Séance voyage pour les Avinturiers ce mois-ci, avec un déplacement aux antipodes de la Terre en compagnie de Christophe Soudant, plus connu sous le pseudonyme mystérieux de l’Oenomad. La Nouvelle-Zélande fait rêver les globe-trotters mais aussi les amateurs de vin que nous sommes grâce à une sélection de ce sommelier de renom, grand connaisseur des meilleurs crus étrangers. C’est parti pour ce périple gustatif à la découverte des plus grands vins néo-zélandais, Te Mata, Felton Road ou encore Dog Point…
Oeno comme vin, mad comme fou. Christophe Soudant est actif dans le monde du vin depuis l’âge de 16 ans : il voyage, anime et partage sa passion avec une énergie débordante ! Son diplôme de sommelier à peine décroché, ce lorrain d’origine part parcourir le monde en passant par des expériences enrichissantes en Suisse et en Angleterre, où il passera 12 ans. C’est chez Gordon Ramsay qu’il pose ses valises, et notamment au Claridge’s Hotel de Londres, et développe une connaissance élargie des meilleurs vins du monde.
C’est avec cet invité de marque que nous partons à la découverte d’un vignoble méconnu pour nou autres européens, la Nouvelle-Zélande. Selon notre invité du soir il s’agit du vignoble le plus intéressant en dehors de l’Europe. Toutefois la Nouvelle-Zélande fait partie de ces pays qui ont tardé à s’intéresser à leur culture viticole puisqu’il était difficile de trouver un vin néo-zélandais de renom avant les années 1970. Ce jeune vignoble aux pratiques libérales a depuis trouvé une place de choix parmi les amateurs du monde entier : qui n’a pas déjà dégusté un Sauvignon blanc de Nouvelle-Zélande ? Ce pays a cependant bien plus à offrir, avec une variété de vins blancs qui s’étend au Chardonnay et au Riesling, mais aussi des vins rouges de grande classe obtenus à partir de cépages importants comme le Cabernet Sauvignon, le Merlot, la Syrah et surtout le Pinot Noir.
Le pays se divise en deux îles aux influences climatiques diverses ; 3 vignobles principaux composent le patrimoine viticole néo-zélandais :
- Marlborough est certainement la région la plus célèbre du pays. Malgré l’arrivée des premiers ceps de vigne au début du 19è siècle, ce n’est que ces 30 dernières années que cette région a trouvé sa place auprès des amateurs du monde entier. Située au Nord de l’île du Sud, à environ 200km de capture Wellington, elle abrite 2/3 de la surface des vignes du pays. Le climat varie entre les jours chauds et les nuits fraîches, combinaison idéale pour la production de grands blancs notamment.
- Hawke’s Bay se situe à l’Est de l’île du Nord et profite d’un climat tempéré et d’un ensoleillement généreux. Il s’agit de la deuxième plus grande région viticole du pays mais aussi une des plus anciennes puisque des vins y sont produits depuis le 19è siècle. Le Chardonnay est le cépage le plus largement planté mais les cépages rouges bénéficient ici aussi d’une longue saison de maturation.
- Enfin Central Otago est la région viticole la plus méridionale au monde, aussi la plus pittoresque de la Nouvelle-Zélande : les hivers y sont très froid, les étés très chauds, avec des structures de sol très différentes du reste du pays (sols lourds, limons profonds).
Une fois les présentations faites nous passons aux choses à une mise en bouche agréable avec le Marlborough Sauvignon blanc 2015, Maui. Sa belle aromatique dévoile les agrumes, le fruit blanc et des notes d’églantine. La bouche est vivante, joyeuse et riche : ce vin bénéficie de conditions de maturation idéales sur ce millésime. Facile à boire, dans un registre plutôt technologique, il a certainement bénéficié d’un léger traficotage à l’aide de levures exogènes et d’une légère acidification. Sa robe soutenue ainsi qu’une matière riche suggèrent aussi une longue fermentation, néanmoins il faut avouer que l’on boit volontiers ce vin d’apéritif qui termine sur des belles notes de pomme verte et de glycérol. Pas mal.
La dégustation débute vraiment avec le Sauvignon blanc 2013 de Te Mata, une des plus anciennes wineries du pays, fondée en 1896. Nous sommes sur le terroir de Hawke’s Bay qui d’un point de vue géologique, se rapproche des sols de Sancerre. Je disais auparavant que le Chardonnay se plaisait bien dans cette région mais au vu de ce bel exemple de Sauvignon blanc, on est en droit de se demander si ce n’est pas le meilleur de terroir de Nouvelle-Zélande ! Le nez de ce vin fleure bon le minéral, avec une grande finesse alliée à la fraîcheur du pamplemousse et d’autres agrumes. La bouche se veut fine, droite et acidulée en terminant sur de beaux amers. L’évolution aromatique se fait sur des notes plus mûres d’ananas mais toujours dans la justesse. Belle finale longue, sapide et persistante.
Un très joli vin qui est confronté au Sauvignon blanc 2013 de Dog Point Vineyards dans la région de Marlborough, la plus célèbre du pays. Ce vin marque un virage de style mais aussi d’expression, avec des notes très présentes de grillé-fumé, de cacahuète, de poudre à canon, de poussière et de sureau. Il est encore comprimé à ce stade en raison d’une grande concentration des raisins et malgré les apparences, il a été élevé en intégralité en cuve inox (20% de levures indigènes). Le bouche répond sans attendre au nez, dans un registre encore puissant et mûr, sur des arômes délicieux de citron confit. Ce domaine en vogue de Marlborough a été créé par d’anciens collaborateurs de Cloudy Bay, la grande marque du Sauvignon kiwi : ils ont bien fait d’acheter ces vieilles vignes et de voler de leurs propres ailes. Un candidat sérieux !
Après cette opposition de style nous terminons la série des vins blancs par le Chardonnay Bannockburn 2014 de Felton Road. Neill Grening, le précurseur de la biodynamie en Nouvelle-Zélande, a racheté cette propriété en l’an 2000 dans la région de Central Otago. Issu d’un vignoble exposé plein Nord pour maximiser une maturation lente des raisins. Le maître de chai Blair Walter, fort de ses expériences en Orégon et en Bourgogne, privilégie le laissez-faire en cave pour produire des vins élégants, purs et profonds. Cette cuvée est un assemblage des 3 meilleurs parcelles du domaine, dans le ‘Elms Bannockburn Vineyard’, et a bénéficié d’un élevage de 12 mois sur lies fines avec quelques bâtonnages légers. L’élevage est encore présent à ce stade, avec un nez sur les fruits blancs et rouges qui se profilent mais dans un registre fin et minéral. Au palais le vins est déjà accessible et exibe toute sa classe faite de minéralité et d’un extrait sec qui prépare une finale sapide, aux amers profonds (quinine). Les épices surgissent soudain, la complexité de ce vin se réveille et suggère de grands accords gastronomiques. Mettez-le en face d’un Meursault Charmes et faites vous plaisir. Un grand blanc, superbe !
La série des rouges débute avec le Merlot / Cabernets 2013 de Te Mata qui est issu d’un assemblage de 60% de Merlot complété par 31% de Cabernet Sauvignon et 11% de Cabernet Franc. Ce vin est bien typique de Hawke’s Bay selon Christophe et fait penser à des compositions de la rive droite de Bordeaux, pour preuve des fines notes de fruits noirs, de réglisse et de terre chaude. Issu d’un millésime qualifié d’exceptionnel dans la région, cet assemblage propose une bouche vive, avec une concentration remarquable ainsi qu’un fruité abondant. Les tannins sont encore présents mais mûrs car ils enrobent très bien l’ensemble. Cet assemblage très réussi joue dans l’exprit d’un Bordeaux mais fait la différence par la maturité de fruit et sa présence en bouche, La finale est dynamique sur des fines notes d’eucalyptus.
Nous terminons cette série avec deux grands Pinots Noirs et commençons par le Pinot Noir Bannockburn 2014 de Felton Road. Encore un fabuleux exemple du travail de l’équipe de cette propriété, issu des vignobles de Calvert, Cornish Point et Elms Bannockburn. D’emblée la robe se montre sous son meilleur jour, drapée d’un grenat soutenu. Toute la classe et l’éclat du nez se dévoile sous des notes de fruits rouges, de cerise mais aussi par des nuances de cendre, de cuir et de viande séchée. A la fois puissance et finesse sont conjuguées : la maturité d’un vin du Nouveau Monde est alliée à la sérénité de l’Ancien Monde. La bouche est riche, suave, avec une énergie et une classe digne des plus grands, sur les fruits rouges, noirs et la cerise au kirsch. La présence au palais est sans faille, les herbes et les épices complètent la palette aromatique complexe de ce Pinot Noir avant que le tout ne se jette dans une finale chaleureuse, riche mais avec une fine touche saline. Nous touchons au sublime des vins du Nouveau Monde…
Enfin le Pinot Noir 2014 de Dog Point joue dans un autre registre, plus riche et plus extrait. Sa couleur est soutenue, son élevage présent (18 mois en fût de chêne français de plusieurs vins) et son style plus extrait. Son expression de fruit reste néanmoins intacte, son toucher de bouche suave et charmeur, certes avec encore une fine pointe alcooleuse. La finesse du Pinot Noir est balancée par la richesse et la puissance du style, ce qui est peu déroutant pour nous, dégustateurs français : son fruit noir est empreint de nuances fumées et patinées. Enfin la finale se démarque par sa grande longueur, avec toujours beaucoup de richesse ce qui en devient entêtant. Je préfère l’équilibre magistral du vin précédent…
Toujours est-il que je suis extrêmement charmé par la qualité des grands vins produits aux antipodes de nos vignobles traditionnels. Christophe Soudant nous a fait découvrir ce que la Nouvelle-Zélande fait de meilleur, certes à des prix élevés (aussi partiellement à cause du transport et de la difficulté d’accès au marché français). Alors si comme moi vous êtes conquis, je vous recommande de vous procurer ces vins en dehors de nos frontières, en particulier en Angleterre qui bénéficie d’un accès privilégié aux vins produits du Commonwealth. Merci à toi, l’Oenomad, de nous avoir fait vibrer ce soir, nous serons ravis de te retrouver bientôt pour de nouvelles Avintures ! Nous avons tout fait pour que tu reviennes un jour nous revoir (voir ci-dessous)…
In vino veritas