In Vino Veritas

Grands Crus Brand et Hengst à l’honneur

Lors de la traditionnelle soirée dégustation du 13 juillet organisée autour d’un menu concocté à l’hôtel La Cour du Roy à Saint-Louis, nous avons comparé côte à côte Rieslings Grand Cru Brand des domaines Josmeyer et Zind-Humbrecht dans plusieurs millésimes, ainsi qu’une verticale de Gewürztraminer Grand Cru Hengst Josmeyer, Zind-Humbrecht et Barmès-Buecher. Compte-rendu d’un repas à 5 plats et 17 vins…


Fabrice Renner et le magasin Au Monde du Vin à Saint-Louis offrent non seulement un choix pléthorique de vins de France et d’ailleurs de qualité (voir par ailleurs), mais organise aussi à travers son Club Dégustation plusieurs évènements autour de thèmes très pertinents. Le 13 juillet est depuis 3 ans l’occasion de se réunir pour une soirée thématique autour d’un Menu préparé par toute l’équipe de la Cour du Roy. Grâce à un temps estival et des invités très sympathiques, la soirée s’est déroulée dans une ambiance conviviale mais aussi plus ou moins studieuse. Car quand Fabrice raconte avec passion et précision l’histoire d’un vin, d’un vigneron ou d’un terroir, même les amateurs les plus aguerris sont charmés. Le thème de la soirée a été étroitement choisi et dévelopé par le Monde du Vin et la Cour du Roy, afin de nous offrir les accords mets-vins les plus harmonieux. Le repas en lui-même fut satisfaisant avec quelques petits détails à améliorer. En voici les plats : Mise en bouche – Aspic de volaille maison – Crumble de Loup de Mer et Tian à la provencale – Farandole de Munster – Mousse aux fraises et salade de rhubarbe mi-cuite et macaron à la vanille.

Il me reste maintenant 17 vins à commenter ! Plus encore une surprise de fin de soirée offerte par un des 3 vignerons qui ont fourni plusieurs flacons de leur cave personnelle. En raison de la variété et du nombre des vins proposés, je ne donnerai pas de note à chaque vin, mais je ne me priverai pas de donner mes favoris de la soirée… Commençons par le Riesling Grand Cru Brand situé à Turckheim, qui a offert de très beau vins, dans un style différent mais tous avec cette acidité typique et cette chaleur en finale caractéristiques de ce terroir situé plein Sud. La mise en bouche a été servie avec le Riesling Grand Cru Brand 2004 du domaine Josmeyer. De couleur jaune pâle avec des reflets brillants, il donne au nez des notes d’agrumes, de citronnelle et d’herbes fraîches. Cette fraîcheur se mêle à la finesse dès l’attaque. Une trame acide franche supporte un grand équilibre, avec des touches miellées très charmeuses. La finale est chaleureuse ; sa fraîcheur et sa jeunesse mettent en valeur les légumes croquants du plat.

Le plat suivant mesure les Rieslings Grand Cru Brand 2002 des domaines Josmeyer et Zind-Humbrecht. Le Josmeyer est jaune pâle, moins brillant que le vin précédent. Il annonce cependant un terroir et une trame aromatique identiques. Plus évolué, il développe une touche de zeste d’orange et cette grande pureté. Il est aussi de par son âge plus harmonieux en bouche, plus intégré, avec une trame acide moins présente. Sa finale est pure, profonde. Le Zind-Humbrecht est jaune or. Son nez dévoile une grande richesse, avec du pain d’épices, du champignon (certainement du fait de son ouverture tardive) : on sent d’emblée plus de maturité. L’attaque est ronde, avec de l’amande, des fruits confits, une trame acide typique enrobée par le pain d’épices. Un vin avec plus de matière mais aussi plus de profondeur.

Le crumble de loup de mer et tian à la provençale est accompagné des Rieslings Grand Cru Brand 2000 des mêmes maisons Josmeyer et Zind-Humbrecht. Quoiqu’un peu pâteux, le poisson en crumble est une interprétation originale. A nouveau mis côte à côte, les deux vins dévoilent une couleur caractéristique du travail de leur vigneron : jaune clair aux reflets brillants pour Josmeyer (bâtonnage régulier), jaune or pour Zind-Humbrecht, du fait de sa traditionnelle recherche de mâturité. Le Josmeyer évoque le citron, une fine note d’hydrocarbure, témoin d’un nez plus évolué mais aussi plus complexe et minéral. L’attaque est fine et l’ensemble équilibré avec une légère sapidité. La finale est anisée, longue et profonde. Le Riesling Grand Cru Brand 2000 de chez Zind-Humbrecht est exceptionnellement pénétrant au nez, avec un bouquet de fruits blancs, d’orange confite (Grand Marnier), de vanille, de cannelle évoluant sur le cuir. En bouche , il est riche et charnu avec une superbe complexité, même à ce jeune stage de son évolution : botrytis, pêche, amande et toujours cette minéralité sous-jacente qui confère à ce vin exceptionnel une grande délicatesse. La finale est massive, puissante avec cette touche d’orange confite et champignonée et d’une longueur interminable. Même dégusté trois jours plus tard, ce vin est toujours aussi équilibré, aussi charmeur, bref un Grand Vin.
Suivent avec le même plat les deux mêmes vins dans un millésime antérieur : 1999. Les deux vins évoluent de façon surprenante et paradoxale, le Josmeyer étant plus riche, tandis que le Zind-Humbrecht est lui plus timide ! La robe du Riesling Grand Cru Brand 1999 Josmeyer est plus évoluée que son cadet d’un an. Il dévoile d’emblée plus de richesse et moins de croquant, avec des arômes de raisins secs. En bouche, le vin est plus rond, avec une évolution sur la pomme et les sous-bois. Le Riesling Grand Cru Brand 1999 Zind-Humbrecht ne se dévoile pas vraiment au nez, alors qu’en bouche le vin est plus expressif, avec une palette aromatique fruitée (pomme, poire, pêche) et une grande minéralité. La finale est chaleureuse, mais ce vin est plus discret, sans relief particulier : certainement dans une phase de transition.

La série suivante commence avec le fromage : une farandole de Munster. Quoi de plus naturel comme accompagnement qu’un Gewüztraminer Grand Cru Hengst. Situé sur la commune de Wettolsheim, ce terroir offre des vins vifs, nerveux, avec une acidité plus faible. Lors de cette série, le domaine Barmès-Buecher s’est invité à notre table, aux côtés de ses deux accolytes de la soirée. Dans le millésime 2002, le Gewurztraminer Grand Cru Hengst de chez Zind-Humbrecht est d’une couleur dorée soutenue, avec des larmes nombreuses. Puissant, confit et aromatique, il est très riche et gagne en complexité à l’aération. Attaque ronde sur le fruit mûr, mais le tout se révèle très amer en bouche et a du mal à s’exprimer. Sa grande puissance deséquilibre le tout et la finale se montre alcooleuse (degré d’alcool : 16°) ! Toujours très clair aux légers reflets verts, le Gewüztraminer Grand Cru Hengst Josmeyer est très typé, nerveux, avec des notes de fruits jaunes, d’épices évoluant vers le poivre blanc. Le vin est sec en attaque, mais offre du volume, toujours avec des arômes épicés. Grande persistance aromatique, avec une finale longue et vibrante. Enfin, Le Gewüztraminer Grand Cru Hengst de chez Barmès-Buecher a une couleur aussi dorée que le Zind-Humbrecht. Le nez est tout en finesse, et la bouche attaque sur l’ananas et le biscuit, avant de monter en puissance. Doté d’une grand équilibre, il offre un agréable compromis entre les styles Zind-Humbrecht et Josmeyer.
Alors que la récolte 1999 du Gewüztraminer Grand Cru Hengst Barmès-Buecher a été totalement passée en Vendange Tardive (VT), nous continuons avec le Gewüztraminer Grand Cru Hengst 1999 du domaine Josmeyer. De couleur jaune clair, il apparaît néanmoins plus concentré, plus évolué. Avec un premier nez sur la poire, le tout se montre plus épicé (poivre blanc). Il est frais en bouche (herbe fraîche) et offre un bel équilibre sur la pomme et les épices. La finale est chaleureuse. Quant aux Gewüztraminer Grand Cru Hengst 1999 Zind-Humbrecht, il est de couleur or aux reflets clairs, d’un aspect concentré. Plus harmonieux au nez que le 2002, avec des notes de fruits blancs, de caramel et d’alisier. L’attaque est grasse, épicée, confite, sur la pêche avec une finale puissante aux notes de poire. Deux vins réussis.

Enfin, nous finissons ce marathon gastronomique par une mousse aux fraises et salade de rhubarbe mi-cuite accompagnées d’un macaron à la vanille. Le Gewüztraminer Grand Cru Hengst 2003 de chez Barmès-Buecher est très fermé. Ses notes de moisi, de champignon n’évoluent vers des arômes plus plaisants de menthol et d’amande douce qu’après une longue et dynamique aération pratiquée de main de maître par Fabrice. L’attaque est aérienne, fraîche mais alcooleuse. Le tout est sec, mais devient vite entêtant. A l’inverse, le Gewüztraminer Grand Cru Hengst 2003 du domaine Zind-Humbrecht, de couleur or, est extrêmement pur et exotique (pêche, mangue), avec lui aussi une fraîcheur assez remarquable (menthe). Ce vin très riche explose littéralement en bouche avec des arômes compotés et confits. Quoiqu’encore en devenir, il est déjà vif et termine sur une note épicée. Un Grand Vin qui ne me laisse pas indifférent, d’abord parce qu’il est tout simplement remarquable, ensuite parce que les raisins du Hengst ont été récoltés grâce à la sueur de mon front lors de ce millésime caniculaire. Après tout, cette réussite ne m’étonne pas, car j’ai le souvenir de raisins dans un état sanitaire parfait ! Par ailleurs, et pour une fois, j’irai à l’encontre de mes critiques sur ce millésime en Alsace, car ce vin fut impressionnant de fraîcheur et d’équilibre ; tout simplement grâce au travail d’un vigneron exemplaire et d’une vigne dirigée en bio-dynamie.
Pour finir, le Gewüztraminer Grand Cru Hengst des trois vignerons a été servi dans le millésime 2000. Toujours très brillant et clair d’aspect, le Gewüztraminer Grand Cru Hengst du Domaine Josmeyer dévoile un nez de tilleul, de réglisse et de bergamote. Il est d’une subtilité caractéristique et d’une fraîcheur cristalline. Franc, gras, le tout dans un registre toujours sec, il finit sur une note poivrée. Le Gewürztaminer Grand Cru Hengst du domaine Zind-Humbrecht, développe au nez des notes de poire, de pêche, de fruits cuits : il est plus mûr que le 2003. L’aération est plus poivrée, plus épicée. Par contre, on retrouve cette amertume gênante en milieu de bouche, tout comme en finale. Enfin, le Gewürztraminer Grand Cru Hengst Barmès-Buecher est d’une couleur ambrée remarquable. Son nez est d’une grande complexité, avec des arômes de compote de pomme, de cacao, de noix, de miel et de pruneau confit. Il est crémeux et compoté en bouche, avec tous les arômes du nez, et cette légère amertume (chocolat). La finale est moyennement longue, mais c’est bel et bien un Grand Vin.

Ca y est, me voilà arrivé à la fin de mon roman sur cette soirée très sympathique, mais aussi éprouvante du fait du grand nombre de vins dégustés. Et voilà qu’arrivent en guest-stars deux magnifiques carafes remplies d’un célèbre breuvage : Riesling Grand Cru Brand Vendange Tardive 2004, Domaine Zind-Humbrecht, offert par le généreux Olivier Humbrecht pour une conclusion en apothéose. Cette couleur or uniforme ne me fait pas résister. Son nez de pomme, de fruits blancs (poire, pêche blanche) est très subtil et charmeur. A l’aération, l’acidité du Riesling est plus repérable, car en effet, ce vin encore tout jeune est pour le moment une bombe fruitée. L’attaque est acide, sur la pomme, puis le tout monte en puissance grâce au botrytis et les fruits confits. Le vin fait étonnament preuve de plus de droiture que de concentration, mais quelle harmonie ! Superbe vin !

Cette fois-ci je vous assure, c’est la fin de la soirée, quoique… je n’ai pas évoqué la suite des hostilités, avec ce beau Rhum Malgache et un rafraîchissant Champagne Taittinger, Cuvée Prestige. Mais qu’importe, ceux qui sont restés jusque-là se souviendront de cette magnifique soirée arrosée de très beaux vins. Je retiendrai ici l’homogénéité et la régularité de la maison Josmeyer et l’expression parfois extrême du terroir par Zind-Humbrecht, qui lui permet souvent d’offrir des vins d’une maturité et d’une qualité inégalées en Alsace. Enfin, depuis plusieurs semaines au cours desquelles je déguste régulièrement des vins de la maison Barmès-Buecher, je peux dire à tous les amateurs que cette maison encore trop peu connue fait partie des grands de la région.

Merci à tous les participants de cette soirée, à Olivier et Fabrice pour leur organisation impeccable, et rendez-vous pourquoi pas l’année prochaine !

In vino veritas
Thomas

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