In Vino Veritas

Tradition et modernité à Châteauneuf-du-Pape

Résumé d’une dégustation organisée par mon ami Fabrice (Au Monde du Vin) avec le concours de la FCVF (Fédération Culturelle des Vins de France) mettant en scène quelque uns des plus grands vins de l’appellation : Château la Nerthe blanc 2007 ; Château La Nerthe rouge 2005 ; Domaine de Marcoux 2004 ; Domaine de la Janasse Cuvée Chaupin 2006 ; Domaine du Vieux Télégraphe 2006.


Il est 19h et je lis encore mes emails avant de passer à table. Oh surprise, des nouvelles du Monde du Vin avec en prime une invitation à une dégustation de Châteauneuf-du-Pape à laquelle il fallait que j’aille ! Que Fabrice le sache, ce genre d’informations ont toujours la priorité… Je m’active et me dirige à toute vitesse en direction de Saint-Louis car le début des hostilités a lieu à 19h30. Je n’ai presque rien raté, à part peut-être les consignes de dégustation de ce groupe déjà bien formé qu’est le groupe Cabernet.

J’ai le plaisir de retrouver Fabrice, Fabrice, Vincent et tant de nouveaux visages que je me dis que la passion du Vin rassemble de plus en plus… Sous ma main, une petite introduction à l’appellation Châteauneuf-du-Pape concoctée par la FCVF et le programme présentant la logique de dégustation. Tout cela à l’air d’être bien ficelé !

Châteauneuf-du-Pape est une appellation que j’adore et dont j’ai entre autres découvert les trésors à la dégustation du Domaine de la Solitude 1990, une de mes toutes premières émotions Å“nologiques il y a bien longtemps maintenant, et bien sûr lors d’une magnifique dégustation de Châteauneuf-du-Pape 2000 l’an dernier avec Château de Beaucastel, La Croix de Bois de Michel Chapoutier ou encore la Cuvée des Cadettes du Château La Nerthe. Alors vous pensez bien que cette dégustation me procure d’avance une certaine émotion.

Tous les vins ont été carafés, judicieusement préparés par Fabrice et servis à l’aveugle. Nous commençons par le seul blanc de la soirée. Château La Nerthe blanc 2007 arbore une couleur jaune pâle brillant. Le nez explose de fruits (mirabelle, pêche, coing) avant d’évoluer à l’aération sur des notes d’agrumes (citron, pamplemousse) annonçant une évolution plus minérale et fraîche sur la pierre, les fleurs. Très joli nez frais et complexe. L’attaque est franche, ample avec une acidité soutenue. Le tout est riche, ample avec du volume et un gras remarquable en fin de bouche et une longueur chaleureuse. Un vin complexe, frais qui a beaucoup de personnalité. On est assurément en présence d’un grand de l’appellation. Bravo ! IVV : 90+/100.

La tradition

La dégustation se prolonge sur les vins rouges, avec 2 vins dans le respect de la tradition castel-papale. Le Châteauneuf-du-Pape 2004 du Domaine Pierre André est un vin rustique comme l’atteste d’amblée sa couleur rubis foncé au disque orangé. Le nez s’ouvre sur le fruit rouge très mûr, presque compoté de fraise et de pruneau, avec une pointe fraîche apportée par la Syrah. A l’aération, l’ensemble devient plus lourd, avec des notes boisées. L’attaque est franche, avec peu de volume au palais mais un corps très ample et des tannins fondus (Grenache). La finale est élégante quoiqu’un peu pataude. Le vin le moins en verve de la dégustation, mais aussi le plus vieux donc peut-être en évolution sur d’autres arômes plus tertiaires et typiques. IVV : 82/100.

Le Châteauneuf-du-Pape 2005 du Domaine Bois de Boursan est issu d’un millésime encensé pour sa puissance, sa structure, son équilibre. Son aspect visuel est beaucoup juvénile avec un rubis aux reflets clairs violacés. Brillance et glycérol annoncent fraîcheur et gras. Au nez, on est sur des petits fruits (baies), les épices (thym, romarin, basilic, laurier), le menthol, le fruit à noyau et le lys. Très beau et complet. L’attaque est moyenne, avant que le fruit, les fleurs puis les épices prennent le dessus. Les tannins nombreux mais frais annoncent un ensemble puissant, tendu. Plus abouti que le vin précédent mais aussi issu d’un millésime plus réussi, ce vin plutôt moderne est tout juste au début de sa carrière. IVV : 85/100.

La modernité

Quand je parle de modernité, c’est avec le vin suivant que je l’associe : le Côtes du Rhône  » Les Quartz  » 2006 du Domaine du Clos du Caillou. Alors pourquoi un Côtes du Rhône s’immisce-t-il dans une prestigieuse dégustation de Châteauneuf ? Et bien figurez-vous que les vignes bordent l’appellation et quoi de mieux que cette dégustation pour le confronter à ses prétendus aînés ? Il se démarque des vins précédents de part sa robe rubis sombre aux reflets violacés. Le nez est d’une fraîcheur incroyable ! Le cassis, la mûre, la cerise noire cohabitent avec le minéral, la violette avant une évolution plus animale. Fraîcheur encore au palais avec une orientation pulpeuse autour des fruits noirs et du menthol. Intense, profond, chaleureux, c’est assurément un Côtes du Rhône spectaculaire ! Et même s’il n’a pas (encore) la complexité de ses compagnons d’un soir, il offre un plaisir fou à la dégustation. Dommage qu’il n’en soit pas été ainsi avec le repas… Peut-être à cause de sa modernité ? IVV : 90/100.

Deuxième vin étonnant du soir, le Costières de Nîmes  » Marginal  » du Domaine Terre des Chardons 2007. Lui aussi est d’une couleur rubis sombre aux reflets violacés, mais est beaucoup plus fermé au nez. La clé à vin lui permet de s’ouvrir sur des notes fruitées et florales (rose, violette). L’attaque est ferme, avec des tannins encore bien présents et des notes de cassis, d’agrumes (citron). La finale est sur la pomme et le cassis. A vrai dire, ce vin ne m’a pas vraiment ému plus que ça mais je pense que j’étais encore sous le coup du vin précédent pour me concentrer vraiment sur celui-ci. Mais au vu du plaisir qu’en a retiré le groupe, je pense qu’il convient assurément de le regoûter après un carafage beaucoup plus long.

Les incontournables

Pour terminer, voici une dégustation de quelques stars de Châteauneuf-du-Pape. Nous commençons par le Domaine de la Janasse Cuvée Chaupin 2006. Cette maison fait partie des grandes progressions depuis les années 90 selon la Revue des Vins de France et quoi de plus beau que sa cuvée de prestige pour nous le démontrer. Sa robe rubis brillant aux reflets violacés annonce un vin jeune. Le nez est très aérien, pénétrant, sur des notes de framboise, cassis, pétrole. Je trouve ce vin encore tannique, puissant sur des arômes mûrs de framboise et de cerise, mais je n’oublie pas sa rondeur et son onctuosité. Il augure une longue garde qui lui permettra de dévoiler une palette d’arômes plus riche ainsi que d’assouplir ses tannins encore bien fermes. IVV : 88/100.

Disons le tout de suite, le Domaine du Vieux Télégraphe 2006 a été la grande déception de la soirée, ce qui prouve que ce millésime 2006 ne restera pas dans les mémoires en Rhône Sud. D’autant que j’ai le souvenir de 2005 magnifiques faits par les Domaines Brunier lors d’une dégustation en fin d’année dernière. La robe est rouge brillant aux reflets clairs. Le nez est friand (bonbon frais) sur les agrumes, les fruits rouges. L’attaque est franche, légère, élégante, avec une trame acide cristalline. La finale est moyennement longue sur les herbes de Provence. Certes le vin n’a pas de défauts, mais je m’attendais à plus de la part de ce domaine phare de l’appellation. Surtout à un prix caviste avoisinant les 50€ ! IVV : 88/100. Nettement en deçà de son pedigree, surtout comparé aux deux vins suivants…

Le vin de la soirée restera ce Château La Nerthe rouge 2005. Un grand millésime, un domaine phare et ça se sent. La robe est d’un rouge sombre et presque impénétrable. Très parfumé au nez, il conjugue race et élégance, avec une magnifique évolution sur la réglisse, les fleurs (violette), la cerise, la fraise. Le tout est très intégré. Superbe ! L’attaque est franche et dévoile un vin puissant, aux tannins encore un peu serrés, mais à la personnalité affirmée. La finale est longue, veloutée, sur une touche animale. Un vin d’une grande harmonie. Rien à redire, si ce n’est que La Nerthe s’est surpassée dans ce grand millésime, alors imaginez les cuvées de prestige !… A ne pas manquer ! IVV : 92/100.

Enfin, nous terminons par une maison certes moins connue du grand public, mais qui nous a offert un vin de classe ! Le Domaine de Marcoux est un précurseur en matière de biodynamie et a connu une magnifique progression sous l’impulsion de très bonnes critiques publiées dans les guides anglophones. Son Châteauneuf-du-Pape 2004 est d’une couleur rubis. Son nez est d’une grande précision et d’une grande race : le fruit (cerise, prune) est comme enlacé dans les épices (thym, romarin), on perçoit aussi la truffe ainsi que des notes automnales. L’attaque est fraîche, légère avant qu’un ensemble de grand volume ne s’impose avec une certaine puissance. La finale est éclatante, sur la prune, avec une acidité qui confère longueur et élégance. Un grand Châteauneuf de terroir. IVV : 91/100.

En somme, j’ai eu la chance de participer à une nouvelle grande dégustation de Châteauneuf-du-Pape. Entre tradition et modernité, plusieurs grands domaines sont soucieux de proposer la qualité requise par une appellation de renommée mondiale. Pour preuve, toutes maisons proposées ce soir travaillent la vigne avec respect (culture raisonnée, biologique ou biodynamique). Le grand souvenir de la soirée restera Château la Nerthe, dont les deux vins ont dominé la dégustation à côté du Domaine de Marcoux 2004 et de cet original Côtes du Rhône  » Les Quartz  » 2006 du Domaine du Clos du Caillou. Un grand merci à Fabrice et à tous mes compagnons de dégustation qui, je l’espère, prendront un aussi grand plaisir à lire ce billet que j’en ai eu à l’écrire.

In vino veritas
Thomas

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