Le dernier week-end a été le théâtre de plusieurs belles dégustations entre amis, avec quelques très belles bouteilles : Champagne 1er Cru Les Vignes de Vrigny, Egly-Ouriet ; Château Léoville-Poyferré 1985, 2ème Cru Classé de Saint-Julien ; Auslese Cuvée 2005, Alois Kracher ; Chassagne-Montrachet Vieilles Vignes 2006, Domaine Vincent & François Jouard ; Pommard 1er Cru Les Epenots 2002, Domaine Mussy ; Acrux 2004, Vina Sutil.<br/ ><br/ ><br/ >
Vendredi midi. Nous avions une belle soirée prévue avec Fabrice, mon ami caviste, mais à cause d’un calendrier chargé pour certains des invités, nous avons dû remettre les hostilités à l’automne. La frustration de l’amateur de vin que je suis fut telle qu’il fallait faire quelque chose d’autre. Surtout que Yannick était lui aussi visiblement un peu deçu. Nous décidâmes alors de concocter une petite soirée fromage à l’improviste avec nos chéries. Mais en pleine pubication des résultats semestriels et en période de budget intense, je fus quelque peu contraint de laisser Yannick chercher le fromage chez le Maître (!) Antony, augurant tout juste un accord possible entre mon vin du soir et un Brillat-Savarin. Et quand je débouche la première bouteille en disant que nous pouvons passer à table, j’ai l’impression que mon conservateur de Yannick va s’évanouir. Et oui, il s’agit d’un Champagne 1er Cru Les Vignes de Vrigny, Egly-Ouriet. De couleur paille clair aux reflets brillants, il se caractérise par des fines bulles et un faible cordon. C’est en ce sens que ce vin est un compagnon idéal pour accompagner un Brillat-Savarin. Des notes de farine, de calcaire, de pomme, de fruits secs et d’amande grillée sont remarquables au nez, avant que l’ensemble ne titille le moelleux et le crémeux du fromage à merveille. De prime abord, il paraissait plutôt banal avant d’offrir une dimension digne de son pedigree avec plus de complexité et de suavité. Plutôt puissant c’est un vin brut, de caractère qui contraste bien avec toutes les expressions bulleuses simplettes que l’on trouve parfois en Champagne. Un Champagne de terroir quoi ! Honnêtement, je pense que mes compagnons du soir n’ont pas vraiment accroché, je dirais même que moi aussi je m’attendais à mieux, mais il est sûr que la prochaine bouteille de ce vin aura droit à une meilleure préparation.
C’est au tour de Yannick de sortir sa bouteille et force est de constater qu’il ne s’est pas moqué de nous. Le Château Léoville-Poyferré 1985, 2ème Cru Classé de Saint-Julien accompagne un trio de fromages plus affinés avec un Morbier, une Tomme de Savoie et un Saint-Nectaire. De couleur rouge profond aux nuances brunes, il semble délicat, fragile et plein de dépôt. Le nez ne recèle plus de fruit vif et croquant comme d’antan mais s’oriente vers des notes tertiaires de mine de crayon, de graphite, de cuir, de cèdre et d’épices. L’attaque en bouche est douce, avec des tannins résolus et des arômes similaires au nez. Délicat, léger, il semble avoir passé son apogée depuis 3-5 ans mais se débrouille encore bien et offre un bel accord à ses fromages de caractère. Un Saint-Julien traditionnel et léger ; connaissant le nom du vin mais pas le millésime, j’ai hésité longuement entre 1988 et 1985. Je n’étais pas tellement loin, mais après la bombe 1989 goûté il y a trois ans et pas encore prête à l’époque, il est remarquable de constater à quel point le millésime est tout aussi important que le terroir dans la capacité de vieillissement d’un vin. Merci Yannick pour cette découverte de prestige.
Audrey a pris le temps de préparer des petits desserts au chocolat qui accompagnent gentillement le Auslese Cuvée 2005 du regretté Alois Kracher. Autant vous le dire tout de suite, ce vin est un excellent rapport qualité-prix, encore faut-il pouvoir mettre la main dessus… Mais ceux qui connaissent ce vin savent que l’expression de fruit jaune mûr est parfaite, avec une certaine évolution par rapport à ma 1è dégustation exceptionnelle d’il y a deux ans (voir par ailleurs). En effet, en plus d’une couleur or plus marquée, des arômes de miel, de vanille et de fruits rouges viennent compléter la large palette aromatique de cette Vendange Tardive, peut-être moins fraîche et croquante qu’elle ne l’était dans sa prime jeunesse. Il n’empêche que ce vin moelleux reste un vin de fin de repas idéal pour tout le monde, surtout les filles…
Le lendemain, nous nous retrouvons avec Lio et Célia autour de deux jolies bouteilles. Il est vrai qu’après plus d’une heure d’attente de notre couple d’amis, nous avions soif. Une fois tous réunis, nous ouvrons la première bouteille avec quelques petits biscuits apéros puisque Lio et Célia s’étaient déjà employés à dévorer des amuses-bouche à un apéritif de mariage. Le Chassagne-Montrachet Vieilles Vignes 2006 du Domaine Vincent & François Jouard est un peu plus costaud que je pensais. Cette maison peu connue du village de Chassagne possède un patrimoine de vieilles vignes exceptionnel, allant du simple village au Grand Cru Bâtard-Montrachet. Après plusieurs années de revente au négoce bourgignon, les deux frères ont décidé de vinifier la majeure partie de leurs raisins, offrant des résultats surprenants (voir ici ma dégustation exceptionnelle de Chassagne-Montrachet 1er Cru Les Champs-Gain 2005, Domaine Vincent & François Jouard). Cette bouteille offre certes un registre de saveurs moins complexe autour des fruits blancs (poire), d’amande douce et de bois fin, mais il se distingue par une belle subtilité. Au palais il se montre étonnamment corsé et suave. A vrai dire j’attendais un peu plus de ce vin même si sa température de service ne fut pas optimale. Nous verrons lors de notre prochaine dégustation.
Mon ami Lio avait apporté une bouteille qui lui tenait à coeur, un flacon qu’il souhaitait ouvrir depuis longtemps. Adepte des dégustations à l’aveugle, toujours plus enrichissantes à mon avis, je me lance à la recherche de ce Pinot noir typique de par sa couleur, complexe et profond de par ses arômes. D’apparence rouge claire aux nuances rubis, il dévoile un nez pur et net de fruits rouges confiturés avec quelques notes boisées. En bouche, c’est un vin de caractère et complexe avec les arômes du nez auxquels s’ajoutent des notes typiques de sous-bois, d’humus et de cuir. Il représente un terroir de tout premier ordre, un Premier Cru pour sûr à mes yeux. Il en a aussi la matière, à la fois soyeuse et ferme, avec une maturité étonnante pour un millésime comme 2002. J’hésitais entre un Pommard et un Gevrey de la fin des années 90. Pas loin… Il s’agit du Pommard 1er Cru Les Epenots 2002 du Domaine Mussy : une bien belle bouteille. Merci Lio pour cette découverte qui est déjà pratiquement à maturité et qui se tiendra vraisemblablement encore au moins cinq ans.
A peine le temps de se remettre de cette dégustation spontanée et réussie que nous embarquons le lendemain pour une virée en trotinette dans le Jura Suisse, entre Glovelier et Saignelégier. Au cours de cette journée riche en soleil, en convivialité, nous sommes invités à prolonger l’anniversaire de Seb dans sa maison de campagne à Muespach. Autour de grillades et de salades préparés avec amour par ses parents, Seb nous sort (sous mes conseils) une bouteille qui a fait des ravages, une bouteille dont je vous ai déjà parlé lors d’un précédent commentaire (voir ici). Cette fois-ci, l’Acrux 2004 de la Vina Sutil était encore meilleur. D’une couleur sombre opaque, il livre sans demie mesure un éventail d’arômes mûrs de fruit noir, de fraise tagada, de tabac et de bois. Le tout séduit immédiatement par un toucher de bouche soyeux, fin et sexy mêlant des tannins ronds et mûrs à une fraîcheur remarquable due à cet apport judicieux de Syrah dans l’assemblage. Un vrai plaisir entre amis qui n’a fait que des heureux. D’ailleurs, l’affluence de commandes de ce vin est là pour témoigner du succès qu’il a suscité… à l’unanimité !
Quel beau week-end !
A bientôt sur in-vino-veritas.fr