Après avoir présenté l’Union des Gens du Métier (UGM) ainsi que plusieurs de ses dignes représentants à cette superbe dégustation à l’Ambassade de France de Berlin, permettez-moi de poursuivre ce passionnant récit avec d’autres domaines dont les vins m’ont enchanté : le Clos Rougeard représenté par l’emblématique Nady Foucault, le Domaine Charlopin avec le charismatique Philippe Charlopin et son fils Yann. Nous poursuivrons notre balade en Languedoc en rendant visite au Clos Marie géré par Christophe Peyrus ainsi qu’au célèbre Mas Jullien. Nous finirons par un détour au Domaine de Trévallon et à Crozes-Hermitage au Domaine Alain Graillot.
Les heures passent et les grands vins sont toujours à l’appel de cet après-midi à l’Ambassade de France de Berlin. La foule se passionne pour tous les vins présentés par des vignerons d’une grande amabilité. Après avoir passé en revue les cidres et poirés étonnants d’Eric Bordelet, deux grands Champagnes d’Anselme Sélosse puis la superbe gamme du Domaine Arretxea, nous nous nous délectés avec les Montlouis-sur-Loire de François Chidaine, les Alsaces de Marc Kreydenweiss puis les grands Meursaults de Jean-Marc Roulot (voir par ailleurs).
Nous arrivons désormais à un des hauts-lieux de cette dégustation de l’Union des Gens du Métier avec la rencontre de Nady Foucault du Clos Rougeard à Saumur-Champigny. 300 ans que les vignes de ce Clos produisent un des plus grands Saumur-Champignys, 300 ans que le Clos Rougeard n’a vu ni d’engrais chimiques ni de pesticides. Les frères Jean-Louis et Bernard Foucault (comprenez Charly et Nady) travaillent depuis 1969 selon les principes des générations précédentes pour produire un des plus grands vins de France. Timide mais authentique et généreux, Nady veut protéger cet héritage séculaire : pas de photo, pas d’email, il ne veut pas être sous les feux de la rampe. Toutefois le domaine récolte aujourd’hui les fruits du travail réalisés depuis si longtemps : après avoir été moquée à la fin des années 50 pour ne pas suivre les pratiques intensives de la viticulture, la famille Foucault est aujourd’hui un exemple pour tous les défenseurs d’une culture biologique et biodynamique. Le Clos Rougeard s’étend sur environ 10ha parmi lesquels 3ha produisent Les Poyeux (sol silico-calcaire au sous-sol calcaire) et 1ha Le Bourg (sol argilo-calcaire). En blanc, le Brezé est issu d’une parcelle de plus d’1ha de Chenin Blanc que nous n’aurons pas la chance de goûter en ce jour. Nady nous avoue en passant que les terroirs de Chacé sont plus propices au Cabernet Franc, le cépage roi de Loire rouge.
Après encore de longues minutes passionnantes à discuter avec Nady Foucault, je poursuis ma route à l’appel de mon ami Philippe qui se délecte avec le Gevrey-Chambertin Vieilles Vignes 2011 de Philippe Charlopin. Après avoir repris le domaine familial en 1977 à Gevrey-Chambertin Philippe développe peu à peu le domaine pour aujourd’hui exploiter plus de 25ha sur la Côte de Nuits mais aussi la Côte de Beaune et dernièrement le Chablisien. Pas moins de 8 Grands Crus différents étoffent l’offre de ce vigneron charismatique.
Le seul vin rouge proposé à la dégustation en ce jour offre un nez aguicheur et gourmand, plein de fruit noir rehaussé de notes de café torréfié. Jeune et volontaire après une attaque fraîche, il déploie généreusement un jus de fruits noirs avec race et opulence. Il ne va cependant pas trop loin dans l’extraction car une grande fraîcheur prend le relais avant de terminer sur le fumé et des notes minérales. Ce vin d’une grande présence sait rester pur et ne pas trop se mettre en avant. Super ! D’ailleurs comme vous pouvez le voir, Philippe avait découvert avant moi toute la beauté de ce vin et ne s’est pas gêné pour en reprendre quelques gouttes : pourquoi se priver me direz-vous ! Avant cela j’ai pu rapidement goûter le Chablis 1er Cru Fourchaume 2009. Passé à 30% dans des barriques neuves, c’est aussi un vin avec beaucoup de volume et de gras qui dévoile la noisette et des notes boisées encore importantes. C’est un grand gaillard, à l’image du vigneron et de son fils. Puissant, imposant, presque miellé, il n’a pour moi pas la minéralité subtile que j’attends d’un Chablis. A suivre…
Pour finir ce voyage de plaisir laissez-moi brièvement vous faire un résumé de mon passage rapide au Domaine de Trévallon et chez Alain Graillot. Cela peut vous paraître incroyable mais devant la multitude et la qualité générale des vins présentés je ne pouvais pas être partout, à ma grande tristesse ! Je n’ai goûté que le Vin de Pays des Bouches du Rhône 2011 du Domaine de Trévallon, présenté par le très aimable Eloi Dürrbach. Je ne vais pas vous raconter la célèbre histoire de ce domaine mythique de France, créé il y a un demi-siècle alors que personne ne pensait qu’il puisse se faire du bon vin dans cette région des Alpilles … La grande maturité de ce blanc m’inspire d’ores et déjà la Provence : ces parfums fruités et des fines touches de noisette et d’anis me font dériver sur du Chardonnay alors qu’il n’y en a que très peu (10% – majorité de Marsanne et de Roussanne). Chaleureux et légèrement fumé en bouche, il évolue favorablement dans un registre minéral même si je lui demanderais plus de peps. L’équilibre de ce vin reste néanmoins bien soutenu, et oui il vient quand même du Sud le bougre !
Enfin Alain Graillot nous suggère de nous dépêcher pour déguster les dernières gouttes de son Crozes-Hermitage 2011 ! Encore fermé et réduit à ce stade, il est vaillant au palais et s’exprime en combinant un côté charnu allié à un belle fraîcheur. Les arômes de cuir et de fruit rouge annoncent une complexité en devenir. C’est assurément une belle réussite ! Le Crozes-Hermitage 2007 est quant à lui un peu trop brut pour moi, surtout à la fin d’une longue dégustation et sans un lièvre à la royale ! Ces notes de kirsch et de fruit noir se mêlent à un côté poussiéreux que l’on ne peut assimiler à la réduction puisque la bouteille est ouverte depuis plusieurs heures. Tendu, presque violent à ce stade… Pour finir le Crozes-Hermitage 2008 affiche une grande complexité, avec un cuit léger mêlé à la fraise et au thym. La bouche est suave, la vendange en grappe entière apporte son lot de puissance et de tannins. Cependant la fraîcheur de la fin de bouche ainsi que la longueur et la persistance de ce vin sur une fine note réglissée donnent raison à la philosophie de ce grand producteur de Crozes-Hermitage, un des pionniers du village qui a désormais passé les rênes à son fils Maxime. D’ailleurs j’aimerais beaucoup redécouvrir les vins de ce fameux domaine sur une verticale afin de valider tous leurs bienfaits après une belle garde.
Waouh ! Quelle journée ! Quelle série de vins ! Malheureusement devant l’offre pléthorique de vins de toutes régions de France (et même d’Italie du Nord) j’ai dû faire des choix et me concentrer sur quelques domaines uniquement. J’ai cependant tenté le plus possible de vous faire partager ce grand moment de dégustation dans un lieu des plus prestigieux. Permettez-moi donc de remercier et de féliciter tous les membres de l’Union des Gens du Métier de nous avoir fait partager tous ces trésors ainsi qu’à toute l’équipe de l’Ambassade de France et Sébastien Visentin pour l’organisation irréprochable de cet évènement. Des bruits courent d’ores et déjà au sujet d’une nouvelle rencontre de l’UGM à Berlin dans un an : à ce moment-là je ne peux que vivement vous encourager de nous rejoindre là-bas !
In vino veritas