Au cours d’une belle soirée d’automne Christian nous a réunis chez lui pour partager ses plus beaux Riesling d’Alsace en compagnie de Jean Boxler, ami de longue date. Avec lui nous avons passés en revue bon nombre de Grands Crus alsaciens à la maturité différente, oscillant du Riesling Grand Cru Mandelberg 2010, Bott-Geyl ou encore le fameux Riesling Grand Cru Eichberg 2010, Emile Beyer aux plus vieux comme le Riesling Grand Cru Sommerberg 1990, Albert Boxler… Soit 20 ans de voyage !
Christian est un ami dégustateur de longue date avec qui nous avons avons déjà partagé d’excellentes bouteilles par le passé. Nos routes se sont recroisées récemment et c’est avec plaisir que je le revoie très régulièrement pour de nouvelles aventures viniques. Cette fois-ci nous avons parcouru l’Alsace à la découverte de ses multiples terroirs avec un fil conducteur tout au long de la soirée : le Riesling.
La bouteille suivante nous emporte dans l’univers des vins plus vieux. Sa couleur or, son expression fumée et ses notes minérales (presque volcaniques) sont portées par la Tarte Tatin puis des notes secondaires de champignon, de sous-bois et de céréales torréfiées : tel un Whisky ! La bouche brille par sa profondeur et sa distinction. Le fruit mûr s’est flétri (coing vieux), le terroir a pris le dessus et confère toute l’allonge à ce vin de garde qu’est le Riesling Grand Cru Sommerberg 1990, Albert Boxler. Un témoignage, encore vinifié par le père de Jean Boxler, qui démontre toutes les qualités de vieillissement de ce cépage lorsqu’il est sublimé par un grand terroir… Il est challengé par le Riesling Grand Cru Rangen de Thann Vendanges Tardives 1994, Schoffit à la robe tout aussi charmante et aux arômes de pâte de fruits, de cannelle avec une évolution mature malgré un léger défaut lié au bouchon. La bouche est légèrement déviante, malheureusement, mais somme toute intéressante car dotée d’une juste maturité. Il manque cependant d’originalité et de relief par rapport au vin précédent.
La dégustation officielle s’arrête là, avec trois coups de coeur : le Riesling Eichberg 2010 d’Emile Beyer, le Riesling Sommerberg « E » 2007 d’Albert Boxler ainsi que le Riesling Sommerberg 1990 d’Albert Boxler qui, signalons-le au passage, avait la mission de remplacer un Riesling Grand Cru Brand 1990 du même producteur bien bouchonné ! Quelques bouteilles supplémentaires sont encore proposées à notre retour dans le séjour pour accompagner un plateau de fromages puis le dessert. Par exemple le Riesling Plänzerreben de Rorschwihr 1996 de Rolly Gassmann est un vin d’une grande distinction avec ses notes d’agrumes et d’ananas. Quelle jeunesse et quelle puissance en bouche ! Les arômes du nez se retrouvent au palais rehaussées de traces de cannelle et d’épices. Ce producteur construit assurément des vins taillés pour la garde car il n’hésite pas à souffrer généreusement lors des mises. Ce vin d’une jeunesse éclatante en est l’exemple parfait mais il a su conserver toute sa droiture et son fruit sans altérer sa pureté. Puis le Riesling Vendanges Tardives 2007 de José Ebelmann, producteur renommé pour ses vins moelleux sur les pentes du Grand Cru Zinnkopflé de Soultzmatt, brille par ses notes de fleurs et de fruits exotiques avec un petit fond acidulé (tel un bonbon Arlequin !). La bouche vive et énergique en attaque s’allonge finement sur le citron confit pour supporter la matière liquoreuse, même si le tout est un peu pataud en fin de bouche.
Nous terminons ce voyage en Alsace par le Tokay Pinot Gris Sélection de Grains Nobles 1989 du Domaine Hugel. Sa robe brillante vire sur l’acajou, son nez patiné par les âges offre une multitude de nuances de cannelle, de figue confite, de bois noble, de tabac enrobé de miel, de sirop d’érable et de cire. La bouche respire la pureté et la maturité d’un grand vin. Issu de cette année mémorable pour laquelle la maison historique de Riquewihr a fêté sa 350è vendange et prolongé la récolte jusqu’au 9 novembre (!) cette SGN bénéficie de la finesse et de la minéralité de son terroir calcaire du Sporen. Sa suavité et sa rondeur patinée sont portés par la caramel mou, le thé et le miel avant que la fin de bouche, grasse et gourmande ne fasse ressortir de grands amers qui nous invitent à en boire encore et encore. Avec un degré potentiel de 21.7°, on entre dans le monde des grands liquoreux qui grâce à leur équilibre divin nous invitent à l’éternité ! Dommage que son concurrent du soir, le Clos Naudin 1989 du Domaine Foreau, ait été frappé par un goût de bouchon car nous aurions touché là aux sommets des vins blancs sucrés de France…
C’est avec ces vins liquoreux que nous clôturons cette soirée alsacienne dédiée à l’un des plus grands cépages blancs au monde : le Riesling. Une ode à la gastronomie et aux terroirs multiples de cette région encore méconnue mais à la force singulière. Merci de tout coeur à Christian pour son invitation à cette dégustation et à notre groupe d’un soir pour sa convivialité et son amour du vin.
In vino veritas