L’association Passion Terroir s’est récemment rassemblée dans la capitale allemande afin de mettre en valeur la production des quelques 50 vignerons affiliés. A l’initiative de l’importateur français Sébastien Visentin, nous avons eu la chance de les rencontrer au cours d’une journée de dégustation marathon… Mais quand de grands vignerons comme Thierry Germain, la famille Clape ou encore André Ostertag nous font l’honneur de leur présence, pourquoi s’en passer ?
Passion Terroir est une des nombreuses associations de vignerons et distillateurs français. A l’instar des Gobeloteurs, les vignerons partageurs, de l’Union des Gens du Métier ou encore des Affranchis, ce groupement de producteurs s’engage pour le respect du terroir et des traditions au service de l’excellence des vins français. Il semble que cette tendance au partage et à la mise en avant de ces valeurs s’est grandement développée au cours ces dernières années. Elle correspond vraisemblablement à une prise de conscience collective que la production de vins de qualité se fait en accord avec la préservation de l’environnement. COP21, inspirez-vous !
En compagnie de Sébastien, Clément et Christian, nous sommes partis à la conquête de Berlin pour l’occasion. Il faut dire que la réunion de 2013 avec les vignerons membres de l’Union des Gens du Métier (UGM) m’avait laissé de si bon souvenirs qu’il était presque impératif de remettre le couvert (voir par ailleurs) ! Cette fois-ci, et en raison des incidents tragiques de Paris, la dégustation a été délocalisée de l’Ambassade de France vers une petite salle dans les quartiers nord de la ville. Au programme, pas moins de 50 vignerons soit bien plus que lors de notre dernière session berlinoise. Dans ces moments d’abondance, il est impératif de bien s’organiser et surtout de rester discipliné… Après plus de 5h d’exercice et plus de 80 vins dégustés, voici pêle-mêle quelques commentaires de dégustation avec les principaux coups de coeur de cette présentation des vins de Passion Terroir dans la capitale allemande.
Les Champagnes
Champagne Jacquesson. En la présence de Jean-Hervé Chiquet, ce domaine a le vent en poupe depuis quelques années, preuve en est avec les tarifs qui augmentent sans arrêt… Il n’empêche que le Champagne Extra-Brut N°738 fait figure d’épouvantail dans le paysage. Composé à 60% de Chardonnay puis à parts égales de Pinot Noir et Meunier, il propose un ensemble de fruit jaunes, de pomme ainsi qu’une bouche élégante, crayeuse et distinguée portée par une superbe salinité en finale. Le Champagne Premier Cru Dizy « Corne Bautay » 2005 est un Blanc de blancs de haut-vol, tout en suggestion, avec des accents minéraux (charbon, fumé, craie), une matière vineuse et saline. Il s’agit d’un des plus grands coup de coeurs du jour ! Enfin le Champagne Grand Cru Avize « Champ Caïn » 2005 joue dans un registre toujours aussi vineux moins exubérant que son accolyte. Il n’empêche que nous sommes en présence de grands Champagnes, peu ou non dosés qui ne sont que le pur reflet de leur sol !- Champagne Jacques Lassaigne. Une autre étoile montante de cette grande région, Emmanuel Lassaigne est un vrai vigneron, attaché à sa terre de Montgueux, ce petit village au vignoble isolé juste à côté de la ville de Troyes. Sur ses 3.5ha de vignes ce vigneron produit des Champagnes francs, exclusivement à base de Chardonnay. Nous commençons avec le Champagne Extra-Brut « les Vignes de Montgueux », assemblage de 3 millésimes (2012 à 2010), assez masculin et vif, idéal pour mettre les papilles d’équerre. J’ai ensuite été emballé par le Champagne Extra-Brut « La Colline Inspirée », élevé à 100% sur ses lies et en barriques bourguignonnes. Son très joli nez porte la complexité de son élevage, à la fois sur le fruit et l’amande. Profond, fruité et généreux en bouche, il est néanmoins porté par une bulle fine qui accentue cette sensation de fraîcheur ! Enfin le Champagne 2006, dégorgé en 2013, a bénéficié d’un vieillissement prolongé qui a contribuée à sa stature et à sa vinosité. Assagi, posé, ce Champagne masculin appelle un plat digne pour le représenter, d’autant que sa salinité et sa longueur sapide laisse une trace fraîche. Enfin que dire d’un vin confidentiel (1.600 bouteilles) présenté en marge de cette série par Emmanuel Lassaigne dans une bouteille scellée avec une ficelle comme ses ancêtres ! Le Coteaux Champenois « Haut Revers du Chutat » 2010 est un Chardonnay qui a passé 24 mois en barrique. Rond, généreux et boisé, il ne déborde jamais dans l’excès car le vin propose une fraîcheur et une acidité tranchante. L’équilibre est magnifique, les arômes boisés, patinés et torréfiés ne sont qu’artifices, la puissance et la tension de ce vin sont tout bonnement remarquables. Je comprends maintenant pourquoi Montgueux est surnommé le Montrachet de la Champagne… Bravo !
La Bourgogne
- Samuel Billaud (Chablis). Ce vinificateur hors-pair a cessé la collaboration avec son oncle au Domaine Billaud-Simon pour produire ses propres vins à partir d’achats de raisin (depuis 2009). Tous les vins dégustés en ce jour se distinguent par leur caractère subtil et aérien. Le Chablis 1er Cru Les Fourneaux 2014 allie le fruit acide et un côté exotique raffiné avec une très belle salinité en finale. Nous montons en gamme et en vieillissement avec le Chablis 1er Cru Mont de Milieu 2012. Elevé pour 40% en fûts, il couronne un millésime de grande densité, avec une matière portée par une malolactique encore perceptible. La matière est là, bien présente et exotique, de beaux amers prolongent le tout jusque dans une finale profonde. Très bon ! Enfin le Chablis 1er Cru Montée de Tonnerre 2012 provient de vieilles vignes (50 à 80 ans) situés sur un coteau bien exposé proche de la colline des Grands Crus… Le fruit blanc et exotique se distinguent dans un ensemble mûr et enrobé ; une tension minérale s’accentue en finale pour nous laisser une impression fraîche, sapide et suggestive. Samuel Billaud mérite d’être suivi de près !
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Domaine Jean Fournier (Marsannay-la-Côte). Sébastien Fournier est lui aussi une jeune star montante de la Côte de Nuits. La culture de ses vignes se veut biologique et privilégie la cueillette de fruits impeccablement mûrs. Progressiste et talentueux, ce jeune vigneron ne cesse d’essayer de nouvelles techniques pour atteindre la perfection (comme des tests de vendange entière par exemple). Son Bourgogne Pinot Noir 2013 est fait à partir de raisins égrappés et a vieilli 10 mois en demi-muids. Je retrouve d’emblée une concentration de fruit caractéristique du style maison mais toujours avec une acidité rafraîchissante. Le Marsannay Longeroies 2013 provient de sols calcaires tendres et d’une belle exposition au soleil et au vent. La maturité du raisin se ressent dans une bouche pulpeuse sur la cerise et les fruits noirs. Déjà accessible sur le fruit ce vin a de l’allonge sur de beaux accents salins. Superbe ! Enfin le Fixin Les Petits Crais 2013 est issu de vieilles vignes sur la commune voisine. 50% de vendange entière sur ce vin sanguin et viril qui puise son énergie dans un sol marneux et plus lourd. Le jus est précis, concentré mais toujours frais avec une petite touche végétale. Chez les Fournier, on fait des Côtes de Nuits, des vraies !
- Domaine Chantal Lescure (Nuits-Saint-Georges). Créé en 1975 ce domaine fait peu parler de lui mais s’est tourné três tôt vers l’agrobiologie sous l’impulsion de François Chavériat, le maître de chai. Il possède des parcelles choisies dans toute la région, de Chambolle à Volnay. Le Nuits-Saint-Georges 2012 est fait à base de 3 parcelles de plaine proches de Vosne-Romanée. Pour un village, je suis impressionné par la densité de l’ensemble ; il s’agit d’un vin sanguin, épicé et concentré qui laisse une trace fraîche en finale. Le Beaune 1er Cru Les Chouacheux 2011 provient de vieilles vignes au pied de la montagne de Beaune, sur un sol riche en oxyde de fer. Encore une fois la concentration acquise sur ce vin est admirable, les tannins sont charnus et terreux. Enfin le Pommard Vaumuriens 2010 reflète idéalement le carctère de cette terre hostile, située en altitude et exposée au Nord. Les sols marno-calcaires confèrent au vin son aspect froid et viril mais le fond du vin porte en lui un certain raffinement fruité et minéral avec une touche crayeuse irrésistible en finale. Un superbe vin et une belle découverte que je vous recommande !
Le Val de Loire
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Domaine des Roches Neuves (Saumur). Je n’ai pas pris de notes formelles au stand de Thierry Germain et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord je ne serais objectif face à la qualité des vins produits par Thierry, face à l’énergie de ce quarantenaire qui a non seulement dévergondé le Saumurois, mais aussi sublimé des terroirs oubliés au patrimoine séculaire. Et puis aussi car ce vigneron débordant d’enthousiasme vous sert les vins à la vitesse de la lumière tant il est submergé par l’afflux d’amateurs berlinois ! Toujours est-il que la qualité des jus servis par Thierry Germain est fidèle à mes dégustations antérieures (faites une recherches des autres références à ce vigneron sur ce site…) 2013 et 2014 sont de très beaux millésimes dans la région, d’ailleurs 2014 pourrait se démarquer comme une des meilleures années que le vignoble de Loire ait connue depuis longtemps. Certes les vins du domaine ne sont pas donnés mais ils figurent assurément au firmament des meilleurs de Loire et de France.
- Domaine Philippe Alliet (Chinon). Le jeune Pierre Alliet représente la 4è génération de ce domaine familial lors de cet évènement. Tous les vins présentés ont beaucoup de style et de fraîcheur avec des tannins raffinés et élégants qui habillent un Cabernet mûr. Déjà le Chinon 2012 est éclatant de fruit noir avec des nuances terreuses et épicées mais tout en souplesse ; le Chinon Vieilles Vignes 2011 a lui aussi beaucoup de fond avec une maturité plus poussée. Avec 10-15% de bois neuf, le Chinon « L’Huisserie » 2011 provient de vieilles vignes sur argiles à silex situées en haut de coteau. Son nez frais ainsi qu’une bouche aux tannins lisses et pulpeux évoquent presque un Pinot Noir dans l’expression. Quelle netteté, quelle fraîcheur ! Enfin le Chinon « Coteau de Noiré » 2011 est issu d’un coteau argilo-calcaire exposé plein Sud et est passé dans 30% de fût neuf. L’expression du Cabernet franc est ici bien plus nette avec une bouche juteuse, aux tons végétaux mais toujours une fraîcheur sous-jacente. Il s’agit d’un vin sombre, dense et puissant taillé pour la garde mais doté d’un extrême raffinement qui le rend déjà agréable aujourd’hui. Ce domaine est au sommet de cette belle appellation.
- François Chidaine (Montlouis-sur-Loire). Chez les Chidaine, c’est comme chez Thierry Germain, tout est excellent ! Manuela et François Chidaine ont sublimé le millésime 2014, d’après eux le meilleur qu’ils aient produit à ce jour. Tous les vins dégustés sortent du lot, avec pour ma part une préférence pour les Chenins secs : la trilogie Clos du Breuil 2014, Les Choisilles 2014 et les Bournais 2014 proposent une maturité de fruit alliée à une fraîcheur et une tonicité exemplaires. Ces vins sont déjà franchement irrésistibles à ce stade mais leur équilibre et la force de leur terroir les mèneront très loin ! Et que dire du rapport qualité-prix qui pour une telle qualité est absolument exemplaire. François Chidaine a créé une nouvelle référence en matière de Montlouis mais n’est pas en reste puisqu’il excelle aussi sur Vouvray et… avec deux vins espagnols que j’ai hâte de goûter… Bravo !
La Vallée du Rhône
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Domaine Georges Vernay (Condrieu). On ne présente plus cette propriété menée de main de maître par Christine Vernay et son mari Paul Amsellem, qui nous reçoit avec beaucoup d’humour ! Tous les yeux sont tournés les vins de ce domaine emblématique de la vallée du Rhône, d’autant plus que la famille a littéralement « sauvé » l’appellation Condrieu sous l’impulsion de Georges Vernay. Le Viognier « Pied de Samson » 2014 met déjà la barre très haute avec un ensemble friand et aromatique bercé par les fleurs blanches, la vanille, le raisin frais et la pêche blanche. Sa fraîcheur mentholée au palais est remarquable, le melon et le bonbon s’expriment avec joie. Ce vin est issu d’une vigne d’altitude (300m) récemment déclassée de l’appellation : elle porte le nom de Samson, le géant dont on dit qu’il a mis un pied sur la rive droite du Rhône afin d’y boire ! Le Condrieu « Terrasses de l’Empire » 2013 est l’archétype du vin de fruit, profond et frais. On joue dans un registre plus mûr avec des arômes précis de pêche blanche mais toujours avec une grande fraîcheur et de l’élégance. Le Condrieu « Chaillées de l’Enfer » 2013 provient d’une vigne plantée en 1957, a passé un an en barrique dont 1/4 de bois neuf. Encore discret à ce stade, il ne se dévoile que partiellement avec une grande maturité de fruit (pêche, abricot) portée par un fond opulent et amer. Il doit encore se faire mais il est bien né. Enfin le Condrieu « Coteau de Vernon » 2013 représente la quintessence de l’appellation, à la fois profond, puissant et porté par une maturité extrême (miel, fruit cuit, fruit rouge !) Perché au dessus de la propriété familialle (au doux nom de Vernon), ce coteau granitique aux pentes abruptes a été planté en 1938. On ne peut tirer le meilleur de ce vin a ce jeune âge, encore fougueux et puissant ! Il sera se bonifier dans les 10 prochaines années, aisément… Enfin la Côte-Rôtie « Blonde du Seigneur » 2013 nous donne un aperçu des vins rouges du domaine : sauvage et doté d’une grande concentration, je le trouve néanmoins un peu maquillé et surfait, cependant les tanins sont frais et la minéralité du terroir est sans égale. Il se fera avec quelques années de garde.
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Domaine Auguste Clape (Cornas). Ce n’est pas une surprise mais les vins de Pierre et Olivier Clape sont des modèles de classe. Le petit vignoble de Cornas est perché au-dessus du Rhône et n’est pas plus grand que le Château Lafite en superficie (environ 100ha) ! Le Côtes du Rhône 2014 provient de jeunes vignes sur sols aux galets roulés bordant le fleuve. Quelle fraîcheur de fruit sur ce vin, avec un éclat et une précision aromatique irrésistibles. On sent d’emblée toute la classe qu’imprime la famille Clape sur ses vins. Faites-vous plaisir ! Les jeunes vignes du domaine produisent le Cornas « Renaissance » 2012. Doté d’un fruit noir mûr et d’épices, il dévoile ûne belle structure fraîcheet des tannins bien enrobés. Je le trouve néanmoins un peu court mais la finale est finement saline. Enfin le fer de lance de la maison est le Cornas 2012, un vin au nez profond et complexe de cuir, fruit noir et de viande. La bouche poivrée en attaque précède un ensemble minéral de grande dimension, certes encore poussiéreux mais ô combien élégant. Les Clape font le Cornas à l’ancienne (vendange entière, vinification en cuve béton terroir par terroir puis assemblage et vieillissement en foudre alsacien – bon ça c’est spécial !) Ce Cornas est déjà divin et dotée d’une finale longue, aérienne et finement saline. On en redemande !
Les autres gagnants de la jounée
- Comte Abbatucci et Clos Canarelli (Corse). Une grande découverte que cette propriété du Sud de l’Ile de Beauté qui n’est autre qu’un véritable sanctuaire de la biodynamie et de la diversité des cépages. Sur 18ha, Jean-Charles Abbatucci rend hommage à son île et à son histoire en produisant de grands vins. Prenez par exemple l’Ajaccio « Faustine » rouge 2012 qui fleure bon la myrrthe, la cerise, le cassis avec un fond végétal. La bouche est élégante avec des tannins ronds et une finale fraîche (70% Sciaccarellu, 30% Niellucciu). L’Ajaccio « Ministre Impérial » Collection 2013 est un vin d’orfèvre, rare et cher au coeur de son géniteur car il porte un hommage à ces ancêtres. Cette cuvée de 7 cépages endémiques n’est produit que dans les années exceptionnelles, son élégance et sa complexité sont remarquables, sa sensualité est exacerbée par des notes divines de chocolat et de prune ainsi que des tannins lisses et gourmands. Miam ! A côté de Jean-Charles Abbatucci, Yves Canarelli représente une autre référence sur l’île, à Figari. Les deux acolytes débattent avec passion, le Figari Clos Canarelli rouge 2012 est un bel exemple frais, doté de beaux arômes de mûre et d’herbes de Provence. Les tannins sont un peu verts mais la fraîcheur est bien présente. Le Figari Clos Canarelli « Amphora » rouge 2014 va plus loin. Vin nature, doté de tannins patinés et frais, il glisse sans mal dans un final riche en fruit noir et rafraichissant. Pour finir, que dire du Vin de France « Terra d’Orasi » 2012 ! Issu d’une très vieille vigne de 130 ans dont plus personne ne voulait, ce vin atteint un degré de concentration impressionnant, tout en restituant toute la force du terroir avec une classe impériale. Napoléon aurait adoré !
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Domaine Arretxea (Irouléguy). Thérèse et Michel Riouspeyrous sont les fers de lance de cette petite appellation du Sud-Ouest ; leur gentillesse et leur passion sont absolument remarquables. Avec 8ha de vignes au pied des Pyrénées et exposés aux influences océaniques, ils parviennent à obtenir des maturités optimales. Après avoir été impressionné par la qualité des vins du Domaine lors de ma dernière dégustation, cette série de vins vient confirmer mon enthousiasme. Les blancs sont superbes, avec pour débuter l’Irouléguy « Hegoxuri » 2014 issu de Gros Manseng, Petit Manseng et Petit Courbu. Complexe, salin, gras et marqué par les agrumes et les fruits exotiques en bouche, il se conclut longuement par de beaux amers. J’ai eu un véritable coup de coeur pour l’Irouléguy « Pantxuri Ophites » 2013 qui est issu d’une parcelle d’un ami de la famille Riouspeyrous située sur un sol volcanique magmatique. L’aromatique que procurent les 2 cépages Gros et Petit Manseng initie la bouche avant que le fond de vin minéral et volcanique ne donne une dimension incroyable à l’ensemble. Ce vin aurait pu se nommer le « Rangen du Sud-Ouest » (sachant que Thérèse a des origines alsaciennes) ! La finale longue, chaleureuse et fraîche conclut superbement ce vin qui se bonifiera encore en bouteille. Impressionnant, et ce n’est que le 2è millésime de cette cuvée… Enfin l’Irouléguy rouge 2012, fait à partir de Tannat, Cabernet franc et Cabernet Sauvignon est un très beau vin rouge de caractère, fait de fruit noir et d’épices et de poivre et doté d’une fin de bouche fraîche. A quand la prochaine ?
- Domaine Olivier Pithon (Calce – Roussillon). Ce jeune vigneron, qui n’est autre que le petit-frère de Jo Pithon (vigneron en Anjou), fait de plus en plus parler de lui. Basé sur le terroir de Calce il travaille sur un des terroirs les plus perturbés qui soit : Calce est à la croisée des chemins et des temps, son sous-sol est si complexe et si nervuré qu’au sein d’une même parcelle, les schistes côtoient les marnes, les argiles et le calcaire ! « Un tel bordel n’existe peut-être qu’en Alsace », dit-il. Sur 19ha il produit des vins d’auteur dans l’aboutissement de sa liberté de vigneron. 4 cuvées sont présentées en ce jour : tout d’abord le Côtes Catalanes blanc « Cuvée Laïs » 2014 doté d’une grande matière mais tout en légèreté et en finesse, avec ce côté aérien qui selon lui est propre À la biodynamie. Le Côtes Catalanes blanc « D18 » 2013 provient de vieilles vignes de Grenache blanc et gris qui bordent la route entre Calce et le col de la Dona. La densité et la matière des raisins provient de rendements minuscules (10-15hL/ha) et est portée par un élevage de 12 à 16 mois en bois. L’équilibre acquis est superbe, avec une complexité d’arômes fruités, fumés ainsi qu’une richesse aérienne. En rouge le Côtes Catalanes « Cuvée Laïs » 2013 combine toute la diversité de cépages et de sols sur le ban de Calce, avec du Carignan, du Grenache, de la Syrah et du Mourvèdre. En résulte un vin frais, peu tannique et porté par une acidité digeste. 20% de vendange entière sur cette cuvée à la finale kirschée mais sapide. Enfin le Côtes Catalanes rouge « Le Pilou » 2013 fait office d’épouvantail avec ses vieilles vignes de Carignan de 130 ans perchées sur un plateau calcaire. La richesse du vin est balancée par un élevage de 18 mois en demi-muids. La quintessence de cette bouteille se construit autour de tannins veloutés d’une fraîcheur et d’une finesse magistrales. Olivier Pithon est un artiste, en plus nous avions la chance de partager sa table lors de la Paulée, pour notre plus grand bonheur. Merci !
- Domaine Ostertag (Alsace). Il fait toujours bon discuter avec André Ostertag, un vigneron iconoclaste, philosophe et avide de liberté. J’ai eu la chance de déguster quelques vins de sa production ces derniers temps, je retrouve sans cesse une certaine vérité dans ses blancs : que ce soit la vérité cruelle du Heissenberg ou encore la vérité sensuelle de son Clos Mathis. Biodynamiste convaincu, il s’est progressivement hissé au firmament des plus grands vignerons d’Alsace et de France. « La biodynamie est le contraire d’un acte commercial et marketing, car c’est d’abord une nouvelle approche du vivant, une façon sans doute plus juste de l’aborder car plus respectueuse de la vie. C’est une démarche de vigneron conscient de son environnement, désireux d’aller au bout de son terroir tout en le pérennisant », dit-il. Aujourd’hui j’ai beaucoup apprécié un Pinot blanc Barrique 2014 généreux mais tout en mesure, un Riesling Vignoble d’E (comprenez Epfig) 2014 sur le fruit mais doté d’une grande dimension minérale, un Riesling Fronholz 2013 sec, minéral et lumineux et taillé pour la grande garde. Enfin le Riesling Grand Cru Muenchberg 2014 marque un tournant dans cette folle journée de dégustation. C’est comme si le temps s’était arrêté, comme si le moment est à l’apaisement et au recueillement. Ce Riesling noble et racé est certes encore jeune et fougueux, sur des arômes primaires de fruit blanc et d’agrumes, mais il exprime d’ores et déjà une force tranquille et minérale. La fusion entre la force volcanique et la sensualité du grès est déjà palpable, elle sera parfaite d’ici 10 à 15 ans ! Un vin modèle !
Pour terminer, et avant de se préparer à la Paulée de Berlin 2015 (voir par ailleurs), nous sommes tous comblés. Ravis d’avoir découvert, ou redécouvert, certains grands vins de France lors de cette présentation unique de Passion Terroir.
In vino veritas