Prochaine étape des Grands Jours de Bourgogne 2014, un voyage fascinant au coeur de la Côte de Nuits entre Chambolle-Musigny et Morey-Saint-Denis dans un lieu absolument magnifique, la Grange de Saulx à Gilly-lès-Cîteaux. Au cours de notre tournée nous retrouvons quelques vins de Gilles Ballorin, David Duband, du Domaine Lignier-Michelot et du Domaine Arlaud. Nous n’avons en revanche pas pu braver la foule qui s’était amassée autour du Clos de Tart et du Clos des Lambrays…
Depuis l’édition 2008 les deux villages de Chambolle-Musigny et Morey-Saint-Denis ont décidé de se rapprocher pour présenter leurs vins dans le cadre magnifique de la Grange de Saulx, une ancienne grange aux dimensions respectueuses située au coeur de Gilly-lès-Cîteaux et édifiée au milieu du 13è siècle. Ce lieu porté par de larges mûrs de pierre est idéal pour déguster les vins en cette chaude journée de mars. Après quelques difficultés à se garer près de notre prochain lieu de dégustation, nous trouvons une place exigüe au détour d’une rue alors que la route principale est complètement bouchée et polluée par des dizaines de pots d’échappement !
Ces deux villages de la Côte de Nuits sont très proches. Déjà ces liens forts furent évoqués par Danguy et Aubertin en 1892 dans leur ouvrage Les Grands Vins de Bourgogne : « Chambolle et Morey, se liant naturellement comme ayant dépendu tous deux des domaines de la puissante maison de Vergy,… » Plus récemment Chambolle-Musigny et Morey-Saint-Denis se sont unis pour défendre leurs intérêts dans le cadre de la réforme des AOC. Aussi le Grand Cru Bonnes-Mares est partagé entre les deux communes, avec toutefois la majorité des vignes sur Chambolle-Musigny. A cette occasion pas moins de 43 vignerons se sont déplacés à la Grange de Saulx pour présenter l’ensemble de leur gamme qui couvre entre autres 44 Premiers Crus et 6 Grands Crus. Soyez rassurés, je n’ai pas vu beaucoup de Grand Cru Musigny disponible à la dégustation…
Nous retrouvons, parmi tous ces vignerons, le Domaine Gilles Ballorin, représenté ici par son épouse Valérie. Le domaine est en effet installé à Morey-Saint-Denis où il a racheté un chai aux abords de la route nationale. Mme Ballorin nous propose pour débuter un Bourgogne blanc « Sans Peur » 2012 qui est encore un peu réduit à l’ouverture (fromage). Il évolue cependant très vite sur le fruit et les agrumes en particulier. Il se distingue au palais par sa très belle mâche et sa fraîcheur qui soulignent toute la pureté de l’ensemble. Sa finale complexe révèle les épices, le romarin en plus de petits baies blanches. Tout ceci annonce définitivement des accords gourmands en gastronomie. Le Bourgogne rouge « Le Bon » 2012 est quant à lui un vin de fruit, pleinement accessible et digeste déjà à ce stade. Il révèle une petite amertume qui doit venir de la rafle, résultat d’une vendange entière je présume. Pour finir le Morey-Saint-Denis « Très Girard » 2012 mêle à la fois le fruit rouge et une multitude d’épices avec une pointe végétale, Le fruit, profond et vivace vogue sur le palais renforcé par des tannins frais et mûrs. La finale se montre étonnament longue mais ne joue pas dans l’excès : comme tous les vins de ce domaine coup de coeur ! Bravo à Valérie et Gilles, puissiez-vous acquérir de nouvelles vignes et sublimer d’autres terroirs de la Côte de Nuits très vite, pour notre plus grand plaisir !
Nous progressons à travers la foule pour rejoindre David Duband que nous avions rencontré lors de la réunion des Gobeloteurs à Bâle à l’automne dernier pour une soirée inoubliable (voir ici) ! Il est déjà 13 heures et il nous dit qu’il ouvre ces dernières bouteilles tant il y a eu d’amateurs lors de cette matinée. A un rythme effréné, tous les exposants ont du mal à servir et à repondre aux questions de tous les gens aglutinés autour de leur stand. Malgré celà nous arrivons à nous frayer un chemin et à porter notre nez sur le Chambolle-Musigny 2012 : il brille par son élégance et sa profondeur de fruit rehaussée par du tabac et quelques épices. L’attaque en bouche reprend le poivre puis éclot avec une élégance que l’on retrouve dans les tannins veloutés de ce vin. Une légère amertume apparaît en fin de bouche mais le tout reste digeste. Le Morey-Saint-Denis 2012 se veut plus discret, plus sauvage que le vin précédent. Des notes de sous-bois et de ronce prédominent, le fruit étant pour l’instant plutôt en toile de fond. Encore fermé pour l’instant il indique cependant que sa trame sera droite comme un i, avec une grande tension qui termine dans une finale longue. Le Morey-Saint-Denis 1er Cru Clos Sorbé 2012 est idéalement situé sous le Clos des Lambrays et le Clos de Tart, au coeur du village de Morey-Saint-Denis. Il offre un ensemble puissant, encore un peu serré mais qui a plein de potentiel : la bouche est tendue, intense de fruits noirs et de baies qui donnent un accent végétal complexe à l’ensemble. La finale dévoile tout le caractère moreysien de ce vin empreint de fraîcheur, de notes de charbon et de cigare. Il sera très beau dans quelques années ! Le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Sentiers 2012 joue dans un registre élégant même s’il sait ce qu’il veut. La race et la fraîcheur de ce cru situé sous les Bonnes-Mares sont palpables, la finale est longue, minérale et sapide. Un très beau vin que je vous recommande tout particulièrement. Pour finir le Clos de la Roche Grand Cru 2012 offre un nez complexe déjà ce stade de sa longue carrière : aérien, il dévoile tour à tour les baies noires, les épices et le menthol. En bouche aussi il est presque déjà en place : sa précision et son élégance frappent d’entrée. La pulpe de cerise caresse le palais, toute la sève et la profondeur des arômes fruités sont supportés par une grande puissance minérale. La finale est d’une longueur et d’une persistance exceptionnelles. Ce vigneron, qui n’en finit plus de faire parler de lui est sur une voie royale pour devenir une star bourguignonne très bientôt…
A propos de stars, je ne pouvais poursuivre la rédaction de cet article sans vous parler du Clos de Tart et du Clos des Lambrays, ces deux fameuses propriétés de Morey-Saint-Denis, qui ont eu le mérite d’être présents aux Grands Jours de Bourgogne, mais dont les vins ont été trop vite engloutis par de trop nombreux impatients ! Du coup les représentants de ces deux maisons avaient déjà plié bagage avant même que nous ne puissions leur tendre notre verre, quel dommage ! Au final du côté du Domaine des Lambrays, trois cartons désespéremment remplis de cadavres de Clos des Lambrays 2012 bien trop jeunes pour pouvoir se donner pleinement…
Ne nous laissons pas abattre et nous dirigeons vers une autre étoile montante de Morey-Saint-Denis, le Domaine Lignier-Michelot dirigé par Virgile Lignier. Je me souviens de mon premier passage chez ce vigneron il y a maintenant presque 15 ans alors qu’il venait à peine de reprendre le domaine familial. Depuis plein de choses ont évoluées : Virgile me confie que le caveau de dégustation a été reconstruit tout comme la cuverie, qu’il a lancé son activité de négoce dès 2002 et racheté quelques vignes du Grand Cru Clos Saint-Denis en 2005. Vous l’aurez compris, ce garçon est ambitieux et en pleine réussite, comme ses vins d’une grande précision et justement extraits. Le Bourgogne 2012 propose un fruité noir mûr, puissant et intense avec une pointe de fruit à l’alcool. La bouche se caractérise par sa matière élégante et son côté digeste. La grande classe pour ce Bourgogne générique déjà prêt à boire. Le Chambolle-Musigny Vieilles Vignes 2012 se drappe de velours et dévoile une fruité juteux dans une bouche aérienne. Les tannins sont d’une grande finesse, la fraîcheur de l’ensemble est subtile. Ce très beau vin pêche légèrement par une fin de bouche timide, encore courte, mais qui gagnera à être gardé quelques années pour se donner pleinement. Le Morey-Saint-Denis En La Rue de Vergy 2012 provient d’un vignoble d’altitude juste au-dessus du Clos de Tart. Il s’agit pour moi d’un des meilleurs rapports qualité-prix (si je puis dire…) de l’appellation. La richesse et la maturité du fruit noir est soutenue par une fraîcheur caractéristique du cru. Plein de caractère en bouche, il finit longuement tout en restant digeste. Une petite touche levurée apparaît et relève une certaine sapidité de ce vin au grand potentiel. Vendange entière. Au top ! Le Morey-Saint-Denis Vieilles Vignes 2012 se veut plus rustique et encore empreint d’élevage. Il se distingue cependant par son fruité de cassis et ses tannins frais. Le Morey-Saint-Denis 1er Cru Les Faconnières 2012 borde la route des Grands crus en sortant du village vers Gevrey-Chambertin : il est évidemment puissant et révèle une multitude de fruits noirs mûrs, comme le cassis, la myrtille et la cerise. Son corps et sa puissance ne transigent pourtant pas avec la fraîcheur et le côté digeste de ce vin, pour preuve cette touche fraiche et étonnante de framboise en finale. Nous terminons cette brillante série par le Clos de la Roche Grand Cru 2012, encore fermé mais brillant de pureté. Le fruit à l’alcool est léger et donne la priorité à la cerise fraîche et aux épices. En bouche, ce Clos de la Roche joue tout d’abord dans le registre de l’élégance grâce à un toucher soyeux et des tannins frais. sa précision et sa longueur sont remarquables. La puissance surgit en deuxième partie de bouche avec une touche métallique et révèle tout le potentiel de garde de ce large Grand Cru issus de sols divers. Un modèle du genre !
Nous avons aussi dégusté les vins de Christian Clerget et à notre grande déception, les 2012 servis ce jour-là n’étaient vraiment pas au niveau, que ce soit le Chambolle-Musigny 2012, encore marqué par l’élevage ; le Vougeot 1er Cru Les Petits Vougeots 2012, au nez riche et complexe mais fluet en bouche ; ou enfin le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Charmes 2012 qui manque de matière pour soutenir le vin. Tous ces vins sont bien loin du niveau du Grand Cru Echezeaux 2002 du domaine domaine bu à deux reprises (voir ici ma dernière note de ce vin…)
Nous avions aussi entendu parler des vins d’Anne et Hervé Sigaut mais au vu de l’attente interminable pour être servis (alors qu’il n’y avait pas grand monde autour du stand…), nous décidons de conclure cette tournée par la découverte des vins du Domaine Arlaud, basé à Morey-Saint-Denis. Fondé à l’aube de la 2è Guerre Mondiale par Joseph Arlaud, il est aujourd’hui dirigé par son fils Hervé et ses trois enfants. Cyprien Arlaud nous accueille lors de cette journée pour nous faire déguster les vins. La propriété voue une attention particulière aux sols et à la vigne, conduite selon les principes biodynamiques (en conversion depuis 2009). Leur Morey-Saint-Denis 2012 nous met en appétit grâce à son joli nez très ouvert et complet. La bouche se veut gourmande et bien faite dans l’ensemble même si le tout doit encore se développer et s’affirmer. Les tannins sont élégants et bien enrobés à l’ensemble, la finale est agréable et fine. Un bon départ ! Le Chambolle-Musigny 1er Cru les Sentiers 2012 provient d’une petite parcelle de vieilles vignes. Il se montre plus puissant, plus ample et un poil animal. Une fois de plus les tannins sont bien intégrés à l’ensemble, comme ponponnés, maquillés par un élevage tout en finesse. La finale est complexe et longue. Le Morey-Saint-Denis 1er Cru Les Ruchots 2012 nous fait basculer sur des notes plus végétales et complexes de baies et de la rafle avec un beau fruité sous-jacent. La bouche est souple, complexe et les tannins frais picotent encore légèrement. En finale l’élégance ressurgit pour notre plus grand plaisir. Son exposition entre le Clos de Tart et le Clos de la Bussière le rend proche de l’expression d’un Chambolle avec tout le caractère d’un Morey. Enfin nous pouvons toucher au Bonnes-Mares Grand Cru 2012 qui se veut séducteur et intense dans un premier temps : son nez laisse apparaître les fruits noirs, les fleurs séchées ainsi que les baies rouges. Les vignes ont été plantées il y a 35 ans, majoritairement sur des argiles rouges. En bouche nous avons affaire à un excellent vin, d’une élégance et d’une beauté charmante mais pas émouvante. Il lui manque quelque peu d’originalité, comme si un mannequin se présentait devant vous sans vraiment vous faire chavirer ! Ce que l’on attend pourtant d’un vin de ce pedigree. Produit à hauteur de 1000 bouteilles (après un passage de 18 mois en fût de chêne neuf – à 80%), laissons-lui cependant le temps de se révéler pleinement. A l’image de ce dernier vin je trouve que toutes les bouteilles de ce producteur ont beaucoup de style et de distinction. Certes ils sont civilisés et je ne peux que vous les recommander ; mais ils manquant légèrement de flamboyance, de ce Facteur X qui marque l’originalité et la patte du vigneron. A vous de voir ce que vous privilégiez !
Au final nous quittons la Grange de Saulx avec le sourire aux lèvres. Malgré l’absence du Clos de Tart et du Clos des Lambrays, nous avons découvert (ou redécouvert) des vins qui sont empreints de style et de distinction : David Duband et Virgile Lignier sont pour moi les gagnants de ce conteste et je leur prédis un grand avenir. Gilles Ballorin s’est une fois de plus démarqué par l’originalité de son style et son adhésion au terroir, le Domaine Arlaud est quant à lui le premier de la classe qui ne manque pas d’arguments pour atteindre l’élite de l’appellation. Une fois de plus le millésime 2012 a produit de belles réussites sur ces appellation de Chambolle et Morey qui confirment leur place au firmament des grands villages de Bourgogne. Votre mission si vous l’acceptez : essayer de mettre la main sur quelques unes de ces bouteilles !
Prochaine, et dernière étape de notre périple : la noblesse des Clos Vougeot !…
In vino veritas