Au cours d’une soirée studieuse du comité des Avinturiers nous avons animé nos débats avec quelques bouteilles dont un Condrieu « Coteau de Vernon » 2006 du Domaine Georges Vernay ébouriffant de perfection. L’ont accompagné un Riesling « Zéro Défaut » 2o09 du Domaine Schueller, un Givry 1er Cru Les Grands Prétans 2012 du Domaine Mouton et un Ermitage « L’Ermite » 2006 de Michel Chapoutier.
En cette fin de saison les Avinturiers se sont retrouvés pour organiser les prochaines dégustations de l’automne et de l’hiver. En regardant derrière nous, nous pouvons être fiers d’avoir vécu de grandes émotions au cours des dernières dégustations :
- Les Dolomies, un futur grand domaine jurassien
- Jean-Louis & Andrée Trapet, avec une interprétation des terroirs de Gevrey-Chambertin et de Riquewihr
- Thierry Germain, le révélateur des grands terroirs de Saumur
- Le Domaine Henry Pellé, un exercice de style des plus beaux vins de Menetou-Salon
- Terre Inconnue par Robert Creus, un vigneron autodidacte et audacieux du Nord du Languedoc
Il sera difficile de faire mieux pour les soirées à venir même si le programme de fin d’année s’annonce des plus alléchants… Aussi pour célébrer tous nos exploits j’ai convié les membres du comité chez moi pour des retrouvailles entre amis. Nous débutons avec un apéritif des plus originaux avec un Riesling « Zéro Défaut » 2009 du Domaine Gérard Schueller. Bruno Schueller est un homme de convictions : à la fois intrépide et indépendant, il se moque volontiers de toutes les règles pour se concentrer sur la production de vins qui lui plaisent ! Je me souviens avoir bu des vins magnifiques lors de mon dernier passage chez lui il y a quelques années, dont un des Pinot Noir les plus émouvants de ma vie, l’Alsace « Le Chant des Oiseaux » 1989… Ce Riesling « Zéro Défaut » 2009 est à l’image de son producteur, exubérant mais droit dans ses bottes ! Il est vinifié sans soufre et est à ce stade au pic de sa forme. Il se distingue par sa robe or et un aspect plutôt gras. Son nez patiné est fait de cire, de miel, de fruit jaune (mirabelle) avec une évolution grasse sur le beurre et la lanoline. Sa bouche grasse en attaque habille un ensemble très minéral et finement acidulé. Vin généreux, aromatique (fruit jaune, miel) et chaleureux, il se caractérise par un beaux gras et une minéralité sous-jacente assez incroyable ! Le millésime se ressent clairement dans ce vin mûr qui pétrôle peu à peu dans le verre. Puis il se met à picoter, à se réchauffer : ce vin généreux, singulier et agitateur ne peut que plaire, car il se démarque du Riesling variétal et citronné si conventionnel. Faites-vous plaisir !
Le vin suivant nous a subjugué de toute sa magie. C’est la deuxième demie-bouteille de ce vin que j’ouvre ce soir (après une première découverte en 2012 – voir par ailleurs) mais cette fois-ci, il est difficile d’imaginer que le Condrieu « Coteau de Vernon » 2006 de Georges Vernay puisse être meilleur que celà. Sa robe claire, orangée et grasse est lumineuse. Les arômes de confiture de mirabelle, de vanille, de beurre et de rhubarbe jaillissent littéralement du verre, lévolution se fait sur le biscuit. Extrêmement profond et vibrant, il reflète avec classe toute la chaleur de son terroir granitique, si bien que nous nous voyons griller sur les pentes vertigineuses de ce coteau de Condrieu qui domine le Rhône. La magie opère sans tarder au palais, la bouche met tous les sens en éveil et nous transcende par un équilibre parfait entre puissance et dynamisme. La rhubarbe, les herbes séchées et les fruits jaunes se mêlent dans un jus d’une matière huileuse et d’une longueur abyssale ; mais ne vous y trompez pas, le tout est parfaitement contenu et contre-balancé par une acidité minérale sous-jacente. Une grande émotion nous traverse : le cépage s’estompe au profit de la force minérale de ce terroir granitique. Ce Condrieu prend des accents de noix sur le Gruyère qui accentue sa perfection. Décidément, me voilà réconcilié avec le Viognier de Condrieu. Mémorable !
Benoit nous a proposé de goûter un Givry 1er Cru Les Grands Prétans 2012 du Domaine Mouton dans l’attente de la venue de ce jeune vigneron à une de nos soirées. Issu de la nouvelle génération de ce village de la Côte de Beaune, il a produit sur ce millésime un vin grenat à la belle prise de couleur. Son nez torréfié est un premier indicateur de son élevage (trop ?) poussé, tout comme un nez enrobé avec tout de même une jolie expression de fruit noir. Au palais ce Pinot Noir exprime la cerise noire mais le bois prend peu à peu le dessus. Dommage car il nous semble que la qualité du fruit est excellente, de plus le vin passe à merveille avec le magret de canard et gratin dauphinois puis le Tamié. Le jour suivant l’élevage domine et deséquilibre le vin, la fin de bouche est amère. Dommage car le fuit est pur et ne demande pas autant de bois pour est magnifié. Réessayons…
Nous terminons avec l’Ermitage « l’Ermite » 2006 de Michel Chapoutier. Issu d’une sélection parcellaire, le haut de gamme de la maison Chapoutier, cette Syrah provient du haut de la colline de l’Hermitage, juste à côté de la célèbre Chapelle au lieu-dit l’Ermite. De vieilles vignes de 80 ans y produisent de faibles rendements sur des terroirs granitiques très pauvres. Promise à une grand garde selon tous les spécialistes, Christian a apporté cette bouteille afin d’en avoir un premier aperçu lors de cette soirée. La robe pourpre est très sombre, opaque et dotée de larmes grasses. Le fût, le cuir nous accueillent puis le cassis, le café et l’encre caractérisent ce nez aérien, profond et torréfié. Encore jeune, il s’ouvre sur les fleurs séchées puis des arômes animaux et réglissés. L’équilibre en bouche est magistral : concentré, puissant et poivré, il est supporté par des tannins veloutés. Il s’impose en bouche avant de terminer sur des notes salines et minérales dans une finale d’une grande longueur. Il nous reste un souvenir aérien, certes encore serré mais promis à une longue garde. Au deuxième jour cet Ermite est toujours aussi persistant, à la fois épicé et végétal mais il a encore de la mâche ; des notes salées et réglissés sont délicieuses, la finale interminable. Elles annoncent le potentiel de garde de cet Ermitage moderne et policé mais au tarif prohibitif, tout de même…
Ces beaux vins nous ont accompagnés tout au long de cette soirée conviviale. Mais ne vous y trompez guère, nous avons travaillé dur pour fixer le prochain calendrier de dégustation des Avinturiers ! Avec très vite une belle verticale de Crozes-Hermitage du célèbre domaine Graillot.
In vino veritas