Afin de fêter dignement notre 100è commentaire sur www.in-vino-veritas.fr, j’ai songé à une nouvelle Dégustation Prestige avec mes proches et plein de grands vins tous issus de ma cave personnelle. En plus de celà, nous eûmes le privilège de goûter à la cuisine raffinée de mon ami cuisinier Raphaël Lacosse. Quelle belle soirée autour des vins suivants : Champagne Grand Cru Blanc de Blancs vers 1990, Billecart-Salmon ; Chablis Grand Cru Les Clos 2001, William Fèvre ; Pinot Gris Grand Cru Muenchberg « A360P » 2003, Domaine Ostertag ; Clos des Lambrays Grand Cru 2002, Monopole du Domaine des Lambrays ; Château de la Tour 1999, Clos-Vougeot Grand Cru ; Domaine de Chevalier 1983, Grand Cru Classé de Pessac-Léognan ; Tokay Pinot Gris Altenbourg Vendanges Tardives 2000, Domaine Weinbach.
Voici le 100è commentaire ! Déjà ! Quoi de mieux qu’une nouvelle édition d’une Dégustation Prestige… Déjà plus de trois ans que ce site dédié à la passion du vin et du partage existe, déjà tant de vins dégustés et encore tellement de projets ! Comme par exemple ce nouveau concept alliant grands vins et cuisine de chef, à l’image de ce samedi soir où j’ai eu le privilège de rassembler tous mes amis autour de plats préparés de main de maître par mon cuisinier préféré Raphaël Lacosse. D’habitude plutôt orienté vers la pédagogie à l’occasion de ses cours de cuisine dispensés dans un grenier de la banlieue bâloise que je tiendrai secret (!), il s’est pleinement consacré à nous concocter un Menu de Prestige autour de vins judicieusement selectionnés par le sommelier de la soirée…
Il est 18h30 quand les premiers invités arrivent et il est tant pour moi d’ouvrir les premières bouteilles de la soirée. Au fur et à mesure que les convives arrivent et (re)fassent connaissance, je m’attèle à la préparation du seau à glace qui accueille une petite gourmandise à bulle dont l’âge exact est inconnu. Le Champagne Grand Cru Blanc de Blancs vers 1990, Billecart-Salmon offre une entrée en matière légère mais délicieuse. D’une couleur jaune plutôt dorée, il se mue tantôt en un vin charmeur mais pleinement doté de caractère. Il offre une palette aromatique intéressante, sur le fruit blanc mûr puis des notes plus briochées mais discrètes. La longueur du vin est très bonne tout comme la finale légèrement grasse et doté d’une acidité modérée. Son extrême buvabilité associée au nombre de convives présents ne nous laissent que peu de temps pour l’apprécier (surtout au vu de la descente de notre ami Arnaud…) mais j’avoue que ce Grand Cru de Champagne tient pleinement son rang.
Les deux premiers amuse-bouche nous sont servis par Raphaël, tout d’abord une galantine de pintade farcie puis une brochette crevette-tomate sur lit de petits légumes thaï tous deux très réussis et qui jouent on ne peut mieux leur rôle de mise en bouche. Avec ceux-ci, nous entamons le Chablis Grand Cru Les Clos 2001 de William Fèvre. Autant le dire tout de suite, j’ai été agréablement surpris par ce Grand Vin issu d’un millésime plutôt décrié dans le Chablisien. Ouvert deux heures à l’avance et non carafé, il exhale des notes complexes de minéral, de mine de crayon avec une pointe de fleurs blanches et de noisette. Très belle fraîcheur au nez avant que le vin ne prenne une nouvelle dimension plus puissante en bouche, plus chaleureuse dirais-je même avec un équilibre acide de premier ordre. La finale est longue et minérale sur des notes d’agrumes ; et même si l’ensemble manque un poil de précision et de focus en fin de bouche de par son acidité, ce vin n’en reste pas moins très savoureux et plutôt gouleyant pour un Chablis. Vraiment excellent et avec un potentiel d’évolution certain sur les 5 prochaines années, il fait partie des meilleurs vins du Chablisien que j’ai eu la chance de déguster. C’est une fois de plus du beau travail de la part de cette célèbre maison de Chablis. IVV : 93-94/100.
Il est maintenant temps de passer au Menu du soir proprement dit. Je laisse un peu de cet excellent Chablis dans mon verre pour cette magnifique entrée qu’est cette nage de Saint-Jacques, poireaux confits et truffe. Nous nous pavanons tous devant la cuisson des coquillages mais félicitons le Chef surtout pour cette sauce aux truffes d’un parfum et d’une texture exquis. L’accord avec le Chablis est grand, dommage qu’il ne nous en reste que si peu. Une fois le plat bien entamé, je décide de servir le Pinot Gris Grand Cru Muenchberg « A360P » 2003 du Domaine Ostertag qui est à vrai dire une des curiosités de la soirée. Autant vous dire tout de suite qu’aucun des dégustateurs n’a ne serait-ce qu’un instant songé à un vin d’Alsace, s’orientant vers des vins bien plus méridionaux… A juste titre puisque son nez charpenté, doté d’arômes de fruits blancs, de melon, de noix et de colle est plutôt atypique. L’attaque en bouche est douce et le tout s’affirme au palais avec un caractère digne d’un grand vin de terroir. Ouvert deux à l’avance et carafé une demie-heure avant le service, il s’affirme avec des belles touches de minéral et les fruits jaunes se laissent deviner au deuxième plan derrière une marque boisée typique des vins d’Ostertag. La finale est marquée par le terroir granitique et affirme un peu plus ce vin sans fioritures qui aurait peut-être mérité plus d’aération. IVV : 89/100.
Après une petite pause, l’heure est au vin rouge. Nous servons le Clos des Lambrays Grand Cru 2002, Monopole du Domaine des Lambrays en intermède. C’est la première bouteille de ce millésime que j’ouvre et je résumerai les qualités de ce vin à un seul qualificatif : l’élégance. C’est assurément le plus charmeur des Lambrays que j’ai dégusté à ce jour. Sa robe rouge annonce un bouquet subtil de fleurs séchées, de fruits rouges (fraise, cerise, groseille) et de mûre. L’évolution est discrète sur de légères notes de sang séché, d’encre, les épices et le cuir. Délicat dès l’attaque, sans aucune agressivité, il glisse sur le palais avec élégance et distinction en laissant une marque acide subtile qui retranscrit une certaine fraîcheur. Il n’en reste pas moins un Grand Cru avec une certaine matière qui est atténuée par une acidité juteuse et sapide. La finale est d’une élégance folle ! IVV : 92/100.
D’ailleurs, la brochette de veau et cèpes, risotto aux champignons propose un accompagnement idéal car la viande est tout aussi juteuse et rosée à coeur. D’un autre côté, le Château de la Tour 1999, Clos-Vougeot Grand Cru offre une contrepartie plus virile à l’élégance du Clos des Lambrays. D’une couleur plus soutenue et issu d’un millésime célèbre pour son grand potentiel de garde, il dévoile des notes plus mûres de fruits noirs compotés, de cacao, de sauce Worcestershire et une touche boisée. L’assemblée s’oriente d’emblée vers une Côte-Rôtie, mais c’est bien une vraie Côte-de-Nuits qui fait notre bonheur. En effet après un début plutôt fin sur la réglisse, le tout gagne en ampleur au palais sur des notes compotées et des évolutions plus tertiaires. Quelle classe en bouche ! L’arrière-bouche gagne en minéralité, avec une acidité sous-jacente qui confère une longueur et un caractère extrêmement digeste à ce grand vin de terroir. La finale est longue, puissante, généreuse et finit en queue de paon sur l’amande, la fumée et le fruit rouge mûr. Un vin exceptionnel qui donne une autre dimension au plat, mettant en avant le caractère sauvage des champignons et le moelleux du risotto. Superbe ! IVV : 95/100.
L’émotion est là, l’ambiance aussi, tout se passe comme sur des roulettes ! Je suis d’autant plus heureux que ce plan se déroule sans accrocs que le stress de ne pas satisfaire mes invités fut bien présent durant toute l’après-midi. Et même si je ressentais une certaine appréhension à l’ouverture du Domaine de Chevalier 1983, Grand Cru Classé de Pessac-Léognan, je fus plus ou moins rassuré de la prestation du plus vieux vin de la soirée en accompagnement d’un plateau de trois fromages (Colommiers, Pont-l’Evêque et Tomme de Savoie) soigneusement préparé par Jean-François Antony. Nous distinguons d’emblée la grande différence de couleur entre ce vin et ce superbe Clos-Vougeot (que je ne veux pas finir…) Bien plus profond avec des nuances plus brunâtres, il dévoile tout de suite une idée quant à son âge. Le nez aussi est plutôt sur le fruit rouge mûr, avec une évolution progressive sur le tabac, le cigare, la terre, l’iode et le métal. La bouche est douce, sur les notes du nez plus une touche de goudron. Les tannins caressent le palais avec une légère note crayeuse mais dans l’ensemble, ce vin se comporte très bien vu son âge et son pedigree car il procure encore du fruit et de ce fait une certaine jeunesse. La finale est longue avec des tannins encore bien présents, mais je conseille de le boire maintenant afin de profiter encore de tous ses atouts. Une excellente réussite en Graves qui à mon avis titille sans complexe le grand Château Haut-Brion (d’après mes souvenirs de dégustation en 2001…) dans ce millésime-là. IVV : 90-91/100.
Nous passons déjà au dessert, d’ailleurs certains invités pensaient vu le tempo que j’avais prévu un deuxième service… Mais ils savent aussi et surtout que lors d’une si belle soirée, le temps passe bien plus vite que d’ordinaire ! Les estomacs sont déjà bien remplis et les bouteilles déjà bien vides. C’est là qu’arrive le Tokay Pinot Gris Altenbourg Vendanges Tardives 2000 du Domaine Weinbach en accompagnement d’une mangue caramélisée à la passion, fruits exotiques et crème glacée à la vanille. D’une robe dorée limpide aux reflets brillants, il s’ouvre sur les fruits confits, le miel et l’abricot. L’attaque est douce avec un équilibre acide excellent et une belle minéralité qui supporte idéalement le fruit confit et les 80g/L de sucre résiduel. La finale est gorgée de fruit jaune, avec une amertume légère et un côté rôti qui me fait penser à une association idéale sur un foie gras poêlé ! J’ai longuement hésité à placer ce pinot gris sur ce dessert au profit d’un gewürztraminer. J’avoue que si c’était à refaire, j’opterai pour ce dernier choix même si le pinot gris passe très bien sur la mangue. Dans tous les cas, ce moelleux sans lourdeur et riche en fruits jaunes mûrs ponctue de fort belle manière cette dégustation de choix. IVV : 91/100
Le moment des remerciements est arrivé et je pense sans conteste que tous les convives du soir s’associeront à moi pour remercier la succulente cuisine de Raphaël, en plus de son extrême sympathie. J’espère de tout coeur pouvoir à nouveau profiter de ses talents de cuisinier lors d’une prochaine soirée. Les vins quant à eux ont été dignes d’une Dégustation Prestige, en particulier cet excellent Chablis Les Clos et ce grand Clos-Vougeot du Château de la Tour.
Alors que certains reprennent prudemment la route, d’autres se glissent sous la couette de l’Hôtel de la Fontaine…
Un grand Merci à tous et longue vie à ce site !
In vino veritas
Thomas