Troisième région viticole française en terme de taille, la Loire est une mine d’or pour ce qui est de vins de grande qualité couplés à d’excellents rapports qualité-prix. La dégustation du groupe Caudalies a suivi le cours du plus long fleuve de France pour y dénicher quelques très belles références : Sancerre « La Tournebride » 2010, Domaine Vincent Gaudry, Bourgueil « Le Haut de la Butte » 2010, Domaine de la Butte ; Côteaux du Layon moelleux 2010, Domaine du Clos de l’Elu.
La vallée de la Loire est une vaste région viticole qui s’étend la long du plus long fleuve de France en passant par le Nivernais à l’est jusqu’au Pays nantais aux abords de l’Atlantique. Berceau des vins royaux, ses vins furent jadis plus prisés à la Cour du Roi que les vins de Bourgogne ou de Bordeaux. C’est avec cette superbe introduction que mon oncle Christian ouvre le bal des réjouissances. Nous sommes nombreux ce soir à se réjouir de la sélection réalisée par le Comité de la FCVF car la Loire offre pleins de belles pépites à des prix raisonnables.
Après cette belle introduction et quelques derniers réglages liés à l’organisation, nous versons le premier vin dans une ambiance bon enfant. Il faut dire que l’entrée en matière fut extrêmement réussie avec ce Sancerre « La Tournebride » 2010 du Domaine Vincent Gaudry. Petite propriété située à proximité de Sancerre elle offre la particularité d’être de travailler en biodynamie depuis de longues années. Cette cuvée dévoile une robe pâle limpide et aux reflets brillants. Le nez est tout en finesse et en complexité fruitée avec la mandarine, les fleurs blanches et des pointes de cannelle et de minéral (sol silex et cailloté). La bouche est aérienne dans ce décidément superbe millésime en Loire, avec de la vivacité et ces arômes séducteurs d’agrumes (citron, mandarine). Elle gagne en volume en fin de palais et offre une belle matière, de la verve et de la délicatesse pour ensuite finir sur une belle salinité. Un Sancerre séduisant et délicat. Bien vu (14.50€) ! IVV : 86/100.
Le Savennières « Les Genêts » 2009 du Domaine Laureau nous fait faire un virage à 180° ! Tout d’abord par le cépage (le Chenin), qui est vu par beaucoup comme un des plus grands cépages blancs qu monde avec le Riesling et le Chardonnay. Mais aussi de par sa provenance : ces coteaux de Savennières, appellation minuscule perchée au-dessus de la Loire et mondialement célèbre par sa Coulée-de-Serrant, cette vigne séculaire cultivée depuis le Moyen-Age (vous trouverez ici un superbe compte-rendu de ce vin exceptionnel dans le millésime 2007…)
Retour à ce Savennières à la robe plus prononcée et grasse que le Sancerre dégusté précédemment. Le nez est plus déroutant et austère mais sa complexité sous-jacente envoûte : des notes sauvages (foin, céréales, tourbe légère) précèdent la finesse des fruits à chair blanche (poire, coing, pêche mûre) et le miel de fleurs. La bouche est puissante et reprend des accents miellés. Ce vin de terroir reflète un millésime chaud par un manque léger d’acidité et une légère amertume, mais il n’empêche que sa finale aux touches de réglisse et d’aspérule saura la placer sur des viandes blanches en sauce (16.80€). IVV : 84/100.
Nous achevons cette série de blancs de Loire avec le célèbre Cour-Cheverny Vieilles Vignes « Cuvée François 1er » 2006 du Domaine des Huards. D’après Jean-Michel il s’agit de la dernière cuvée de ce type produite par le domaine ; elle porte le nom du Roi de France car c’est lui qui a apporté le cépage Romorantin de Bourgogne au 16è siècle à Cour-Cheverny où il est encore cultivé à ce jour. Ces vieilles vignes de 60 à 90 ans ont produit un blanc clair qui ressemble plus à un Riesling qu’autre chose avec ses fortes connotations pétrolées et de caoutchouc. Après plusieurs minutes d’aération il prend un accent mentholé et minéral avec des notes de citron. La bouche est ample et volumineuse avec un bel équilibre acide. Le citron et l’encaustique viennent supporter l’ensemble qui reste néanmoins très typé Riesling. Mais il faut lui laisser que ce vin entre à peine dans sa phase de maturité, je veux bien le re-déguster dans 2 à 3 ans (11.70€)… IVV : 81+(?)/100.
La série de rouges commence par un vin qui sort des sentiers battus. Le Côtes du Forez « La Volcanique » 2011 d’Odile Verdier et Jacky Logel est un vin issu des confins de l’Auvergne et certifié bio. Je ne peux que saluer l’audace de tels vignerons avec des terroirs si rares et peu médiatisés. La robe de couleur violacée détonne tandis que le nez flatteur de fruits rouges, de mûre et de violette et certes simple mais avenant et direct. L’attaque est elle aussi directe et fraîche, avec une belle vivacité fruitée (cassis, violette). Le vin est certes simple au palais mais gagne en complexité dans une finale fraîche grâce à des accents de poivre et cannelle. Facile et léger, ce Gamay est déjà prêt à boire sur des terrines ou de la charcuterie (8.10€). IVV : 80/100.
Le vin suivant est pour moi le vin de la soirée : le Bourgueil « Le Haut de la Butte » 2010 du Domaine de la Butte. Toutes les vignes sont sublimées dès qu’elles passent entre les mains de Jacky Blot ; après avoir ressuscité l’appellation Montlouis-sur-Loire il s’installe en 2002 dans ce domaine de 14ha d’un seul tenant et y travaille des Cabernets Francs de grande qualité. Celui-ci offre une belle robe cerise et une superbe texture veloutée dans le verre, mais aussi un nez typique de Cabernet Franc mûr sur des notes d’encre, de fruits noirs, de cerise et de craie. La bouche est gourmande, avec une belle matière et des notes d’encre, de caramel et de fruit noir. Le tout reste frais au palais avec des tannins fins encore présents. La finale prend des notes de framboise et de tabac blond avec une belle profondeur d’encre. Du travail de pro (14.30€) ! IVV : 88/100.
Un jeune vigneron de Saumur-Champigny vient de sortir son 1er millésime, il s’agit du Saumur-Champigny « La Porte Saint-Jean » 2010 produit par Sylvain Dittière. Ce jeune vigneron n’est même pas encore propriétaire mais achète ses Cabernets Francs et les vinifie avec passion, en s’inspirant des stages réalisés chez Thierry Germain ou encore Marc Tempé. Ce nez est encore fermé (réduction légère, notes d’algues) puis s’ouvre sur des notes kirschées. La bouche est séduisante, fraîche et volumineuse mais c’est tout. Je n’ai pas vraiment pu écrire plus sur ce vin qui est encore à un stade embryonnaire, d’ailleurs il se montre quelque peu en excès en fin de bouche avec de la puissance et un léger deséquilibre. Il doit assurément encore se faire mais ce vin est assez exemplaire pour quelqu’un qui en est à son premier millésime ! A suivre (20.30€)… IVV : 86/100.
Dernier vin rouge de cette série, le Touraine rouge « Cent Visages » 2009 du Domaine Jean-François Mérieau. Une robe cerise burlat profonde puis des notes de fruits noirs (cassis) et une fine touche de violette présentent un nez d’une intensité presque animale (transpiration) rehaussé de fraîcheur (menthol, mine de crayon). La bouche est jeune, intense, sur l’encre, le minéral et le menthol, on retrouve le cassis et la violette. Issu à 100% de Côt (autrement dit de Malbec !) ce superbe rouge intense impressionne déjà à ce stade par son superbe équilibre et sa densité. Tout en en restant fraîche la finale se prolonge sans détour et avec profondeur. L’atout prix vient confirmer que ce vin vaut le détour, une superbe performance qui mérite le meilleur score de la soirée (9.40€)… IVV : 88/100.
Avant de nous plonger dans la série des vins moelleux, ces dignes représentants de la région de Loire, Philippe nous a apporté une petite bouteille qui lui tient à coeur puisqu’elle provient de sa région natale : la Franche-Comté. Oui Madame, oui Monsieur, on fait du vin en Franche-Comté, et même du bon vin. Le Vin de Pays de Franche-Comté, Chardonnay 2009 du Vignoble Guillaume provient des nobles vignes de l’Episcopat de Besançon déjà cultivées au 18è siècle. Aujourd’hui les activités de ce producteur se partagent entre la vente de pieds de vignes et la production de vin. Ce Chardonnay d’entrée de gamme est généreux : on ressent l’élevage sur lies qui donne des notes de pomme fraîche et de groseille à maquereau. Gourmand en bouche, il révèle des accents fruités de banane, de fruit jaune, de melon et de poire croquante. Un côté légèrement vanillé appelle à une garde supplémentaire mais c’est déjà très bon (et extrêmement abordable – on est à moins de 8€).
Nous finissons avec deux vins sucrés : le premier des deux est vraiment déroutant et atypique. Passée une robe or soutenu brillante, on découvre un nez d’agrumes, de bourgeon de sapin, de miel avec une évolution acide volatile qui suggère une macération trop froide… La bouche du Chinon blanc « Cuvée Antoine » 2009 du Domaine Les Chesnaies tranche littéralement le palais avec une acidité diabolique avant que n’apparaissent des touches de miel, de tilleul et autres plantes. La fin de bouche est finement mais franchement acide, à la limité du désagréable. La rhubarbe et l’amande grillée accompagnent ce jus déroutant en finale. Je me demande quel est l’équilibre de ce Chinon blanc qui, j’en suis convaincu, passerait mieux sur un plat que pour lui-même (21.80€). IVV : 83/100.
Enfin le Coteaux du Layon moelleux 2010 du Domaine du Clos de l’Elu révèle une couleur or soutenu aux nets reflets orangés. Discret de prime abord, il s’ouvre ensuite sur l’orange, le miel de fleurs, la poire et l’amande grillée avec une très belle élégance et sans excès. Une attaque veloutée reprend des arômes de miel puis de cannelle (speculoos) avec intensité. Les agrumes (mandarine, zeste d’orange) emboîtent très vite le pas à un ensemble riche et toujours avec une matière onctueuse. La finale étonne aussi par sa fraîcheur qui est caractérisée par une fine touche amère de quinine. Un liquoreux de style et d’élégance qui fera un malheur sur une escalope de foie gras ou une tarte Tatin. Mmmh, je m’en lèche les babines (12.70€)! IVV : 87/100.
Très bons rapports qualité-prix, les vins de Loire font preuve d’une diversité de cépages et de terroirs épatants. Cette très belle sélection nous a permis de partir à la découverte de vins de cépage, de particularités et de certains très beaux vins de terroirs. Le Sancerre en blanc sec, le Touraine et le Bourgueil en rouge ainsi que le Coteaux du Layon en vin moelleux auront dominé cette dégustation animée de main de maître par le Professeur Christian Bilger ! Merci à tous, et à très vite pour la prochaine soirée qui nous emmènera au-delà des frontières de l’Hexagone, en Toscane plus précisément…
In vino veritas