La capitale des vins de Bourgogne nous a ouvert ses portes lors de la dernière soirée de dégustation organisée par la FCVF. En plus de la ville de Beaune et de ses côteaux, plusieurs autres appellations adjacentes portent le nom de leur illustre voisine : Savigny-lès-Beaune, Chorey-les-Beaune, avec bien sûr encore d’autres appellations régionales. Voyage au coeur de ce célèbre vignoble qui ne compte pas de mention Grand Cru dans ses rangs mais qui renferment plusieurs noms prestigieux : Beaune 1er Cru Grèves ou encore Savigny-les-Beaune 1er Cru les Peuillets…
La Bourgogne est, comme vous le savez certainement, découpée en 5 grandes régions viticoles : le Chablisien, la Côte de Nuits, la Côte Chalonnaise, le Mâconnais et la Côte de Beaune. Cette dernière s’étire entre la fameuse montagne de Corton au Nord et le village de Maranges au Sud. En son centre se trouve la ville qui a donné son nom à cette Côte, qui est aussi la capitale historique des vins de Bourgogne : Beaune. Cette cité a toujours tenu son rang depuis qu’une puissante bourgeoisie d’affaires s’y est installée au 18è siècle. Beaune est célèbre pour ses hospices et pour ses grands domaines (par exemple les familles Drouhin, Bouchard, Latour). Son vignoble en revanche est moins connu tout comme ses voisins Chorey ou Savigny ; on prète certainement plus attention aux villages célèbres de Pommard ou de Meursault plus au Sud ou encore les grands villages de la Côte de Nuits au Nord de Nuits-Saint-Georges.
Cette soirée nous a donc permis de nous plonger un peu plus dans les secrets de ces vignes, en commençant par 3 vins blancs puis 6 vins rouges. Nous débutons cette soirée par un Hautes Côtes de Beaune blanc 2009 du Domaine Henri Naudin-Ferrand très agréable ! Son fruité moyennement intense dévoile des notes de fruit jaune, de fleurs blanches, de cassis et de citron. Son attaque en bouche est franche, plutôt classique avec une belle vivacité au palais. Il n’est pas aussi gras que ce qu’on attend d’un Chardonnay, peut-être parce qu’il est complété de 20% de Pinot blanc !? En tous cas il se termine sur une grande fraîcheur puis sur une belle sapidité en finale. A un peu plus de 10€, c’est très bien fait (11.10€). IVV : 81/100. Il est bien meilleur que le Savigny-les-Beaune blanc 2010 du Domaine du Château de Meursault. Malgré une belle robe jaune pâle aux reflets verts brillants, son nez n’est pas très engageant : encore réduit, sur une évolution lente d’herbes aromatiques et un boisé présent. La bouche est vive et doté d’une beau gras. Très typique du Chardonnay, il se caractérise par une fraîcheur gazeuse plutôt marquée puis par une finale amère. Je ne trouve ce vin pas très bien équilibré, de toue façon je ne suis pas un grand fan des vins de ce Domaine que je considère comme très basiques pour leur prix très élevé (venant sans doute des coûts d’achat de ces bouteilles très lourdes…) – 18.50€. IVV : 76/100.
Le dernier vin blanc de la série tape dans le haut du pavé. Le Beaune 1er Cru Les Reversées blanc 2010 du Domaine Champy arbore une belle couleur jaune pâle. On y trouve une belle pureté minérale avec d’ores et déjà des notes complexes de mirabelle, de fruits exotiques, de grillé et de vanille soulignée d’huile de lin. La bouche est tout en finesse et présente un beau gras et un équilibre très harmonieux sur la poire et la noisette. A la fois tonique et élégant, il témoigne de toute la noblesse des plus grands blancs de Beaune et se fera seigneur sur des poissons rôtis ou des viandes blanches à al crème. Un très beau 1er Cru de gastronomie (36.50€). IVV : 85/100.
Savigny-les-Beaune est un village situé en côteau, sur une pente douce et compte pas moins de 22 climats classés en Premier Cru. Nous débutons par un Savigny-les-Beaune « Les Bourgeots » 2009 du Domaine Simon Bize et Fils au nez fin et pur dans lequel on retrouve le bourgeon de cassis puis des notes de fruit rouge mûr (cerise griotte) mêlé de clou de girofle. L’attaque en bouche est élégante, avec un fruité préservé et des jolis tannins. La concentration et la matière au palais sont dignes de 2009, la finale est assez profonde sur de belles notes d’amande douce. D’abord friand et précis, il se montre plutôt concentré en bouche pour offrir un vin complet et bien fait. Domaine en biodynamie (29.80€). IVV : 83/100.
Après ce très beau Savigny Village (malgré un prix très élevé…) nous montons en gamme avec le Savigny-les-Beaune 1er Cru Les Peuillets 2009 du Domaine Pavelot. Valeur sûre de l’appellation, cette propriété occupe 12ha dans différents climats de la Côte de Beaune. De couleur rouge grenat peu soutenue ce vin présente de belles larmes grasses. Le nez est typique du Pinot Noir (fruits rouges mûrs, évolution sur le kirsch) quoique moins intense et moins complexe que le vin précédent. La touche boisée est encore marquée. La bouche affiche un beau fruité et une matière digne de ce millésime. Il se distingue surtout par sa noblesse des tannins et une fraîcheur étonnante en finale. Ce Savigny est qui plus est très agréable avec le quasi de veau qui nous est proposé en accompagnement (26.80€). IVV : 85/100.
La déception de la soirée est sans conteste notre amie Lulune ! Le Beaune « Lulune » 2011 du Domaine Emmanuel Giboulot a fait un tollé au sein de notre groupe. Pourtant ce producteur m’avait séduit par le passé, non seulement par son histoire singulière et ses convictions mais aussi par les vins qu’il avait proposé (voir ici le commentaire d’un excellent Côtes de Beaune blanc dégusté en 2011). Ce médecin parisien a en effet développé une approche biodynamique sur son domaine de 10ha depuis 1985, ce qui en a fait un des précurseurs de cette méthode dans la région. En résulte un vin issus de vieilles vignes de 65 ans, aux rendements de 25hL/ha et des méthodes peu interventionnistes en cave. Ce vin à la robe rouge très claire, presque rosée, développe un nez délicat d’églantine, de fruits rouges légers avec des accents de caramel et de bonbon anglais à l’aération. L’attaque en bouche dévoile un corps plutôt léger sur les fruits rouges et la grenadine. En revanche la bouche me semble destructurée et la finale alcooleuse. On retrouve bien sûr le millésime et ses excès sur ce vin, grande déception (32.00€). IVV : 75/100.
Avant de terminer la dégustation Philippe nous offre une pause gourmande avec un Beaune 1er Cru Grèves 2005 du Domaine Chanson. Son nez est déjà un peu évolué sur des notes de bois noble, de fruit mûr et concentré puis de café. La bouche est encore tannique malgré un bel équilibre et une grande concentration. Une pointe de fraîcheur singulière se détache avec des accents citronnés au palais. Il semble être entre 2 âges, à la fois tannique et à la fois rustique et animal. La finale reprend cette matière concentrée pour nous offrir un beau volume. Assurément un vin de garde qui donne une idée de toute la noblesse de ce terroir prestigieux de Beaune.
Nous retournons au thème de la soirée après cet interlude avec le Beaune 1er Cru Les Grèves 2010 de Joseph Drouhin. Grande maison de Bourgogne fondée en 1880, le domaine possède bon nombre de parcelles prestigieuses en Bourgogne (telle le Clos des Mouches `Beaune) mais aussi en Orégon et conduit ses vignes selon les principes de la biodynamie depuis 1996. Issu d’une parcelle en pente de 81 ares avec des rendements de 30hL/ha, ce 1er Cru dévoile un nez très policé et noble de fruits rouges, d’encens, de mine de crayon ; l’élevage est finement intégré avec des notes légèrement boisées rehaussées d’amande douce. Top ! La bouche est encore jeune mais dévoile déjà de multiples nuances de fruit rouge. Le pedigree de ce vin est caractérisé par toute l’intensité du fruit et la fougue de ce jeune talent. La bouche se termine sur une superbe tension en finale sur la framboise et le jus de cassis. A la fois délicatesse et élégance sont les maîtres mots de ce superbe Beaune qui sera à boire dans les 15 ans (59.00€). IVV : 90/100.
Nous ne pouvions terminer cette dégustation par un des vins les plus célèbres de Beaune, en l’occurence le Beaune 1er Cru Grèves « Les Vignes de l’Enfant Jésus » 2009 de la maison Bouchard et Fils. De couleur rouge pourpre peu soutenue, il développe des arômes de sous-bois, de transpiration, de fruit rouge mûr et de café. Le nez nous permet déjà de nous faire une idée de toute la classe et la noblesse de ce vin. La bouche est ample, suave et veloutée. Nous y retrouvons des notes animales et une complexité qui est accentuée par une beau fruité sous-jacent. Encore marqué par l’élevage, ce vin laisse augurer un terroir rustique et minéral qui est toutefois soutenu par de beaux tannins. La longueur du vin est là, preuve s’il le fallait que nous touchons à un grand terroir (79.00€). IVV : 89+/100.
Nous concluons cette belle dégustation avec le cru le plus mythique de ce superbe village de Beaune, même si j’aurais secrètement espéré une confrontation entre La Vigne de l’Enfant Jésus et le Clos des Mouches… Ce sera pour une prochaine fois. Plus globalement cette série nous a permis d’approcher Beaune et ses appellations plus en détail. Passé quelques déceptions nous avons eu quelques belles surprises comme le Hautes Côtes de Beaune blanc de Naudin-Ferrand ou encore le Savigny-les-Beaune « Les Bourgeots »de Simon Bize. Evidemment les prix sont élevés pour ce niveau de qualité mais au vu de la demande sans cesse croissante pour les vins de Bourgogne et des petites récoltes ses dernières années, nous ne sommes pas prêts de voir les prix baisser…
In vino veritas