Décidément je l’aurais bien décrypté ce millésime 2012 tout au long de cette année : tout d’abord aux Grands Jours de Bourgogne (voir ici), ensuite à Saint-Gall chez l’importateur suisse Martel puis rapidement lors de ce samedi alors que je n’avais que 2 heures pour découvrir la gamme de mon collègue Simon Hess pour le compte de la maison Siebe Dupf à Bâle. J’ai d’ailleurs aussi compris que les oenophiles helvètes vouent une adoration toute singulière à ce superbe vignoble qui n’est après tout qu’à une poignée d’heures de route…
Autre star montante de la région, David Duband trace sa voie du succès d’année en année. Vous avez certainement déjà pu lire son portrait sur ce blog, force est de constater que ses vins portent en eux la marque de leur terroir. Le Nuits Saint Georges 2012 par exemple, égrappé pour moitié, est gouleyant à souhait. A la fois long, sauvage et sapide, il donne envie d’en boire ! Nous montons en gamme avec le Nuits Saint Georges 1er Cru Aux Thorey 2012 qui exibe des petits fruits noirs et un beau fruité en bouche, tantôt marqué par la groseille, tantôt par la myrtille. Il titille le palais du dégustateur, sa tension est remarquable. Il tire la corde jusqu’en finale et laisse une belle impression de plénitude, comme pour mieux nous mettre en appétit avant le Charmes-Chambertin Grand Cru 2012… Superbe de complexité et d’élégance malgré encore une touche d’élevage, il enivre le palais avec ses tannins charmeurs et veloutés. Sa fraîcheur est une fois de plus caractéristique tout comme sa complexité naissante en bouche. Long, profond, presque interminable, il saura combler tous les (riches) chanceux qui auront la chance de mettre la main sur quelques bouteilles ! Bravo David, du travail de pro comme d’habitude…
Nous terminons cette belle série de vins rouges avec une nouvelle marque de luxe dans le paysage bourguignon (comme s’il n’y en avait pas encore assez) à savoir la maison Olivier Bernstein. Issu d’une famille de musiciens il s’intéresse très vite à l’oenologie. Une fois son diplôme de viticulture-oenologie en poche Olivier Bernstein fonde son propre domaine en Roussillon, le Mas de la Devèze. Mais encore marqué par sa rencontre avec Henri Jayer en 2002, il retourne en Bourgogne pour y fonder sa maison de négoce en se focalisant sur des vignobles de prestige (uniquement 1er Cru et Grand Cru) qui bien sûr ne livrent que de petites quantités. Il a même réussi un coup de maître en rachetant récemment les parcelles qu’il exploitait dans les Champeaux et dans les Mazis-Chambertin, à Gevrey. Une rare opportunité en somme. Nous avons eu la chance de déguster le Chambolle-Musigny 1er Cru Les Lavrottes 2012 pour nous imprégner du style de la maison c’est-à-dire plus arrondi, plus boisé que les vins précédents (100% fût neuf). Issu de jeunes vignes juste en contrebas des Bonnes-Mares il offre des vagues de fruit en bouche, ce qui est plutôt fascinant. Ses accents mentholés préservent la fraîcheur de l’ensemble et confèrent une originalité singulière à ce vin qui swingue ! Pour les hédonistes ! Le Clos de la Roche Grand Cru 2012 provient de vignes de 50 ans et est vinifié pour majorité en vendange entière (100% fût neuf). On ressent déjà la force de ce Grand Cru fumé et à la trame encore serrée. Les épices et le fruit rouge portent l’ensemble suave qui est encore un peu asséchant en finale, certainement en raison de l’élevage. Ce qui est sûr, c’est que la structure est là, et qu’il se fera ; tout comme le Mazis-Chambertin Grand Cru 2012 issu pour partie de vignes propres du domaine dont l’âge monte jusqu’à 80 ans. Ce cru, dont la qualité est souvent sous-estimée selon le producteur, joue sur les épices avec une densité et un corps impressionnants. Vif et juteux à la fois, il file droit tout en laissant une persistance digne d’un grand vin ! Poivré, long et massif, il tient son rang mais requiert encore beaucoup de patience à tous ceux qui auront la chance d’en avoir quelques bouteilles !
D’autant plus que le style d’Antoine Jobard, aux antipodes de ce Meursault Charmes imposant, boisé et à la couleur dorée, m’a littéralement bluffé. Ce jeune talent qui a repris l’exploitation familiale en 2002 nous propose aujourd’hui un Meursault En La Barre 2012 qui joue dans le registre de la richesse et de la rondeur au nez. Marqué par le fruit jaune, le tilleul et les épices, il délivre cependant en bouche toute la pureté et la minéralité de son terroir. Issu d’un vignoble voisin du Clos de la Barre de Dominique Lafon, ce vin s’exprime avec force, longueur et tension avant de terminer sur les épices. Un modèle de ce genre nouveau, tout comme le Meursault 1er Cru Blagny 2012 qui a été très peu bâtonné et élevé entre 18 et 22 mois en barrique. Cristallin et linéaire malgré une réelle matière en bouche, ce vin brille par sa pureté et sa finesse marquée par des fines notes d’églantine et de fruits blancs. Le bois ne se ressent aucunement, c’est d’ailleurs une fine touche florale qui nous séduit en fin de bouche. Coup de coeur ! Bravo !
Nous terminons cet apéritif prolongé par deux vins de Pierre-Yves Colin-Morey. Très souvent encensé par la critique ce talent de la Côte de Beaune n’a plus de vin à vendre… Heureusement quelques sources persistent encore comme ce caviste qui nous propose aujourd’hui tout d’abord l’Auxey-Duresses La Ruchotte 2012 qui est une entrée de gamme très satisfaisante, issue de la même source que son célèbre Meursault Perrières. Le fruit blanc expressif et les agrumes frais s’affirment avec classe en bouche. Encore légèrement arrondi par son élevage ce vin brille par une belle matière crémeuse ainsi qu’une longueur persistante surprenante pour un Auxey. Il se bonifiera dans les 3 à 5 ans. Enfin le Chassagne-Montrachet 1er Cru Les Baudines 2012 provient de la dernière parcelle au sud du village, à la frontière de Santenay. Pierre-Yves avoue avoir peu à peu appris à travailler cette vigne particulière dans le paysage de Chassagne car elle est plus en altitude et plus fraîche que les autres. Encore légèrement réduit et marqué par l’élevage (fumé), il s’ouvre très vite dans une bouche riche mais cristalline, fumée et poivrée. Sa longueur et sa profondeur sont superbes et appellent encore quelques années de garde ou un carafage de 2 heures pour être au top ! Une fois de plus, Pierre-Yves Colin sort du lot.
En somme 2012 restera comme un millésime aux multiples facettes. Certains la nomment même comme l’année des « 4G » : la Grillure, le Gel, la Grêle… et la Gauche ! Quoi qu’il en soit, j’ai encore une fois pu faire l’expérience de vins magnifiques : en particulier le caractère du Morey de Dujac, la pureté des Vosne de Gérard Mugneret, la précision des vins de David Duband, l’exubérance des 1ers et Grands Crus d’Olivier Bernstein sans oublier toute la beauté des blancs d’Antoine Jobard et de Pierre-Yves Colin. Décidément, quelle matinée !
In vino veritas