Au cours d’un week-end glacial mais riche en découvertes, nous avons pu profiter du must de la gastronomie berlinoise au Restaurant Fischer’s Fritz, tout fraîchement auréolé de ses deux étoiles Michelin. Avec deux grands vins allemands : Schwarzhofberger Riesling Kabinett 2006, Egon Müller ; Riesling trocken Dalsheimer Hubacker 2007, Klaus Keller.
Berlin est une ville d’histoire, d’art… et de cuisine. Lors de notre dernière soirée dans cette magnifique capitale, nous avons presque par hasard réservé notre table dans la plus grande institution gastronomique de la ville. Fischer’s Fritz est le Restaurant du luxueux Hôtel Regent avec aux commandes le chef Christian Lohse, qui connaît très bien la Cuisine Française puisqu’il a fait ses armes auprès de grands Chefs étoilés comme Marc Meneau ou encore Guy Savoy. Il fut même le cuisinier privé du Sultan de Brunei. Donc autant vous dire que le programme s’annonce sous les meilleurs auspices.
La carte des vins m’est donnée avec la plus grande distinction par le sommelier Christian Wilhelm, pendant que nous nous délectons d’un toujours aussi superbe Champagne Ruinart Blanc de Blancs, servi en magnum. D’une grande délicatesse, avec ses arômes de poire, de pêche blanche, d’épices et de fleurs, il s’ouvre au palais avec une effervescence qui apporte vivacité et fraîcheur et fait la part belle à la poire, à l’anis avec une fine note de noisette. Un Champagne complet, élégant et d’une grande longueur. IVV : 92-93/100.
La carte des vins reprend tous les classiques du vignoble français, avec quelques raretés (Musigny Blanc 1990, Comte de Vogüé ; Romanée-Conti 2004 ; Château Mouton-Rothschild 1986 ; Château Cheval Blanc 1982), mais se distingue surtout par la diversité et la qualité des vins allemands proposés (forcément…) Le choix du (des) vin(s) s’avère donc difficile en raison du large éventail de grands noms. Certains d’entre eux restent à des prix raisonnables, mais dans l’ensemble, les prix présents sur la carte sont en ligne avec la qualité du service et le cadre somptueux du restaurant. J’ai beaucoup de mal à me décider, d’autant que nous partons pour un Menu avec du foie gras en entrée, suivi de poisson, appelant tout d’abord un vin légèrement moelleux, suivi d’un blanc plus sec et vif. Sur les conseils avisés du sommelier, je décide d’ouvrir le repas par un mythe allemand à savoir un vin d’Egon Müller, mon premier…
Le Schwarzhofberger Riesling Kabinett 2006 du Domaine Egon Müller (Fass 3) est débouché devant nous. Il offre une robe or pâle aux reflets très clairs, presque brillants. Le nez est très discret mais extrêmement profond et met au jour des fines notes de fruits exotiques (ananas, mangue, litchi, noix de coco), de baies rouges (groseille, framboise), de sucre candi et de minéral. Malheureusement, mon nez bouché ne m’en dira pas plus, même mon nez prénommé Jess cale devant la complexité et la profondeur des arômes. Dès l’attaque, le vin se distingue par une ligne minérale (agrumes) qui s’allie magistralement aux arômes décelés au nez. Elle confère une puissance et une pureté qui m’étaient encore inconnues à ce jour. Pourtant, le tout est très jeune et perle encore. Comme nous n’avions que pris ce vin qu’un verre, nous n’avons pu demander son carafage préalable, car je dois avouer qu’il s’agit ici d’un infanticide. Qu’importe, je décide d’aérer le jeunot par moi-même !
L’alliance avec la terrine de foie d’oie et d’anguille fumée au caramel poivré, confit d’aubergine est superbe, car l’acidité et la minéralité du vin lui permettent de masquer son sucre le temps de la dégustation de l’anguille fumée. Car ce plat fut lui aussi un parfait allié à ce vin : alors que le palais s’attend logiquement à une alliance sucrée-salée, le goût fumé de l’anguille s’impose comme sournoisement à la première bouchée. Puis peu à peu, il laisse les arômes plus conventionnels du foie gras reprendre le dessus jusqu’à s’effacer complètement avant le fin du plat. Le choix d’un vin au sucre résiduel s’impose donc comme une évidence. Vraiment étonnant ! Le vin s’adapte aux différentes étapes de dégustation, avec cette trame minérale déroutante, profonde et puissante, avant de se prolonger dans une finale longue, légèrement grasse mais très pure et fraîche. Quel dommage que ce Schwarzofberger n’ait pas été préparé, car je reste persuadé que ce grand vin de terroir eût su jouer le jeu des accords les plus exigeants, et aurait donc pu accompagner non sans mal les plats suivants. IVV : 91++/100.
Le plat suivant est une spécialité de la maison : l’Oeuf Onsen croustillant, tartare tiède de rouget, gambas, basilic et pommes de terre safrannées. A vrai dire, il s’agit d’un mode de cuisson japonnais de l’oeuf, à 65°C pendant une heure sur des bains d’eau provenant de sources naturellement chaudes. La cuisson n’évolue donc pas tout au long de la préparation. L’oeuf est ensuite décortiqué et revenu à la poêle dans des miettes de pain. Très bien présenté, ce plat est tout simplement excellent ; et même si le goût de l’oeuf n’est pas vraiment différent, son alliance avec sa croûte de pain et ce tartare délicieux en font une entrée délicieuse et succulente.
Ah pardon chers amateurs de vin, je m’égare du rapport de dégustation de ce magnifique Riesling trocken Dalsheimer Hubacker 2007 de Klaus Keller, ce domaine de pointe en Allemagne (Rheinhessen). A la fois une découverte et une révélation, je dois dire que ce sublime Riesling m’a subjugué et a confirmé une fois de plus toute la qualité et le potentiel des vins allemands. Servi en demi-bouteille dans des verres Zwiesel absolument superbes, il est tout comme son compagnon du soir d’une couleur or clair cristalline. Je dirais que le nez fut aussi d’une subtilité et d’une élégance à faire pâlir Miss France. Extrêmement complexe (et j’avais le nez bouché !), s’ouvrant sur les fruits exotiques (mangue, ananas, litchi), l’abricot et les épices (cannelle, badiane), il libère tous les arômes que les baies de Riesling ont acquis sur les pentes du Hubacker jusqu’au mois de Novembre. Il n’en garde pas moins une fraîcheur remarquable. Exotique en bouche, avec une intensité et une profondeur que seul un grand Riesling peut offrir, il est complété par une acidité fine et vive. Plus élégant qu’un Schoenenbourg, presque aussi fougueux qu’un Hengst, ce grand vin est à boire religieusement pour les 10 à 15 années qui viennent. Superbe. IVV : 94+/100.
Ce repas a tout pour atteindre des sommets. Par la suite, la dorade grillée aux légumes grecs et coriandre est légèrement trop cuite, mais offre encore une fois un accompagnement des plus juducieux à ce grand Riesling. Enfin, le dessert est bien trop loufoque et décalé pour me plaire. Il s’agit d’une soupe froide de gingembre et limette, moelleux de concombre et sorbet au chocolat blanc et baies de genièvre. La soupe fut trop forte de goût pour accompagner le minuscule parfait de concombre au milieu de l’assiette. Par contre, la glace faite maison fut engloutie en deux temps trois mouvements et ce, malgré le froid glacial de l’hiver berlinois qui nous avait tant stigmatisé ces trois jours.
Ce repas n’en restera pas moins un excellent souvenir, avec une cuisine traditionnelle mais avant-gardiste et toujours en quête de nouvelles idées. Les vins furent en tous points exceptionnels, avec un des meilleurs Champagne Blanc de Blancs, ainsi que deux vins allemands prodigieux. Je n’ai pas eu la chance de pouvoir me plonger à 100% à la recherche des nombreuses subtilités qu’offrent l’un et l’autre, mais je ne peux que vivement vous les conseiller si vous êtes amateurs de grands vins blancs. Pour ma part, je vais tenter de mettre la main sur quelques uns de ces trésors. C’est en quelque sorte une de mes résolutions pour 2009 ;)
Bonne année à tous !
Thomas
Plus d’infos sur http://www.fischersfritzberlin.com/