Souvent considéré comme un des plus grands cépages blancs du monde, le Riesling a été au menu de la dernière dégustation de la FCVF en ce mois de janvier. Pas plus de dix vins nous ont accompagné au cours de cette soirée où quelques vins ont brillé mais aussi où certaines sommités ont tremblé…
La première dégustation de la FCVF de l’année 2013 nous a permis de décliner un seul cépage sur plusieurs terroirs, pays et millésimes. Ce cépage de renom fut le Riesling, ce qui est évidemment un coup de coeur pour l’alsacien que je suis. Beaucoup de spécialistes s’accordent volontiers pour le nommer comme l’un des plus grands en vin blanc avec le Chenin, car il a toutes les qualités pour magnifier un terroir de la plus belle des manières. On le trouve bien entendu en Alsace, où il est le cépage de prédilection, mais aussi dans beaucoup de pays étrangers : l’Allemgne (évidemment) mais aussi les Etats-Unis, le Canada ou encore l’Afrique du Sud.
Le premier vin de cette dégustation nous emmène sur les collines du Haut-Koenigsbourg. Le Riesling 2011 du Domaine Bernhard-Reibel à Châtenois s’offre de manière très généreuse au nez avec, passé des notes réductives de vernis, beaucoup de fruit exotique, d’ananas, d’orange et de melon. Intense au nez, il est tout aussi flatteur en bouche, je dirais même tape à l’oeil. Souple, fringant, voire même technologique, il est très agréable en deuxième partie de bouche sur des arômes de fruits jaunes. La fin de bouche est un peu plâtrée, moyennement longue mais toujours aussi exotique. Quoiqu’un peu lassant au fur et à mesure, il n’en est pas moins original. Le sous-sol granitique y est un peu pour quelque chose (9.60€)… IVV : 79/100.
Toujours dans un registre fruité le Riesling Grand Cru Kaefferkopf 2011 du Domaine Schoech à Ammerschwihr se montre d’emblée plus traditionnel avec des arômes de citrus, de fleur, de terre mouillée et d’humus. La bouche est pleine et tendre, avec des notes confites rehaussées par un léger sucre résiduel (7g/L). Encore légèrement perlant il reste tonique en fin de bouche et se termine de manière très classique (agrumes, minéral). Il lui faudra encore un peu de temps pour se faire mais je le trouve déjà bien à son aise. Les vins de ce Domaine sont souvent commentés sur ce blog car je les trouve droits, bien faits et surtout à bon prix (13.50€). IVV : 82/100.
Voici un autre exemple d’un vin de grande qualité et à petit prix. Hors programme sur cette dégustation, il a été apporté par Jean-Michel qui a animé cette soirée en compagnie de Benoit. Le Riesling 2010 du Domaine Rominger à Westhalten offre une belle robe jaune paille aux larmes grasses et nombreuses. Très discret au nez de prime abord, il s’ouvre ensuite sur le fruit exotique et le fruit jaune. La bouche révèle une belle élégance et une subtilité singulière que l’on retrouve souvent sur les vins de ce Domaine d’excellente qualité. La maturité est elle aussi présente ainsi que déjà une complexité naissante plutôt étonnante pour un vin de ce calibre. Il a de l’éclat et est de noble origine, qui est bien sûr accentué par ce grand millésime 2010. Et que dire du prix (8,00€) ! IVV : 84/100.
Nous retournons dans le Bas-Rhin pour goûter à ce vin de terroir. Le Riesling Grand Cru Zotzenberg 2009 du Domaine Rietsch à Mittelbergheim est en fait plutôt curieux et déroutant au nez, avec de la paille, de la vanille, du miel, du caramel et des fruits cuits. Plusieurs dégustateurs doutent qu’il puisse s’agir d’un Riesling. La bouche est elle aussi très exotique avec un corps ample et une finale saline. Toujours très étonnant de se dire que ce vin est un Riesling, d’autant que je trouve la fin de bouche assez plate. Marie-Jo, en professionnelle des vins natures est presque sûre que ce vin n’est pas souffré et elle avait raison. Certainement aussi affecté par la chaleur de 2009 et des vignes de 15 ans, ce n’est pas ce que j’attends d’un Riesling même si l’on sent que beaucoup d’efforts ont été mis dans l’élaboration de ce vin (16.90€). IVV : 80-81/100.
Deuxième vin dit « de terroir », le Riesling Grand Cru Wineck-Schlossberg 2009 du Domaine Clément Klur à Katzenthal dévoile une robe plutôt claire et un nez complexe marqué par les épices (herbes médicinales, cardamome), de menthol, d’asperge et de fleurs. On comprend l’origine de ce vin (vieilles vignes de 50 ans et terroir granitique très pentu orienté sud-est). L’attaque en bouche est franche et pure ; la bouche offre une belle expression entre les arômes du nez et un équilibre tendu. Sans violence, il peut paraître un peu faiblard en fin de bouche par rapport aux vins qui suivront mais je le trouve plaisant aromatiquement (20.90€). IVV : 85/100.
Pour moi le vin qui suit sera le vin de la soirée ! Le Riesling Grand Cru Eichberg 2010 de la maison Emile Beyer à Eguisheim est issu d’un terroir propice au Riesling sur des vignes de 35 ans en moyenne avec des rendements d’environ 40hL/ha. Cette maison en conversion biologique n’est pas à confondre avec le Domaine Léon Beyer qui est beaucoup plus médiatisé. Néanmoins ce Domaine propose des produits d’excellente qualité que j’ai déjà eu l’occasion de découvrir entre autres chez mon ami Yannick. D’emblée la couleur intense et profonde de ce vin attire le regard. Le nez est comme botrytisé avec plein de fruit compoté (coing, pomme au four, rhubarbe), de cannelle, le tout avec un carctère vif et tonique ! Waouh. L’attaque est vive et le tout explose tel un feu d’artifice avec beaucoup de gras. Les fruits jaunes sont omniprésents et sa minéralite tranche avec l’amplitude de ce jus digne des plus grands vins du Brand ! C’est déjà un grand Riesling en devenir, dépêchez-vous d’en prendre quelques bouteilles (21.80€). IVV : 92/100.
Il a pour moi détrôné le fameux Riesling Cuvée Frédéric Emile 1999 de la maison Trimbach à Ribeauvillé. Toutefois très classique dans son expression, ce très beau Riesling une robe jaune paille aux reflets or clairs. Tout aussi vif que le vin précédent, il offre un nez caractéristique d’un Riesling à maturité, avec des notes délicates de pétrole (si tant que la pétrole puisse être délicat…) et de citron. Il s’est assagi avec le temps et offre un équilibre digne de son rang, avec une grande longueur et une fine amertume. Il a une grande matière et beaucoup de race même s’il n’a pas la classe des plus grands millésimes de cette cuvée de prestige. Dans un style traditionnel il s’agit indéniablement d’un très beau Riesling sec (62.00€). IVV : 89/100.
Afin d’apprécier toute la dimension internationale de ce grand cépage blanc, il nous fallait bien sûr quitter nos frontières. C’est chose faite avec le Langhe « Herzu » 2010 du talentueux (Sergi) Ettore Germano à Serraluga d’Alba dans le Piémont. Constitué à 100% de jeunes vignes de Riesling sur des argiles calcaires en coteaux sud-est, il exhale des odeurs de noix fraîche avant d’évoluer sur des notes plus intenses de poire, d’agrumes confits et une fine pointe minérale. La bouche est harmonieuse, le vin vogue sur le palais avec un beau velouté et est très facile à boire. La finale s’allonge au fur et à mesure que cet étonnant Riesling italien s’ouvre dans le verre. Il s’agit franchement d’une belle découverte qui se comportera très bien sur des poissons en sauce blanche (20.90€). IVV : 86/100.
Une des stars de la soirée (sur le papier) n’a fait qu’un petit tour avant de disparaître dans le plus grand anonymat : le Riesling Schwarzhofberger Kabinett 2011 du Domaine Egon Müller à Willingen a unanimement déçu. Sa robe est d’un jaune pâle très clair. Les fleurs illuminent le nez (lys) de manière très intense avant que des notes d’ananas et de Muscat frais s’ajoutent à un registre olfactif joliment aromatique. La bouche est quand à elle d’emblée marquée par le sucre résiduel (28g/L) qui enrobe une matière encore discrète (légèrement perlant). Franchement entêtant au bout de la deuxième gorgée, il nous laisse sur notre faim car il ne semble pas avoir la traceque son terroir schisteux devrait lui conférer. Quand on se dit que le monde entier s’arrache les vins d’Egon Müller et que quelques dégustateurs présents ce soir ont tant rêvé de déguster ces précieux nectars de la vallée de la Moselle, on ne peut qu’être déçu (49.00€). IVV : 81/100.
Nous terminons cette soirée dédiée au Riesling par une rareté. En effet les vendanges tardives de Riesling sont plutôt rares car le cépage est moins propice à une longue maturation que ses compères Pinot Gris ou Gewurztraminer. Le Riesling Grand Cru Brand SGN 2006 du Domaine Hurst à Turckheim étonne de par sa belle couleur jaune or avant de dévoiler un éventail d’arômes botrytisés de miel, de speculoos, d’amandes grillées, de copalm d’Amérique, de dattes et de caramel. Personnellement je trouve le nez un peu trop accentué sur des notes grillées, presque brûlées, provenant peut-être du sol granitique du Brand… L’on retrouve ce côté en bouche (caramel brûlé, figues, dattes) mêlé à des sucres résiduels encore bien présents (65g/L). Personnellement je le trouve assez évolué avec des amers plutôt marqués en finale. Je ne suis pas trop fan du registre aromatique de ce vin ainsi que de son côté vieillissant même si je dois dire que l’équilibre est là (24.00€). IVV : 80/100.
En somme cette dégustation de Riesling nous a permis de faire quelques belles découvertes dans notre cher vignoble alsacien mais aussi de partir à la conquête de beaux Riesling d’Europe. Evidemment la déception de la soirée a été le Riesling Schwarzhofberg d’Egon Müller, et la palme du meilleur vin incontestablement à ce superbe Riesling Grand Cru Eichberg du Domaine Emile Beyer, une étoile montante à suivre de près… Merci à Jean-Michel et Benoit pour l’amination de cette soirée ainsi que pour cette bouteille de Riesling 2010 excellente du Domaine Rominger à Westhalten. What else !
In vino veritas