En ce premier jour de printemps nous nous retrouvons avec mes collègues des « Soirées 20 » pour célébrer le Tome 4 des dégustations prestige. En guest star Arnaud from Luxeuil The Bath et au programme : Sancerre « Les Monts Damnés » 2008, François Cottat ; Château de Beaucastel 2005, Châteauneuf-du-Pape blanc ; Chambertin Grand Cru 2001, Domaine Trapet ; Clos de Tart Grand Cru 1997, Mommessin; Domaine Hauvette 2004, Baux de Provence rouge ; Tokay Pinot Gris Sélection de Grains Nobles 1999, Domaine José Ebelmann.
Le premier jour du printemps rime avec le grand retour d’une Dégsutation Prestige. Surtout qu’en ce dimanche nous avons bien profité du soleil qui nous gratifié de sa brillante présence tout au long de cette belle journée. La cerise sur le gâteau fut la cuisine trois étoiles de mon ami Raphaël Lacosse qui s’est à nouveau surpassé pour nous offrir des plats de choix et des accords mets vins de grande qualité.
Le principe de ce repas était de réunir les plus grands noms de la viticulture de toutes les régions de France. Comme à chaque fois l’exercice difficile de la dégustation à l’aveugle en a surpris plus d’un. A part pour les deux titans de cette dégustation qui nous ont mis sous le choc, certaines découvertes ont été difficiles à identifier…
Après un apéritif express je me mets au diapason avec le chef cuisinier qui nous offre un amuse-bouche frais avec du thon et des herbes fraîches qui viennent agrémenter le rare et précieux Sancerre « Les Monts Damnés » 2008 de François Cottat. Apporté par Arnaud qui pour une fois a laissé les vins liquoreux de côté (!), il a mis du temps à briller car il n’a pas été préparé comme il se doit par son acquéreur qui l’a transporté le matin même sous une chaleur relative. Nous nous sommes donc empressés de déboucher la capsule en cire, de le carafer abondamment et de le réserver au frais. Il en résulte un ensemble à la robe très discrète, presque translucide qui s’ouvre sur les agrumes (citron, orange, pamplemousse), la pomme fraîche avec un petit côté empyreumatique et fumé. Très profond il est nénamoins encore un peu fermé. L’attaque est par contre très vive et minérale, typique de Sancerre. La citronnelle, la cendre et le minéral accompagnent une arête acide nette et saline. Le tout se prolonge en finale sur la pomme et les agrumes. Sapide, salin et vif, ce Sancerre de terroir est promis à un grand avenir. D’ailleurs j’ai pu m’en apercevoir le soir même en finissant la dernière gorgée de ce vin qui est monté en volume et en complexité. A suivre très sérieusement. IVV : 88++/100.
Le vin suivant est sponsorisé par moi-même. Comme à l’habitude, une certaine angoisse est présente au moment de le servir. Sera-t-il à la hauteur ? Fera-t-il un bon accord avec le plat ? Le filet de bar poêlé, nage de crustacés corsée et légumes en brunoise appelait un vin de caractère en raison de la sauce à la bisque de homard. C’est pourquoi j’attendais du Château de Beaucastel 2005, Châteauneuf-du-Pape blanc qu’il dévoile son côté ensoleillé et gras. A vrai dire, après un examen visuel qui met en valeur toute la brillance et le gras fin de ce vin, le Seigneur Beaucastel s’exprime toute en finesse et en complexité : miel d’acacia, fruits confits (abricot), résine, pain d’épices, anis étoilé, cannelle se mêlent avec une évolution légèrement oxydative. L’attaque est certes grasse mais garde cette finesse qui prend le relais très rapidement. Le tilleul et un côté herbacé complètent une palette aromatique qui reprend toutes les senteurs du nez (caramel, orange confite) mais de façon beaucoup plus fine. Nous trouvons d’ailleurs un décalage marqué entre le caractère olfactif aguicheur et riche du vin et son élégance pastel au palais. La fin de bouche est intense et persistante. Très belle longueur. Ce vin de prestige m’a surpris par sa finesse et se boit agréablement en ce moment. Je ne fus pas le seul a avoir eu le même avis. IVV : 90/100.
Avant même le plat principal nous nous empressons avec Yannick d’ouvrir notre bouteille commune, celle qui nous a été promise par notre ami Fabrice pour notre fidélité au Monde du Vin… Je dois dire qu’une certaine excitation m’anime avant de déguster ce grand vin qu’est le Chambertin Grand Cru 2001 du Domaine Trapet. Et il est vrai que cet enthousiasme envahit l’assemblée car après nous être mis d’accord sur la sublime robe rubis intense et les larmes fines de ce Grand Cru, tous les qualificatifs les plus sogronus sont utilisés pour tenter d’identifier les arômes de son nez. « Âne du Poitou », « vieux pieds de montagnard », « crotte de vautour », tout y passe ! Certes l’on retrouve une petite réduction au nez (le vin a été servi après avoir été réservé 1 heure) puis on perçoit son côté plutôt viril et quelque peu austère – il « renarde ». Mais l’on ressent aussi très vite une grande profondeur aromatique (foin, bois noble) avant que le tout ne s’ouvre enfin sur le fruit rouge (fraise, cerise, baies rouges acidulées), les sous-bois, les épices, l’amande, la vanille avec un beau fond minéral. Un nez tout en nuances. La bouche est magnifique de fraîcheur et de dynamisme, avec une finesse exceptionnelle ! Complexe, aux tannins intégrés et nobles, on sent toutefois encore tout le potentiel de ce Seigneur de la Côte de Nuits. Quelle amplitude en plus du fruit ! Le fruit est croquant mais noble car il est enrobé d’épices et de cendre en évoluant sur le fruit noir dans une finale intense et profonde. En plus, que dire de l’accompagnement proposé par Raphaël : le Pigeon en quatre façons – Le suprême poêlé, la cuisse en hachis et confite, le filet en tourte et légumes est à s’envoler ! Grandiose accord pour un vin qui me laissera une trace inoubliable. IVV : 95-97/100.
Que servir après celà !? Yannick paraît confiant… Il faut dire qu’il avait cultivé le mystère le plus total autour de cette bouteille. Et en servant ce Clos de Tart Grand Cru 1997 de la maison Mommessin, il était certain de me faire grimper aux rideaux. Il s’agit tout simplement de mon plus beau souvenir en Bourgogne à ce jour (voir par ailleurs). Et cette fois-ci encore il est irrésistible. Après une légère réduction au nez (roquefort), il s’ouvre principalement sur la fleur fanée et la griotte et les baies rouges) enrobés d’épices. Mon côté poète voit une palette de petits fruits rouges intenses dressés avec grâce et allégresse sur un pot-pourri de pétales de rose (!) Moins gourmand que lors de ma dernière dégustation il y a 5 ans déjà, il n’en est pas moins élégant et aromatique. La fraîcheur en bouche est tout simplement exceptionnelle, comme si ce vin si raccolleur à l’époque laisse désormais agir tout le charme de son terroir. La texture de grain, les tannins nobles font dancer la griotte sur fond de pierre mouillée. L’évolution tertiaire sur le champignon et les sous-bois font ressurgir toute la force des Clos de Tart dans une grande et longue finale. Contrairement au Chambertin, ce Clos de Tart est maintenant à pleine maturité et passé la marque du millésime solaire que fut 1997, il reste une trace typique de ce grand terroir de Morey-Saint-Denis. C’est sur cette grande émotion que nous terminons la composition de pigeon offerte par le Chef. IVV : 95/100.
Benoit, en petit nouveau, ne voulait pas entrer dans le rang et nous proposer une région classique sur le délicieux plateau de 3 fromages (Vieux Cantal, Colommiers, Saint-Nectaire) offert par le Maître Antony. Il prenait un risque en ouvrant le Domaine Hauvette 2004, Baux de Provence rouge. Mais d’un autre côté, il faut dire qu’il a accordé sa pleine confiance à son caviste et qu’il nous a bien piégé sur le coup. De belle couleur grenat, son nez est envoûtant et fondu. La noisette, le fruit noir (mûre, cerise) et la framboise en font un ensemble sanguin mais rond et charmeur. Tout comme en bouche : l’attaque est fine, le palais moyennement intense mais élégant et charmeur de fruits, avec une acidité sapide et une belle rétro-olfaction sur la framboise et le chocolat. L’ensemble composé de Grenache, de Syrah et de Cabernet Sauvignon est issu de rendements minuscules (environ 20hL/ha) et cultivé en bio par Dominique Hauvette. Un délice qui a maturité ne manque pas d’audace sur un plateau de fromages relevés car il a su tirer la quintessence de chaque cépage qui le compose : gourmand, frais et charmeur. IVV : 88/100.
En dessert Raphaël nous a concocté un craquant de fruits exotiques, sorbet passion. Après une petite pause sous le soleil radieux du Sundgau, nous finissons sur une note alsacienne avec un Tokay Pinot Gris Sélection de Grains Nobles 1999 du Domaine José Ebelmann qui est cher à Lio et Célia. J’ai déja eu la chance de déguster ce même vin en verticale au domaine et j’ai pu y constater toute la majesté de cette quintessence de raisins nobles produite par José, qui ne se gêne pas pour dire que ses vins taquinent Yquem lors de certaines dégustations. D’un or brillant, ce Pinot Gris (comme on doit dire désormais, n’en déplaise à nos amis hongrois) épate de par sa fraîcheur (menthol) et ses notes de caramel et de melon. Le corps est léger, la liqueur fraîche mais intense. La vanille, le tabac et l’ananas viennent titiller le dessert glacé et les fruits jaunes présents dans l’assiette. Plus de 10 ans au compteur mais cette SGN brille encore de par sa jeunesse incroyable et son côté très digeste. Tout y est intégré avec harmonie. Le fruité est remarquable et sans lourdeur. Et même s’il est toujours difficile d’accorder dessert glacé et vin, cette SGN a tout de même brillé. Un superbe liquoreux. IVV : 91/100.
Il est 16.30 et tout le monde est heureux ! Quelle satisfaction d’avoir pu réunir tous mes amis proches autour de cette dégustation marquée au fer rouge par ces deux grandioses Grand Crus de Bourgogne. Pour une fois et c’est plutôt rare, ce sont les rouges qui ont écrasé les blancs ! Un grand merci à tous d’être venus ainsi qu’à Raphaël Lacosse pour ses talents reconnus de chef hors pair.
In vino veritas