Région adulée ou décriée, le Bordelais attise les passions des investisseurs et des amateurs de vin. Mais elle cache sans doute encore quelques trésors à des prix abordables en contraste avec les fortunes que nous devons dépenser pour les bouteilles les plus recherchées. Nous avons eu la chance d’en découvrir quelques unes lors d’une soirée dégustation dédiée à la nouvelle vague de ce vignoble mondialement réputé.
Ca y est, c’est la rentrée ! La rentrée pour tous y compris nous dégustateurs qui avons deserté les salons des vins surchauffés en cette belle période estivale. La dégustation de la semaine dernière ne s’est cependant pas faite dans des conditions idéales puisque le début du mois de septembre nous a par ailleurs offert des soirées bien chaudes. Ce mercredi soir fut une de ces soirées où la température n’est pas descendue. Tout d’abord puisque nous fêtions l’anniversaire d’un des membres du club, notre ami Yann, qui a pour l’occasion apporté une superbe bouteille de Champagne Laurent-Perrier Brut Millésimé 2002. Sa belle robe dorée nous a rappelé aux bons souvenirs de dégustation d’avant les vacances. Son nez aérien s’annonçait tout d’abord fumé avant que ne s’ajoutent des notes de fruits jaunes, de banane et d’aspérule odorante. L’aération fut minérale et précéda une bouche ample, gourmande et compotée qui rappelle le style de cette grande maison champenoise. La finale s’annonce plus tendue et persistante. Un superbe Champagne dans la fleur de l’âge ! Merci Yann !
Alors que certains malins gardent un fond de ce Champagne excellent, nous entamons cette dégustation de la nouvelle vague des vins de Bordeaux. Je ne garderai que ma sélection personnelle de cette série de 9 vins qui a généralement pas enchanté les foules, preuve en est que le renouveau bordelais doit se confirmer. Mais il se fait par ces petites appellations de la rive droite, très proches des villages célèbres de Saint-Emilion et Pomerol, qui furent à l’origine de ce vignoble millénaire, là où le Médoc n’était encore qu’un immense marécage ! Les vinificateurs et conseillers les plus renommés de la région dénichent quelques domaines au potentiel important et leur impriment leur patte : Stéphane Derenoncourt ou encore François Mitjaville pour ne citer qu’eux.
Nous débutons par un Sainte-Foy Bordeaux blanc 2011 du Château Martet. Sa robe claire et limpide précède un premier nez intense sur le caoutchouc, la banane Haribo avant de s’ouvrir sur de belles notes florales et de bouton de sapin. L’attaque est vive, jeune et doit encore se faire. La bouche est soyeuse même si la matière est moyenne et portée sur les fruits jaunes. Finde bouche minérale et fraîche. Les proprétaires de cette propriété en culture raisonnée ont lancé un débat dans l’assemblée sur la signification exacte de cette expression. Toujours est-il qu’il ont réalisé un vin honorable, accessible et potentiellement prometteur après 2 à 3 ans de bouteille (9.60€). IVV : 79/100.
L’autre vin blanc de la série nous vient d’appellation la plus célèbre. Le Pessac-Léognan 2009 du Château Couhins La Gravette est la propriété de l’INRA ! Sa robe est jaune clair classique ; le nez prend des notes intenses de menthe, de pamplemousse et laisse imaginer très clairement le cépage de ce vin (100% Sauvignon). Idem que le vin précédent, il faut du temps à ce Pessac pour délivrer tout son potentiel. La bouche est dense et présente des notes typiques de bourgeon de cassis. Initialement peu à la fête car encore jeune et originaire d’une année chaude, il développe de belles notes de melon et de pêche. Somme toute un bon vin qui demande une ouverture préalable d’une heure et un beau plateau de fruits de mer (20.60€)… IVV : 82+/100.
Nous passons aux rouges avec une sélection de quatre vins bien construits et pour certains proches de l’excellence. Nous débutons par le Blaye – Côtes de Bordeaux 2009 du Château La Haie, petite propriété de 6ha gérée par François Décombe, un passionné qui accorde le plus grand soin à ces vignes de Merlot menées en culture biologique. La couleur burlat limpide de ce vin est éclatante. Le nez propose une large palette d’arômes de cerise, de pivoine, de lys, avant que l’aération ne donne plus de complexité sur le cuir, le sang et le pruneau. La bouche est fringante avec un fruité très flatteur, une belle puissance et une fine note mentholée qui rend le tout extrêmement agréable à boire. C’est un « petit » Bordeaux tout à fait étonnant (10.30€). IVV : 83/100.
Un autre superbe témoin de ce renouveau, le Château Bouillerot « Cep d’Antan » 2010, Bordeaux rouge arbore une robe colorée et profonde sur des couleurs cerise et des larmes grasses. Son nez est flatteur et séduisant offre des notes de caramel au lait, de vanille puis de fruit rouge et d’épices. La bouche est quant à elle flatteuse, gourmande, dense et concentrée. Elle est aussi tannique sur des accents de fruits noirs et offre ce bel équilibre entre fraîcheur et profondeur. Ce domaine est aussi en conversion bio et est à suivre car au delà d’un assemblage étonnant à dominante Malbec (60%), complété de 20% de Petit Verdot et 20% de Carmenère, il propose une exhubérance et une originalité singulières (11.20€). IVV : 85/100.
Ces deux vins rouges pourraient donner la réplique au Château Couronneau 2009, une perle à 8€ dont je vous avait déjà parlé ici…
Nous terminons avec un duo original et prestigieux d’un point de vue tarif.
Le Château Queyroux « Le Joyau » 2010, Blaye – Côtes de Bordeaux révèle une belle robe pourpre profonde. Son nez met au jour le Cabernet Sauvignon : il est puissant, mûr et développe des notes de fruits noirs puis de café ainsi qu’un boisé élégant. La bouche est fraîche, structurée et dotée d’un très bel équilibre. Le fruit noir est porté par des touches de poivre et de menthol. Les tannins apportent une belle mâche et ouvrent sur une longue finale dans laquelle apparaît une fine note amandée. Il s’agit d’un très bon vin, l’on ressent tout le travail fait par le vigneron exigeant. Compromis idéal entre puissance et élégance, ce vin a de beaux jours devant lui (30.80€). IVV : 85+/100.
Pour finir le Domaine de l’A 2009, Castillon – Côtes de Bordeaux a été carafé durant une heure et demie. Il développe tout d’abord de belles notes florales et d’herbes aromatiques relevées de cassis et de groseille. Discret tout de même, il demande du temps dans le verre pour se donner pleinement (mais le potentiel est là !). Composé à 70% de Merlot, 25% de Cabernet Franc et 5% de Cabernet Sauvignon, il offre un ensemble suave et soyeux dans un style plus moderne, c’est-à-dire gorgé de fruit. La maturité du millésime 2009 est présente même si le vin se termine sur des notes minérales et de très beaux amers. Un superbe vin signé Stéphane Derenoncourt qui peut sans problème rivaliser avec ses prestigieux voisins de Saint-Emilion… (47.80€). IVV : 88+/100.
In vino veritas