Pour la dixième édition du Salon des vins de Henner Marchand de Vin à Mulhouse, nous avons eu le privilège de rencontrer des vignerons passionnés qui nous ont servis de très belles choses. Pêle-mêle voici quelques coups de coeur : le Château Turcaud, le Domaine de Montgilet, le Domaine de Saint-Nicolas, Gilles Robin, le Domaine du Vieux Télégraphe, et bien d’autres…
Chaque année les Rencontres chez Georges Henner à Mulhouse sonnent comme un rituel pour tout amateur de vin dans la région. Certains d’entre vous se souviendront des éditions 2010, 2009 et 2007que j’avais commentées par le passé et qui avaient déjà suscité mon grand intérêt. Encore une fois et qui plus est pour son 10è anniversaire, la sélection du Salon fut à la fois très diverse et qualitative. Nous nous y rendons en début d’après-midi avec mes collègues Jean-Michel et Benoit pour profiter pleinement de toute la sélection. Malgré tous nos efforts je dois avouer que nous n’avons pas réussi à tout déguster, notamment les fameuses bières Uberach ou encore les Whiskies de la célèbre Distillerie Wemyss.
Sous ce grand chapiteau et par un temps très doux pour la saison les conditions de dégustation sont plutôt chaudes. Qu’à cela ne tienne nous tentons de nous rafraîchir d’emblée avec les vins blancs du Domaine Josmeyer. A noter lors de cette entame le Riesling Le Kottabé 2011 qui malgré un millésime difficile, propose un ensemble de belle facture mais plutôt strict, comprenez avec une acidité tranchante. Le Riesling Grand Cru Hengst 2010 nous fait entrer dans le vif du sujet grâce à son superbe nez qui allie le fruit mûr (presque surmûri avec de belles notes de pêche) et une minéralité déjà très affirmée : des notes de pétrole sont déjà présentes et annoncent une complexité naissante. S’en suit un ensemble puissant en bouche : ce vin est doté d’une acidité redoutable qui, alliée à une palette d’arômes complexe (herbes, pamplemousse), proposera des accords gastronomiques avec des poissons en sauce. Mais ce n’est définitivement pas un vin de débutants.
Nous faisons un petit passage à Chablis chez le Domaine Gilbert Picq. Tous les vins proposés sont issus d’un millésime 2011 plutôt difficile. Les vins du domaine ne voient pas un soupçon de bois lors de l’élevage, ce qui est surprenant quand on retrouve des notes vanillées et caramélisées sur le Chablis Vieilles Vignes 2011. La bouche est plutôt simple, élancée avec du gras et une minéralité sapide en finale. A noter aussi le Chablis 1er Cru Vaucoupin 2011 dans lequel l’on retrouve des notes lactiques et de vanille mais aussi et surtout des arômes racinaires qui suggèrent la trace de ce terroir du village de Chichée, au sud-est de Chablis. La bouche est gourmande et minérale et finit longuement grâce à cette touche de réglisse rafraîchissante. Ce millésime n’a peut-être pas donné la matière que l’on attendait néanmoins il s’agit d’une belle curiosité. Je me réjouis de goûter les 2012 de ce domaine après avoir rapidement essayé un Chablis En Vaudécorse 2012 plus tendu et très minéral, avec cette sensation de pierre mouillée qui donnera des beaux accords à table…
Premier coup de coeur de cette journée, le Domaine de Montgilet présenté par le sympathique Aurélien Talibard qui nous a, avant toute chose, présenté ses terroirs à schistes bleus qui sont essentiels à l’équilibre de ses vins. L’on retrouve ces terres schisteuses dans l’Anjou blanc sec 2012, issu à 100% de Chenin. A la fois frais, tendu et sapide en finale il offre une combinaison idéale entre les caractéristiques du cépage et de la terre où il est né. Ajoutez à cela un excellent rapport qualité-prix (8.20€) et vous avez trouvé votre prochain vin blanc de soif. Il offre une belle alternative à l’Anjou Bastingage du Clos de l’Elu qui est issu d’un terroir différent mais offre autant de plaisir. L’Anjou Villages Brissac rouge 2011 est un assemblage judicieux de Cabernet Franc et de Cabernet Sauvignon : son nez est clairement orienté sur le premier de deux car il offre des notes évidentes de poivron et de végétal avec un fruit mûr. Le Cabernet Sauvignon se ressent dans cette bouche pulpeuse dans laquelle fruits rouges et noirs s’entremêlent et sont portés par des tannins fondus. Il n’y a pas l’astringence caractéristique du Cabernet Franc dans une fin de bouche fraîche et onctueuse. Belle réussite ! Enfin nous avons réellement aimé les vins moelleux du Domaine : petite mention pour le Côteaux de l’Aubance 2012 qui est une belle entrée de gamme issue de raisins en surmaturation. Bouche riche et très fruitée. Mais le réel tour de force nous vient du Côteaux de l’Aubance Les Trois Schistes 2010 : 180g/L de sucre complètement intégrés à 4.5g/L d’acidité lui confèrent à la fois une gourmandise indécente et un équilibre majestueux ! Les notes de pâte de fruit jaune (pêche, abricot, coing), de fruits exotiques (ananas, passion) et de miel nous invitent à la découverte de ce bonbon dès le nez. Cette liqueur onctueuse et aérienne est tout à fait irrésistible en bouche et se prolonge sans aucune lourdeur. La maturité est parfaite (potentiel de 21.5% à la vendange !) et confirme le travail de sélection du raisin à travers plusieurs passages dans les rangs ainsi que plusieurs tries. L’acidité naturelle du Chenin ainsi que ce terroir exceptionnel sont les clés de la réussite indéniable de ce vin, en complément bien sûr d’un travail de grande qualité à la vigne. Je vous recommande vivement ce domaine ! Bravo !
Nous poursuivons notre tour de France en passant par les Fiefs Vendéens, cette petite appellation de l’extrême ouest de la Loire, tout prêt de l’Océan Atlantique, dans la région des Sables d’Olonne. Mickaël Michon représente la famille qui est à la tête de cette propriété, le Domaine de Saint-Nicolas, qui travaille en biodynamie depuis 1995 ! J’avais plusieurs fois entendu parler de ce domaine par les différentes offres que faisait Georges Henner à ses clients, il maintenant temps pour moi de goûter les vins rouges… Les Fiefs Vendéens Reflets 2012 sont d’après notre interlocuteur un assemblage à dominante Pinot Noir complété par le Cabernet Franc. C’est en me documentant sur le site du Domaine (voir ici) que j’apprends qu’il s’agit presque exclusivement de Pinot Noir complété de Gamay et de Négrette… En attendant confirmation je ne peux que donner raison à Mickäel car le Cabernet Franc me semble plutôt évident en bouche ; ajouté au Pinot Noir qui donne à ce vin des tannins souples et veloutés, ce dernier laisse une belle amertume en finale. Tous les vins rouges du Domaine sont issus de très faibles rendements, ce qui suggère la belle concentration des vins ainsi que leur couleur soutenue. Les Fiefs Vendéens Jacques 2008 proviennent à 90% de Pinot Noir : d’ailleurs le nez est déjà orienté sur le vieux cuir et la selle de cheval en plus de fruits rouges. La bouche est souple mais me semble un peu en surmaturité : elle n’a en tous cas pas l’équilibre parfait. Il convient de rappeler que le millésime 2008 fut loin d’être exceptionnel dans la région. Enfin la belle surprise nous vient du Fiefs Vendéens La Grande Pièce 2005 : issu de rendements minuscules (environ 20hL/ha) et déjà à pleine maturité, il offre un nez terreux, aux accents racinaires tel un vin de terroir qui s’affirme. Son fruité pulpeux en bouche n’a d’égal que sa richesse et sa fraîcheur. Ce vin de caractère à la fois racé et élégant développe aussi un registre aromatique complexe et sauvage. Sa finale est longue et fraîche, elle invite à des accords gastronomiques idéaux sur des gibiers par exemple. Une réussite originale, à un prix très intéressant par rapport à certains vins de Bourgogne…
Avant de terminer par la vallée du Rhône, laissez-moi aussi vous parler d’une perle que vous trouverez au Château Turcaud… Stéphane Le May nous a fait découvrir ses vins blancs issus de terroirs graveleux et argileux aux confins de la Garonne et de la Dordogne. Ces sols produisent certains vins blancs très qualitatifs comme l’Entre-Deux-Mers 2012 : ce vin de soif est idéal pour l’apéro ou sur un plateau de fruits de mer. En bouche cet assemblage de Sauvignon (60%) et de Sémillon brille par sa finesse, son gras mais aussi par sa vivacité : l’acidité du vin lui donne de la tension et de la sapidité, sa colonne vertébrale est parfaitement droite ! Si vous cherchez un vin de grande classe, un vin à moins de 10€ qui concurrence les plus grands blancs de Graves, vous aimerez sans aucun doute le Bordeaux Supérieur La Cuvée Majeure blanc 2012. Issu à 65% de Sauvignon blanc/gris et à 35% de Sémillon, il dévoile aux nez des notes complexes de fruits exotiques, d’abricot sec, de poire et d’épices (poivre, noix de muscade). La bouche est avant tout d’une grande délicatesse avec des belles notes exotiques puis une belle richesse au palais. Le boisé est présent mais très bien intégré : il confère rondeur et gourmandise, sur des notes de vanille et de noisette, mais sans excès ! La complexité est présente en fin de bouche ainsi qu’une superbe fraîcheur. Il faut regarder l’étiquette pour s’étonner du niveau d’alcool de 14.5%. Pas un instant vous ne soupçonnerez une telle richesse car le tout est superbement intégré. Un vin de grande classe : confrontez-le au Château Carbonnieux (que j’adore) à l’aveugle et vous verrez que le meilleur n’est peut-être pas le plus cher… Superbe !
Enfin spéciale dédicace aux vins du Rhône avec en particulier le Domaine Gilles Robin. Je reste sans voix après la dégustation des vins de Pierre Gaillard, qui ne furent réellement pas au niveau de leur prix et de leur renommée. Je reste pantois devant la qualité de la gamme de Crozes-Hermitage de Gilles Robin, ce producteur passionné et proche de son terroir. Il a partagé avec nous le fruit de son travail rigoureux que toutes les générations précédentes de ce domaine crée en 1920 ont lui ont transmis. Son Crozes-Hermitage Cuvée Papillon 2012 est un vin de fruit croquant, au potentiel immédiat qui est issu d’une Syrah mûre et pulpeuse. Les fruits noirs (cerise et mûre) sont bien présents avec une fraîcheur et une délicatesse toutes particulières. On monte en gamme avec le Crozes-Hermitage Cuvée Albéric Bouvet 2011 qui s’affirme sur des notes plus rustiques de viande séchée et de charbon en plus du fruité noir croquant. Il s’agit d’un assemblage de toutes les Syrah du Domaine : cette cuvée joue sur le fruit mais avec un élan de complexité et de profondeur supplémentaires qui se dévoileront après quelques années de garde. Pour finir le Crozes-Hermitage Cuvée 1920 2010 est un vin rare car il n’est produit que dans les grands millésimes. La texture de bouche et la délicatesse de cette Syrah sont à se pâmer, tout comme la concentration du fruit noir mêlé à une grande minéralité. Le passage des meilleurs raisins de ce millésime en demi-muids procurent à ce vin une belle rondeur. Sa race et son potentiel sont indéniables car malgré beaucoup de matière, le tout sait rester frais. Superbe vin avec beaucoup de vivacité et d’élan ! Initialement nous nous dirigés vers ce producteur pour comparer le Côte-Rôtie Rose Pourpre 2011 de Pierre Gaillard ; pour 20€ de moins, l’Hermitage 2010 est potentiellement un grand vin. Encore très timide au nez il met au grand jour des arômes de fruits noirs puis la lavande et plein d’autres notes épicées complexes. La bouche est riche, la matière est présente et charnue sur un fruit concentré et gourmand. Le vin a encore beaucoup de mâche, les tannins mûrs doivent encore s’assouplir même si sa race est sans équivoque. Son équilibre est majestueux car la matière est balancée par une superbe fraîcheur. Long, profond et complexe ce vin atteindra les sommets d’ici une dizaine d’années. Magnifique !
Les Vignobles Brunier sont représentés comme chaque année par la charmante Corinne Estadieu. En Gigondas les Pallières font habituellement figure de tête de file mais je ne fus pas vraiment impressionné par le Gigondas Les Terrasses du Diable 2011 : un peu surfait, avec beaucoup de concentration mais un minimum de fraîcheur et de minéralité. Les rendements sont pourtant très faibles et les raisins sont apparemment entrés dans un état sanitaire très satisfaisant, il n’empêche que le résultat dans le verre n’était pas à la hauteur du prix de cette bouteille, près de 25€… Les vins du Domaine du Vieux Télégraphe sont très souvent à la pointe de l’appellation Châteauneuf-du-Pape. En blanc le 2012 est encore extrêmement discret, cet assemblage à dominante Clairette et Grenache blanc fleure bon le soleil des vignes du plateau de la Crau, avec des fleurs et du fruit au nez et en bouche. Seul souci : son prix ! Le rouge 2011 est lui aussi dans une phase fermée qui suit la mise en bouteille. Le fruit est riche et mêlé aux épices, il est à maturité sans entrer dans un registre surmûri malgré une exposition méridionale sur le plateau de la Crau. Encore sur la retenue mais doté d’une complexité naissante, il fait preuve d’une grande stature et de beaucoup de profondeur à ce stade précoce de son évolution. Mais son coup de coeur est sans hésiter le Châteauneuf-du-Pape Piedlong 2011, nouvelle cuvée du Domaine provenant des plus belles parcelles de Grenache et de Mourvèdre des lieux-dits Piedlong et Pignan. Les raisins issus de ces terroirs entraient précédemment dans la Roquète rouge mais au vu de la qualité de ces parcelles, les rendements ont été réduits de 60% et les raisins entrent maintenant dans cette nouvelle cuvée entièrement dédiée à ce magnifique terroir. Ce superbe vin allie la richesse du fruit noir et des épices avec une élégance et une fraîcheur déconcertantes. Les terroirs Piedlong et Pignan se trouvent au Nord de l’appellation et savent garder cette fraîcheur si importante pour des vins aussi riches qu’à Châteauneuf-du-Pape. Cela fait quelques années que le maître de chai argentin du Domaine s’est passionné pour la diversité des terroirs du village et c’est avec grand plaisir que je découvre cette beauté, que nous avons longuement partagés avec Corinne Estadieu. La finale est longue et persistante avec une superbe petite note iodée. Quel fond ! Quel vin ! Un coup de coeur que je n’arrive pas à départager avec le Crozes-Hermitage 1920 de Gilles Robin: je crois bien que je vais devoir prendre les deux !
Pour résumer nous avons eu la chance de découvrir ou de redécouvrir tant de belles choses lors de cet après-midi que je n’ai que rapidement exposé mes expériences les plus marquantes. Mais il fallait bien deux jours pour passer en revue toute cette belle sélection de vins et de domaines, de ces femmes et ces hommes au service de leur terre et de leurs vins. Benoit m’a justement fait remarquer que nous avions dégusté environ 50 vins, ce qui relève de la performance. Mais je peux vous garantir que la diversité et la qualité de cette sélection valaient vraiment le détour. Merci à toute l’équipe Henner, et longue vie à ce Salon !