Le Domaine Rominger est une des étoiles montantes en Alsace. Notre ami Jean-Michel y a organisé une superbe dégustation avec pour thème le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle décliné en 10 millésimes. Résumé d’une journée riche en plaisirs.
A peine rentré d’une escapade professionnelle dans les pays du Sud de l’Europe, je n’ai que très peu de temps pour me préparer à une très belle initiative de la part de mon collègue dégustateur Jean-Michel et son ami vigneron Eric Rominger. Déjà évoquée depuis longtemps, cette dégustation a eu lieu au Domaine Rominger à Westhalten en la présence d’une belle quinzaine de dégustateurs parmi lesquels mes chers amis Seb et Benoit.
Cette « Journée 20 » comme on serait en droit de l’appeler, a débuté en milieu de matinée au pieds des raides coteaux du Grand Cru Zinnkoepfle à Westhalten. Avec Seb nous sommes les derniers à arriver, mais comme vous pouvez l’imaginer, nous ne serons pas les premiers à repartir… Nous avons à peine le temps de nous mettre à table qu’Eric, le maître des lieux, nous propose un petit historique de son domaine. Originaire de Bergholtz, la reprend 3ha du domaine familial sur les coteaux de la commune (Grand Cru Saering, lieu-dit Schwarzberg). Ingénieur de formation, il s’essaie peu à peu à des pratiques naturelles et conduit aux fil des ans son vignoble selon les principes de l’agriculture biologique. Il achète aussi plusieurs hectares de vignes dans le célèbre Grand Cru Zinnkoepfle, avant de s’installer à Westhalten en l’an 2000. Certifié bio depuis 10 ans, il n’a cessé d’agrandir son vignoble grâce à l’acquisition en 2003 de plusieurs parcelles au coeur de la Vallée Noble (Grand Cru Zinnkoepfle, lieux-dits Luss et Strangenberg). Il possède aujourd’hui 12 ha de vignes : Eric est un homme pragmatique et amoureux de son travail. C’est pourquoi il prend encore beaucoup de risques dans les vignes, échange beaucoup avec ses amis vignerons et plus particulièrement son voisin Matthieu Boesch dans l’application des principes bio-dynamiques.
Ses vins sont l’expression des terroirs qu’il exploite avec justesse et fidélité. Son Riesling 2010 est issu d’un assemblage de lieux-dits et recherche une expression d’un Riesling classique. Sa couleur jaune pâle brillant précède un nez riche en agrumes mûrs et en gelée de coing. La bouche est minérale, avec une acidité vive et une belle fraîcheur (bonbon à la pomme, citron vert).
Le Riesling Schwarzberg 2010 est issu d’un terroir gréseux sur la commune de Bergholtz. D’une couleur plus soutenue, il s’exprime sur les fleurs blanches et la pâte d’amande. L’élégance s’allie au fruit dans une bouche harmonieuse et droite. J’aime beaucoup ce style de Riesling expressif mais veloutée et caressant au palais. Malgré une finale moyennement longue, il est déjà très bon à boire aujourd’hui après une heure de carafe. Mais bien évidemment, il gagnera en complexité dans les 2-3 prochaines années. A garder pour une terrine de poissons…
Après cette belle entrée en matière, nous nous attaquons aux pentes du Zinnkoepfle. Ce Grand Cru d’Alsace est protégé des vents dominants et des pluies par le massif vosgien ; son exposition plein Sud et son sol calcaire coquillé permettent d’élaborer des vins puissants et profonds, avec une belle tension sur les millésimes plus tardifs. Et je ne vous parle pqs de la célébrité de ce terroir pour les Vendanges Tardives… Le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle 2010 arbore une robe à la couleur plus profonde que les deux vins précédents, qui atteste d’une vinification sans adjuvant et très peu de souffre. Le premier nez fumé précède une complexité discrète à ce stade : pamplemousse, orange sanguine. Le tout ne demande qu’à se développer ! L’attaque est ample et l’on retrouve beaucoup de volume en bouche. Malgré un léger goût de bouchon perceptible en fin de bouche, on ressent tout le potentiel de ce grand Riesling droit, vif et élégant. C’est la deuxième fois que je déguste ce vin (après la Journée des Grands Crus d’Alsace 2011 – voir par ailleurs) et je ne doute pas que ce vin ira loin !
Issu d’un autre grand millésime, le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle 2008 démontre déjà une superbe complexité : fleurs blanches, rose, épices (cumin, anis étoilé), agrumes, minéral. La matière, l’intensité et la sève d’un grand vin se retrouvent en bouche dans une ambiance harmonieuse et juteuse. Même l’acidité est élégante et précède une fin de bouche complexe et épicée (poivre, cumin). J’ai été tellement curieux de comparer le 2008 et le 2010 dans une dizaine d’années que j’ai acheté les deux ! Bravo !
Le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle 2005 provient d’un millésime mûr et ensoleillé. Le nez est presque gourmand et exotique : le bonbon Arlequin, la pêche, la mangue, le fruit de la passion couvrent des nuances épicées rafraîchissantes (fenouil, cumin). Solaire et puissant, il n’en reste pas moins velouté en attaque, avant qu’une minéralité fumée ne vienne trancher la deuxième partie de bouche. Les épices reviennent alors au premier plan et supportent tout l’équilibre de ce grand vin à maturité. Il est aujourd’hui au top de sa forme et vous donnera entière satisfaction sur une viande blanche à la crème.
L’équilibre est bien aussi le maître mot à la dégustation du Riesling Grand Cru Zinnkoepfle 2002. Des notes de confiture de lait, de beurre et de brioche s’effacent au fur et à mesure pour laisser place à une belle harmonie olfactive. La bouche est ample et majestueuse, de belle maturité avec une pointe acidulée au palais. Le beurre salé réapparaît en finale pour laisser une belle impression sapide et digeste.
Nous avons dû goûter deux bouteilles du Riesling Grand Cru Zinnkoepfle 2001 car la première faisait preuve d’une légère oxydation. Ouverte en dernière minute, la bouteille de substitution se révèle de manière très discrète (miel, pêche confite). En bouche, c’est le raffinement qui parle. Mais quoique légèrement court en fin de bouche, il n’en reste pas moins un vin de terroir qui a pris une belle orientation minérale à ce stade.
Nous continuons notre voyage dans le temps avec le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle 1998. Le nez s’ouvre sur le caramel brûlé, le miel, la vanille ainsi que la fleur d’acacia. La bouche prend un accent solaire et dévoile à la fois une grande amplitude et une matière chaleureuse. Quel volume ! On reprend les arômes du nez avec une superbe profondeur minérale. On pourrait reprocher à ce vin, comme à son compère de 2005, de manquer légèrement de tension pour en faire un grand vin, mais il n’empêche que sa finale ample et profonde en fait un très très beau Riesling.
Nous achevons cette verticale avec le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle 1996. Il s’agit d’un vin passionnant, à l’image des Riesling de ce millésime très particulier en Alsace. Dans leur prime jeunesse, les Rieslings 1996 affolaient les compteurs à cause de leur haut niveau d’acidité. Après 15 ans de bouteille, ce vin de garde a pris des arômes d’oignon confit, de caramel et de champignon. Il s’agit d’un vin droit comme un i, avec une superbe fraîcheur. Cette vivacité réapparaît 1 minute plus tard en fin de bouche. C’est un vin passionnant, qui trouvera sa place en accompagnement de poissons grillés.
Cette grande verticale est l’occasion unique d’apercevoir toute l’évolution d’un grand vin de terroir, comme ce Grand Cru Zinnkoepfle. Pour ma part, elle a permis de consacrer tout le travail d’Eric Rominger sur cette noble terre. Et je peux vous dire que plus le temps passe, plus ce domaine produit des vins précis et fidèles à leur terroir. Les pratiques de ce vigneron passionné paient d’année en année et je ne saurais que trop vous recommander cette adresse. Les Rieslings Grand Cru Zinnkoepfle sont encore en vente sur les millésimes 2008 et 2010 à un prix alléchant de 15€ environ…
Avant de passer à table, nous avons encore le privilège de déguster le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle SGN 2005. A 66g/L de sucres résiduels pour 13.5% d’alcool acquis, ce vin exhale de belles notes d’abricot, de litchi, de cire d’abeille, de cannelle et de badiane. Son attaque est vive et l’on retrouve une palette complète d’arômes d’orange confite, de caramel, de cannelle et de fleur confite. Personnellement, je m’attendais à plus d’explosivité en bouche même si la matière est là. Le Riesling Grand Cru Zinnkoepfle SGN 1998 est un peu la même illustration que son cadet malgré une belle fraîcheur.
Il n’empêche que le Domaine Eric Rominger est une étoile montante du paysage viticole alsacien. Déja sacré vigneron de l’année par la RVF il y a quelques années et présent dans tous les guides de vin, il y a fort à parier que sa popularité ne sera sans cesse croissante. Que ce soit lors de cette dégustation ou lors de la Journée des Grands Crus d’Alsace, j’ai été bluffé par ces superbes Rieslings, surtout par les derniers millésimes. Et à des prix défiant toute concurrence, laissez-vous tenter !
Merci Claudine ! Merci Eric ! Merci Jean-Michel !
Domaine Rominger : http://www.domainerominger.fr
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