiers dévastés par des incendies d’été, comme sur la colline du Simonsberg qui surplombe la célèbre ville de Stellenbosch. C’est ici que nous posons nos valises après deux semaines d’un périple qui nous a fait découvrir les canyons luxuriants du Drakensberg et les paysages paradisiaques de la Garden Route qui borde l’Océan Indien entre Port Elizabeth et George.
Fondée par les colons hollandais à la fin du 17è siècle, Stellenbosch s’est épanouie en tant que cité bourgeoise, véritable berceau de la viticulture sud-africaine. Ses vignobles abritent quelques grands propriétés historiques comme Kanonkop, Spier ou Rustenberg par exemple. Nous avons pu visiter de nombreux domaines dans cette région : ils s’étendent bien souvent sur plus de 100ha, sont gérés à la bordelaise avec en prime un restaurant où l’on peut déguster les vins du domaine. Malheureusement beaucoup d’entre eux ont réduit l’accueil de clients à un simple alignement de vins décrits de manière stéréotypée par des hôtesses souvent ennuyées. Peu de passion à ce niveau-là, surtout que bon nombre de clients étrangers doivent limiter leurs achats à cause d’un contingent de 2L exportés par personne…
Imaginez donc ma frustration, surtout quand nous avons dégusté tant de vins excellents comme par exemple chez Meerlust, un des fleurons de l’appellation qui est resté entre les mains de la même famille depuis 8 générations. Sortis déçus d’une visite chez De Morgenzon, une propriété voisine où le gérant préfère faire rugir sa Ferrari rouge flambant neuve plutôt que d’être au contact de visiteurs passionnés, nous arrivons quelques minutes avant la fermeture du caveau pour découvrir des vins de caractère, concentrés et profonds, en particulier le Chardonnay 2014, riche et légèrement oxydatif au nez mais nerveux et long en bouche. Et que dire des vins rouges : un Merlot 2012 juteux, un Cabernet Sauvignon 2012 puissant mais délié avec des tannins mûrs et une longue finale. Enfin le Rubicon 2012 est la référence de la cave : assemblage à la bordelaise avec une majorité de Cabernet Sauvignon, il a parfaitement intégré un élevage de 21 mois en fût de chêne (65% neuf) et dévoile une densité, une structure et une complexité superlatives qui se révéleront sur le long terme. Bravo ! Nous quittons cette belle propriété avec un grand sourire que nous laisse le souvenir de ces beaux vins ainsi que notre complicité naissante avec un berger allemand bien joueur.
J’avais aussi organisé une visite d’un domaine qui monte dans la hiérarchie des vins sud-africains, le Domaine Reyneke. Il est 12h quand nous sommes accueillis avec enthousiasme par Lizanne, la responsable clientèle de cette propriété qui travaille en biodynamie depuis ses débuts dans les années 2000. Nous accédons dans le caveau de dégustation où passe Johann Reyneke pour nous présenter deux amis qui nous accompagneront au cours de cette revue. C’est un grand gaillard avec une dégaine de surfeur qui produit des vins de grande classe. Les blancs ont un éclat et une fraîcheur singuliers, les rouges brillent par une adhésion unique aux terroirs granitiques de la région : complexité, équilibre et finesse en sont les maîtres-mots. Le Chenin 2015 dont nous avons la primeur explose en bouche avec des arômes de fruits blancs, d’ananas, ainsi qu’un équilibre superbe entre velouté et explosivité. La Syrah 2013 vaut le détour, à l’image d’un Cornas à la fois animal mais aux tannins fins. Enfin Cornerstone 2013 est un assemblage judicieux de Cabernet Sauvignon, de Merlot et de Malbec. Ce dernier lui apporte un supplément de fantaisie, de pulpe et de modernité. Bref, je pourrais m’attarder sur la gamme magnifique de ce producteur tant le niveau de qualité est élevé. Donc si vous avez la chance d’en trouver n’hésitez pas une seule seconde, aussi longtemps que les prix restent si accessibles !
Nous quittons Stellenbosch et ses rues piétonnes aux faux airs de bourg hollandais pour passer notre dernière semaine au Cap. De l’autre côté de la mythique Table Mountain qui domine la ville se dresse un vignoble historique de la péninsule du Cap, celui de Constantia… Son climat est idéal : les vignes situées au levant profitent d’un ensoleillement important alors que les nuages qui s’accrochent à la montagne diffusent des pluies qui préservent le vignoble de la chaleur estivale : pour preuve il pleut deux fois plus ici qu’à Stellenbosch (600mm/an contre 300mm/an en moyenne). Nous traversons Tokai Forest, lieu assez tropical et humide avant de monter sur Constantia. Ce fut historiquement une propriété d’un seul tenant lors de l’implantation des colons hollandais dans la région à la fin du 17è siècle. Elle a depuis été divisée au fil des héritages.