Tout amateur de vin se doit de rencontrer Xavier Guillaume au moins une fois ! Il est le représentant de la famille Guillaume, présente en Haute-Saône depuis plusieurs siècles en tant que viticulteurs (depuis 1732) et pépiniéristes (depuis 1895). C’est l’Archevêché de Besançon qui fut le premier à planter la vigne dans la région de Gy et de Charcenne afin de subvenir aux besoin des administrés et du Clergé… Près de 300 ans plus tard la famille Guillaume est toujours là et fait figure de pointure dans la production de vin et de pieds de vigne dans la région : sachez que la Haute-Saône, à défaut d’être une région viticole reconnue dans notre pays, est le 3è producteur mondial de pieds de vigne ! Xavier Guillaume a même créé un Conservatoire du Pinot Noir et du Chardonnay à Charcenne, au milieu de ses 40ha de vignes.
Alors que nous avons pris note de l’invitation prochaine à se rendre au domaine pour en savoir plus sur la production de pieds de vigne, nous nous rafraîchissons le palais avec le Vin Mousseux brut « La Flûte Enchantée ». Cet assemblage de Chardonnay, Pinot Noir et Pinot Meunier provient du millésime 2013. Le vin passe habituellement 2 ans sur lattes (bien plus que le minimum requis sur l’appellation Champagne – 15 mois) mais en raison de petits rendements sur cette année, le vieillissement a été légèrement raccourci. Il n’empêche que son nez fruité, fait de coing et de poire, précède une bouche terriblement charmeuse, grasse et dotée d’une mousse aérienne. Il s’agit de l’entrée de gamme des mousseux du domaine mais comme d’habitude, elle enchante l’assemblée par sa sincérité et sa générosité, avec en plus un rapport qualité-prix incroyable ! Nous avons aussi la chance de tester le Vin Mousseux extra-brut « Séduction » 2011 normalement destiné au marché japonais. 100% Chardonnay cette fois-ci avec un élevage sur lattes plus long, dont 6 mois en fût de chêne. Au nez nous sommes sur des notes de banane, d’ananas flambé qui traduit le cépage et l’élevage. Ce vin gras sait garder une belle fraîcheur en bouche ainsi qu’une longue finale.
Avant de passer aux cépages principaux qu’offre le domaine Guillaume, faisons un détour par le Païen 2014, Vin de Table Français. Vous n’êtes pas sans savoir que le Savagnin porte ce nom dans le Valais (Suisse). En voici un superbe exemple vieilli 11 mois en pièces de 7 vins, ouillé et bâtonné. L’élevage se ressent encore dans un nez arrondi, boisé et vanillé avec des notes de pomme mûre et de cannelle. La bouche est pleine, opulente mais dotée d’une rondeur charmeuse qui précède une fin de bouche longue et sapide. Un modèle du genre ! Auparavant la Cuvée V. – Les Inattendus 2014 nous a été servie. Issue de Viognier et vieillie 11 mois pour moitié en cuve inox et pour moitié en fûts de 5 vins, elle ne m’a pas vraiment convaincue. Déjà que je ne suis pas un grand fan de ce cépage…
La série des Chardonnay débute avec le Vin de Pays de Franche-Comté Chardonnay Vieilles Vignes 2014, une très belle cuvée que nous avons déjà eu le privilège de goûter plusieurs fois par le passé dont le grand 2010 (voir par ailleurs). A moins de 10€ la quille ce Chardonnay est un plaisir pour tous les amateurs de ce cépage. Encore tout jeune, discret et légèrement marqué par son élevage, il dévoile un fruité acidulé, tendu et concentré dans un ensemble généreux, gras et certes chaleureux en bouche. Il n’empêche que l’équilibre de ce Chardonnay Vieilles Vignes est exemplaire pour un vin de ce pedigree.
Nous prolongeons le plaisir avec une série de 4 millésimes d’un Chardonnay de collection, le Vin de Pays de Franche-Comté Chardonnay « À mon Père ». Le domaine produit en moyenne 180 pièces de Chardonnay chaque année : pour la première fois en 1997 Xavier Guillaume en a sélectionné 8 fûts pour en faire une cuvée de prestige en hommage à son père. Depuis cette cuvée « À mon Père » est issue d’une vieille vigne d’un seul tenant sur la commune de Gy. Située sur un contrefort de la Saône elle bénéficie d’un ensoleillement idéal et d’une exposition aux vents qui ricochent sur cette seule colline après près de 60km de plaine… Ce terroir jurassique unique dans la région offre donc les meilleures maturités mais aussi les meilleures acidités ! « À mon Père » 2011 est encore riche, ensoleillé, beurré avec une bouche puissante, fidèle au millésime. Mais on perçoit déjà son fond minéral cristallin avec fine pointe de chlorophylle. En devenir alors soyez patients : de toute façon ce vin n’est pas encore en vente puisque Xavier privilégie un vieillissement en bouteille de quelques années avant de rendre cette cuvée disponible sur le marché. « À mon Père » 2009 fait penser par certains aspects aux Chalasses de Jean-François Ganevat même si sur ce millésime chaud et riche , il manque un peu de punch en bouche. Cependant la trame aromatique du vin se veut complexe sur des notes de cacahuète, de foin et de pêche jaune. Enfin nous avons droit à une comparaison des plus intéressantes sur « À mon Père » 2005. Deux bouteilles de la même année mais bouchées de manière différente : et oui chez les Guillaume, rien n’est laissé au hasard ! La première bouteille est bouchée avec un obturateur de type Ardea Seal selon le même protocole que celui utilisé par le Domaine Ponsot à Morey-Saint-Denis depuis 2008. Le nez est superbe, patiné et complexe, Tel un Chassagne-Montrachet il s’ouvre sur des notes de citron confit, de miel avec une pointe mentholée. Son volume de bouche est saisissant, sa matière tantôt fruitée tantôt rustique et terreuse, est portée par une fraîcheur cristalline. A la fois frais et riche, ce vin vaillant et gaillard a tout pour concurrencer certaines appellations célèbres de la Bourgogne voisine. La deuxième bouteille est scellée avec un bouchon de liège. Déjà d’aspect visuel le tout paraît plus évolué ; le nez confirme une oxydation légère sur le miel et l’huile de lin. La bouche est plus maigre, moins gracieuse que le vin précédent même si le fond est fidèle à son grand terroir : la noix et le minéral concluent avec fraîcheur et sapidité. Xavier Guillaume nous avoue qu’il a du mal à trouver des bouchons en liège de qualité, d’ailleurs sa quête d’excellence a très largement limité ses sources d’approvisionnement. En effet la taille du bouchon ne suffit pas, il a dissuadé bon nombre de fournisseurs en allant jusqu’à les peser pour attester de leur qualité. C’est alors qu’il a ajouté des critères de poids en plus des critères de format : c’est du 49mm et du 4g, sinon rien !
La dernière partie de cette dégustation fait la part belle au Pinot Noir, l’autre passion de Xavier Guillaume. Nous débutons avec le Vin de Pays de Franche-Comté Pinot Noir Vieilles Vignes 2014. Un vin de fruit, pur et mûr, sur la cerise pulpeuse et d’autres fruits noirs. Il offre déjà du plaisir même si les tannins se poliront avec le temps. Dégusté en magnum son aîné de 2009 offre un nez plus évolué, empreint de richesse et de complexité. Très vif et puissant en bouche, je pense qu’il aurait allégrement bénéficié d’un élevage plus prolongé. La fin de bouche reprend des tons végétaux, sur la rafle de raisin, le cassis et la violette. Néanmoins la concentration du vin impressionne.
La collection « À Mon Père » se décline aussi sur le Pinot Noir dont nous dégustons à présent le Vin de Pays de Franche-Comté Pinot Noir « À mon Père » 2009. Il joue dans le même registre puissant et concentré que le Pinot Noir Vieilles Vignes dégusté juste avant, malheureusement le vin est complètement obscurci par le chili con carne servi en accompagnement. L’accord n’est pas des plus judicieux, dommage car le vin dévoile de belles promesses. « À mon Père » 2007 respire l’élégance : à la fois complexe sur le fruit et des notes animales, il allie une grande matière à des tannins fins, tel un Chambolle-Musigny sûr de sa classe. Des notes de ronce, de fruit noir et d’épices se conjuguent dans une finale puissante et chaleureuse, un poil de trop à goût… « À mon Père » 2005 est tout simplement le meilleur rouge de la soirée car il a tous les ingrédients d’un grand vin : la complexité aromatique (rose, Viandox, fruit rouge), des tannins enrobés, finement infusés et élégants ainsi qu’une longue finale fraîche et droite. Je me suis longtemps attardé sur ce superbe jus où tout est réglé comme du papier à musique. Ce Pinot Noir sort du lot, bravo ! Nous terminons avec « À mon Père » 2003 dont le fruit est très mûr mais sans excès. Le tout s’exprime même avec beaucoup de vivacité au palais même si l’on sent une pointe de chaleur en bouche. Le terroir redonne de l’élan dans une une finale calcaire, farineuse et singulière. Une très belle interprétation de ce millésime solaire.
In vino veritas