Danielle Khalkhal et David Pamiès ont fait l’honneur de leur visite aux Avinturiers pour une dégustation de leurs vins du Nord du Minervois. Tandis que les cuvées Kalys, Plaisirs des Lys, Loriza et Lauraire des Lys nous offrent un crescendo des plus gourmands, nous aurons droit à une verticale unique de leur Vin de Table Rase, un candidat sérieux au titre des meilleurs crus du Languedoc…
Les époux Khalkhal-Pamiès nous ont récemment fait l’honneur de leur visite pour partager leur histoire singulière mais aussi leurs grands vins des Causses. Après un périple de 800km, les voici en compagnie des Avinturiers pour une soirée attendue depuis longtemps.
Mais avant de se concentrer sur les vins, concentrons-nous sur l’histoire de Danielle Khalkhal et David Pamiès qui pourrait en inspirer plus d’un d’entre nous… Alors qu’il tenait un bar-glacier au Cap d’Agde, David Pamiès rêvait déjà de faire du vin dans sa région natale. C’est en 2001 que le couple rachète une petite propriété sur le plateau de La Caunette, sur les causses calcaires du Minervois. Après quelques travaux de réhabilitation de la propriété, les deux se lancent dans la viticulture sans aucune notion d’oenologie. Cette audace peut surprendre mais quand on goûte les vins aujourd’hui, tout paraît très simple ! Ils sont le fruit de l’expérience, de l’écoute et de l’humilité dont Danielle et David ont fait preuve depuis leurs débuts.
A ce jour le couple travaille sur un vignoble de 15ha environ et ne produit que des vins rouges selon les principes de la viticulture biologique (certifié officiellement depuis 2011). Situé aux confins de l’Hérault, de l’Aude et du Tarn le Domaine Khalkhal-Pamiès bénéficie d’un climat beaucoup plus venté que dans le reste de l’appellation, beaucoup plus rude également. Plusieurs canyons fracassent les causses et ont façonné, au fil du temps, ce paysage accidenté aux sols calcaires très caillouteux et naturellement pauvres. La majorité des vins est vinifiée en cuve inox ; seul le Vin de Table Rase passe environ 12 mois dans des grands foudres neufs de 1200L.
Nous poursuivons avec deux millésimes du Minervois « Lauraire des Lys » qui porte le nom initial du domaine lors de sa création. Assemblage de Syrah, Grenache et Carignan, ce vin provient d’une sélection stricte des meilleures parcelles et subit un éraflage complet avant une extraction douce du vin de goutte. Ce vin est conservé en moyenne 4 années avant d’être mis en vente : pour notre dégustation, David et Danielle ont apporté Lauraire des Lys 2014 pour nous montrer les bienfaits de la garde… A ce stade il est encore fermé avec des notes de cuir, de transpiration au nez, ainsi qu’une bouche sombre, impénétrable mais des tannins doux et cacaotés. Il n’est cependant pas encore en place, un poil asséchant et avec une finale qui manque d’allonge. A revoir dans 2-3 ans, en espérant qu’il se développe de la même manière que Lauraire des Lys 2011… Aujourd’hui après 5 années de garde on sent l’influence de la Syrah et du Carignan avec des notes de fruit noir et d’asphalte de prime abord ; puis le nez se complète d’arômes de truffe et de sous-bois. Le vin se délie avec saveur et générosité sur le jus de cassis, la mûre et les herbes grillées. La bouche est suave et persistante avec des tannins remarquablement fins et soyeux mais toujours avec un fond sombre, vecteur de la force du terroir. Faites vous plaisir avec ce superbe vin mais ne vous pressez pas : il arrive tout doucement sur son plateau de maturité.
Enfin elle est là, la verticale du Vin de Table Rase ! Cette cuvée est en quelque sorte le laboratoire du professeur Pamiès, une extraction de la quintessence du terroir des Causses : uniquement les meilleures parcelles, les meilleurs raisins et les meilleures années entrent dans cette cuvée unique. Fort de ses expériences depuis ses débuts, bonnes ou mauvaises, David s’est affranchi de tous les codes : c’est donc sans gêne qu’il propose la cuvée la plus chère du Languedoc, plus pour faire un pied de nez que pour créer le mythe…
Le Vin de France « Vin de Table Rase » 2013 est constitué à parts égales de Grenache, Syrah et Carignan et est vieilli dans des foudres neufs de 1200L. La maturité atteinte sur ce grand millésime est délivrée par des arômes de cassis et de mûre mais dans un registre plutôt fin et complexe ; des notes animales (cuir, transpiration) puis la quinine et les herbes grillées complètent le tableau. L’équilibre de bouche est déjà souverain grâce à des tannins de velours, un jus puissant mais élancé ainsi qu’une longueur profonde. La Syrah ressort en rétro-olfaction et confère ce supplément de complexité sur les épices et la fleur séchée. Déjà un vin complet mais un potentiel garanti. Le Vin de France « Vin de Table Rase » 2012 a bénéficié du même élevage que son cadet d’un an. Toujours cet éclat de fruit policé, sur la mûre, le cassis et la myrtille nuancés par de fines notes végétales. La bouche est puissante, plus méchante que sur le vin précédent mais qui s’assagit volontiers sur la sauce au poivre du plat. Ce vin est plein de fougue, de vivacité mais toujours digeste avec une relance réglissée en finale. Je le trouve néanmoins mois complet que le 2013. Quelle histoire que celle du Vin de France « Vin de Table Rase » 2009 ! Celle d’un combat de longue haleine du couple Khalkhal-Pamiès à la suite d’un acte de vandalisme qui a anéanti la moitié de la récolte (en plus d’avoir détruit toutes les barriques de Vin de Table Rase 2007). Ce vin provient d’un élevage de 36 mois en barriques neuves, il propose un nez explosif de fruit noir, de pruneau, de zan et de bois noble : ça envoie ! A la fois doux, opulent et enjôleur, il est là pour épater la galerie. Cet elixir pleinement intégré met tout le monde d’accord sur le plat et la sauce au poivre. Mais personnellement j’ai un véritable coup de coeur pour le Vin de France « Vin de Table Rase » 2010, un 100% Carignan qui est une véritable infusion de fruit noir, de café et d’herbes grillées (romarin). Sa matière en bouche est concentrée mais dotée d’une fraîcheur septentrionale. Ses tannins cacaotés soutiennent une matière de taffetas et une puissance contenue. Ce vin est abouti avec une finale dotés d’amers nobles, de réglisse et de poudre de cacao. Juteux, puissant et élégant, ce vin d’esthète procure un intense plaisir. Un grand bravo !!
Le Clos des Cistes 2003 du Domaine Peyre-Rose goûté en parallèle a eu du fil à retordre : sa robe sombre mais déjà plus évoluée précède un nez sur le pruneau, l’amande amère, les herbes grillées et les épices avec un fond frais, abouti et aérien. La bouche s’ouvre sur la douceur et la puissance du millésime mais avec un fond minéral. Le fond du vin est grand et reflète le terroir rocailleux du Clos des Cistes (minéralité sous-jacente, sève réglissée en fin de bouche), néanmoins il semble que l’intensité de ce millésime 2003 l’ait vraiment fait souffrir.
« Pour la première vendange, on ne savait pas faire de vin, il a fallu beaucoup lire et tâtonner pour vinifier » avoue David Pamiès. A l’issue de cette dégustation référence il semble que le couple Khalkhal-Pamiès s’est imposé dans le paysage des vins languedociens. Au fil des millésimes Danielle et David ont affiné leur approche à la viticulture pour produire d’excellents vins sur toute la gamme. La nouvelle cave de vinification et de stockage qui verra le jour cette année donnera à cup sûr un nouveau souffle à ces vins pleins et concentrés mais dotés d’une réelle finesse. Merci beaucoup et bravo !
In vino veritas