Au coeur de la semaine de mes 25 ans, j’ai de nouveau réuni mes amis amateurs de grands vins autour d’une sélection digne d’un grand anniversaire. Comme la fois dernière, 6 Grands Vins de France : Grand Vin de l’Altenberg de Bergheim 2000, Alsace Grand Cru, Marcel Deiss ; Château Léoville Las Cases 1983, 2ème Cru Classé de Saint-Julien ; Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 1983, 2ème Cru Classé de Pauillac ; Chapelle-Chambertin Grand Cru 1997, Domaine Trapet ; Riesling Grand Cru Rosacker « Clos Saint-Hune » 1997, F.E. Trimbach ; Vouvray « Le Haut-Lieu 1è Trie » 1989, Domaine Huet. Rien que ça !…
Il est 19h30 : les premiers invités, Audrey et Yannick, arrivent alors que je sors à peine de la douche et ais le temps d’enfiler ma tenue de soirée. Puis au compte-goutte, Fabrice (venu avec sa camionette de compétition), Christine et Arnaud, Magali et Seb, Lionel (qui a laissé sa dulcinée résoudre l’immense dégât des eaux dans son appartement) et enfin Jess frappent à ma porte.
Tout le monde s’installe et, pendant que je prépare l’amuse-bouche, se rafraîchit avec le Champagne de maison de Claude Carré et Fils à Trépail, Premier Cru Blancs de Blancs. Mis en bouteille en 2005, il développe après trois ans des beaux arômes d’amande douce, de poire et d’agrumes. Un Champagne que j’apprécie beaucoup, d’autant que sa trame acide et sa droiture laissent augurer encore quelques années d’évolution. C’est toujours un plaisir de commencer un repas par des bulles.
Je m’affairre en cuisine pour sortir en amuse-bouche, un carpaccio de Saint-Jacques à l’huile de noix et safran. Le plat suivant demande plus de concentration, puisque la moindre seconde est cruciale pour la cuisson du foie gras poêlé. Mes convives découvrent la première carafe de la soirée et je les laisse mijoter quant à l’origine du vin avant de servir l’entrée. Le foie d’oie poêlé, compote de rhubarbes et infusion au jasmin est réussi ! Il offre un accord superbe avec le Grand Vin de l’Altenberg de Bergheim 2000 de Marcel Deiss. Carafé deux heures à l’avance, il offre dans le verre une robe jaune or à faire pâlir. Le nez s’ouvre sur les fruits jaunes mûrs (mangue, pêche). Très fruité, tout le monde pense à un pinot gris de prime abord. Puis il devient plus complexe, sur les fleurs, le minéral et une touche métallique. C’est assurément un grand terroir qui a produit ce jeune vin qui ne se révèle pas encore pleinement. L’attaque est vigoureuse et toujours sur le fruit (pêche, framboise, poire). Il remplit la bouche de par son ampleur et sa puissance. La maturité atteinte fait penser à un millésime solaire (beaucoup penchent pour 1997). Avec le temps apparaît le terroir, avec une finale longue et tendue sur le Riesling. Le verre vide dévoile encore tant d’arômes de fleurs et d’épices (thé, clou de girofle) que l’on reçoit un aperçu de tout son potentiel. Un grand Alsace encore en devenir, avec un équilibre tout simplement parfait et un accompagnement de classe. Bravo ! IVV : 93+/100. Ce premier vin lance la soirée de fort belle manière. Mais suite à la dégustation secrète que j’ai faite la semaine dernière chez Deiss sur les millésimes 2004 et 2002, je m’attendais à plus de finesse et de complexité. C’est pour celà que je regrette de ne pas avoir carafé ce vin 4 à 5 heures avant pour qu’il soit prêt une fois dans le verre. En l’état, la surmaturité et la sucrosité du vin le rapproche du style Barmès-Buecher ou Zind-Humbrecht.
Le plat principal se fait attendre à cause de problèmes de four. Malgré le retard accumulé, le résultat est tout aussi bon ! Le carré d’agneau au romarin, purée de céleri et mangetout est le compgnon classique de grands vins du Médoc. Le Château Léoville Las Cases 1983, 2ème Cru Classé de Saint-Julien ouvre le bal avec sa robe très jeune grenat sombre, et ne montre aucun signe d’évolution. Au nez, on repère d’emblée la race d’un grand terroir du Médoc : fruit rouge entremêlé de notes de champignon, d’humus, de terre et d’herbes grillées. En bouche, l’attaque est droite puis l’ensemble s’ouvre au palais avec un magnifique équilibre. Belle jeunesse, moyennement corsé et puissant. Les notes tertiaires se retrouvent au palais et sont le signe d’un millésime moyennement ensoleillé. La finale en éventail est moyennement longue. La jeunesse du vin interpelle de prime abord puis l’évolution dans le verre montre plus de minéralité et un caractère métallique typique. IVV : 92/100. Typé, racé, un très beau Saint-Julien qui malgré son statut, s’est fait devancer par son voisin de Pauillac du soir.
Le Château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande 1983, 2ème Cru Classé de Pauillac a une robe identique à son prédécesseur, peut-être plus sombre encore avec du glycérol. D’une jeunesse éclatante, si bien qu’à l’aveugle, tout le monde lui donnait au maximum 15 ans. Le nez est puissant, plus mûr, plus concentré et plus flatteur, sur les fruits noirs mûrs et confiturés (prune, cassis, mûre) avec un boisé enrobé mais un terroir moins présent que dans le vin précédent. En bouche, le tout est d’une rondeur, d’une puissance et d’une vitalité impressionnantes ! Les tannins sont magnifiquement intégrés et l’équilibre grandiose. Une jeunesse insolente. La maturité du grain, l’extraction et une touche discrète de café et de chocolat nous fait partir sur un millésime plus solaire par opposition à Léoville Las Cases. Pourtant, seuls quelques centaines de mètres séparent ces deux grands Châteaux ! Ce Pichon Comtesse est grand, a offert un accord mets-vin parfait, et comble du comble, a encore du potentiel ! Quelle émotion ! IVV : 97/100.
La seule déception de la soirée vient du Chapelle-Chambertin Grand Cru 1997 du Domaine Trapet. Victime d’une déviation aromatique (bouchon, chaussette mouillée), même un passage dynamique en carafe n’y changera rien. Le bouchon semble ne pas joué son rôle d’étanchéité, il parait neuf et absolument pas dilaté. Quel dommage, d’autant que le Saint-Paint conseillé par Jean-François Anthony pour accompagner ce vin se retrouve comme laissé à l’abandon. Mais soyez rassurés, il est tellement bon qu’il a été apprécié pour lui même.
Le buffet de fromages de brebis a été servi avec le célèbre Riesling Grand Cru Rosacker « Clos Saint-Hune » 1997 de F.E. Trimbach. Tout d’abord un Ossau-Iraty peu affiné puis un Carayac plus affiné sont parfaits pour accompagner ce chef d’oeuvre ! Le nez est pénétrant avec une grande complexité sur les agrumes (citron, pamplemousse), le caoutchouc et l’encaustique (début d’évolution), le minéral, et les fleurs (vanille, camomille). Je m’écris : c’est un Riesling ! Fabrice me répond : c’est LE Riesling ! C’est vrai que ce vin nous conduit dans une nouvelle dimension : voici l’aboutissement du Riesling. La trame acide de ce vin est d’une précision extrême et lui confère une droiture, une stature et un équilibre exceptionnels. Vif, pur, chaleureux, sur les agrumes et tant d’autres choses (!), il laisse une marque digne d’un grand vin. La finale est d’une longueur inouïe. Grande découverte et grande émotion. J’ai du mal à finir mon verre tant ce vin est grand ! IVV : 97+/100.
Le buffet de fromages m’a permis de quitter les fourneaux. Maintenant, il est temps de servir le dessert, à nouveaux sur ces belles assiettes en ardoise. Le tiramisu aux fruits et glace vanille vient couronner un bien joli repas. Le Vouvray « Le Haut-Lieu 1è Trie » 1989 du Domaine Huet entre en scène et montre d’emblée que c’est un grand liquoreux. Quelle fraîcheur au nez ! Une complexité de fruits surmûris, comme dans un Rhum (banane, pêche, coing, figue), pâte de fruits, sucre roux, pain d’épices et boisé. En bouche, aucune lourdeur, un soyeux exceptionnel et des sucres intégrés. Un vin presque léger avec un tel potentiel en sucres, que l’on se demande où est passé le sucre ! Un grand Loire au tout début de sa carrière, avec un potentiel presque illimité, en témoigne son équilibre souverain. La finale est longue, large et chaleureuse. Personnellement, j’aurais opté pour un Barsac (Château Climens ?) car ce vin en a le caractère. Superbe en tous points. IVV : 94-95/100.
La soirée est une fois de plus passée tellement vite car nous avons indéniablement pris beaucoup de plaisir. Personnellement, je dois avouer que le temps passé en cuisine ne m’a pas permis de profiter pleinement de tous ces grands vins. Mais en voyant la mine ravie de mes invités, mon plaisir est double. Grande cuisine (en toute modestie !) et Grands Vins, le cocktail parfait pour fêter mes 25 ans. Une soirée dont je souviendrais encore longtemps !
Merci à tous pour votre présence, merci à Fabrice pour ce Clos Saint-Hune sublime, à Christine et Arnaud pour le Chapelle-Chambertin qui aura malheureusement moins brillé, et à tous les autres pour vos superbes cadeaux.
A bientôt pour le Volume 3 !
In vino veritas
Thomas