La jeune association des Avinturiers se devait de trouver un lieu pour vivre sereinement ses nouvelles escapades. Au Canon d’Or à Mulhouse, géré par Marie-Laure et Gilles Reeb, a accueilli quelques membres fondateurs ce jeudi pour nous présenter le lieu de nos prochaines réjouissances. Avec un bon repas et quelques superbes vins en complément : Roc d’Anglade blanc 2006, Vin de Pays du Gard ; Riesling Grand Cru Mandelberg 2008, Bott-Geyl ; Côte-Rôtie Les Grandes Places 2009, Jean-Michel Gérin ; Vouvray moelleux 1990, Sylvain Gaudron.
Créée depuis quelques mois et déjà forte de très belles dégustations (voir par ailleurs), l’association Les Avinturiers que j’ai l’honneur de présider devait encore trouver son nouveau QG. Après quelques soubresauts c’est désormais chose faite avec l’accueil chaleureux de Marie-Laure et Gilles Reeb au Restaurant Au Canon d’Or à Mulhouse. En compagnie de Benoit, Jean-Michel et Philippe, nous nous retrouvons ce jeudi soir pour discuter notre projet avec les propriétaires de ce lieu de partage résolument tourné sur les Grands Vins.
Au fil du temps le Restaurant Au Canon d’Or s’est transformé d’un relais de Poste à une auberge et était géré avec brio par les parents de Marie-Laure jusqu’en l’an 2000. Depuis cette date c’est Marie-Laure et Gilles qui ont repris le flambeau en proposant une cuisine simple et créative autour d’une cave à vin digne des plus grands restaurants de la région. Rien que le choix des vins pour nous 4 passionnés fut une guerre sans merci ! Vous trouverez sur cette carte une multitude de grands noms de toutes les régions de France à des prix imbattables : Coche-Dury, Rousseau, DRC, Trimbach, Zind-Humbrecht, Chave et j’en passe.
Dans ce cadre accueillant et moderne, suite à une rénovation faite avec goût en 2012, nous choisissons avec mes acolytes de prendre un repas classique avec des Saint-Jacques en entrée puis une belle pièce de viande en plat principal, histoire d’avoir des accords mets-vins sans artifice. Mais avant de passer à table, nous nous faisons plaisir avec un apéritif éclectique : alors que Benoit et Jean-Michel favorisent le classicisme du superbe Riesling Cuvée Albert 2010 d’Albert Mann et Philippe tente de trouver une comparaison à la Quintaine de Guillemot-Michel avec un autre vin de cette appellation, je m’essaie à Roc d’Anglade blanc 2006, Vin du Pays du Gard. J’avais entendu plein d’éloges sur ce domaine, laissez-moi vous dire que je fus littéralement scotché par ce vin ! Rémy Pédréno est à la base un ingénieur informatique qui s’est lancé dans un projet fou il y a une quinzaine d’années en achetant des parcelles en friche aux alentours de Nîmes. Il avait déjà flairé le potentiel de ces sols peu profonds (60cm), où la roche mère affleurait, et a commencé à y appliquer des principes biodynamiques pour en retirer toute la fraîcheur et la minéralité. Cette mosaïque de terroirs argilo-calcaires et une exposition au Nord confèrent à ses vins tant le fruit que l’équilibre et la fraîcheur. Ce vin issu à 100% de Chenin (!) expose d’emblée un nez intense et salin qui fleure bon le grillé-fumé et qui me fait penser à un Bretzel fraîchement cuit ! La roche rayonnante est présente aussi tout comme les fleurs blanches : je me noie dans la beauté de ce nez qui ne montre pas un signe de vieillissement ! L’attaque en bouche est grasse, puissante mais avec un fond minéral exceptionnel pour un vin du Languedoc. Des tons grillés, de foin, d’herbes se mêlent à la roche brute : comment un vin d’une telle concentration peut avec une finesse et une fraîcheur aussi incroyables ? La finale est elle aussi marquée par un côté chaleureux mais il n’empêche que la profondeur et la minéralité singulières de ce vin ne peuvent laisser indifférent. C’est une référence, un vin de grande classe qui est désormais à pleine maturité ! Superbe (en attestent les nombreux points d’exclamation de ce paragraphe…)
Nous débutons le repas avec le Riesling Grand Cru Mandelberg 2008 de Bott-Geyl, en accompagnement d’une salade de Saint-Jacques poêlées. D’emblée le nez suggère un potentiel de vendange tardive : à la fois minéral et exotique, il oscille avec élégance et harmonie entre le citron confit, le fruit de la passion et la mangue. L’attaque en bouche est légèrement perlante et me fait penser à un Riesling allemand de la Moselle. Le fruit est gourmand, les sucres résiduels (que nous estimons entre 15 et 30g/L) témoignent de la grande matière de ce vin. Chaleureux et ensoleillé (un peu trop sur ce type de plat ?), il doit encore attendre 5 à 7 ans pour se fondre et gagner en tension, même sur un millésime froid comme 2008… L’évolution du nez est plus minérale mais il n’empêche que ce vin aurait été presque plus à l’aise sur un foie poêlé à ce stade de son évolution. Il reste cependant un très bel exemple de Riesling alsacien sur un sol calcaire.
Nous accompagnons le filet de bœuf aux morilles d’une Côte-Rôtie Les Grandes Places 2009 de Jean-Michel Gérin. Issue de faibles rendements de Syrah sur des sols schisteux exposés Sud-Est, cette Côte-Rôtie entièrement égrappée a été élevée 18 mois 100% en barriques neuves. Deuxième plus grande cuvée du Domaine après La Landonne, elle offre au nez beaucoup de profondeur et de complexité, sur les fruits noirs, les épices (poivre), le cuir et la cerise noire. Le tout évolue sur le cacao. La minéralité est présente par des belles notes de pierre mouillée. Très joli nez ! La bouche débute par une attaque serrée qui révèle des tannins encore jeunes mais mûrs malgré un carafage de 30 minutes. Les notes gourmandes de cerise au jus, de mûre avec une évolution sur le chocolat témoignent d’un millésime chaud. Le boisé est présent et biaise encore l’équilibre du vin, cependant la finale chaleureuse et persistante met en avant des notes profondes de cerise noire, de mûre et de chocolat. C’est un vin qui doit encore attendre quelques années pour se fonde dans le bois. Mais une chose est sûre : la matière est là !
Une fois sorti de derrière les fourneaux Gilles nous rejoint à table pour discuter plus amplement de notre projet. Ce passionné de bonnes choses est à la tête d’une cave riche et diverse qui combine les grands noms de la viticulture et des millésimes que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Il nous avoue d’ailleurs avoir une attirance toute particulière pour les vins vieux. C’est après avoir chuchoté quelques mots dans l’oreille de sa femme qu’une carafe d’un vin aux reflets tilleul pâles nous est posée sur table. Il exhale des notes fraîches d’herbe coupée, d’ananas, de banane, de miel de fleurs et de cire avec des notes subtiles d’anis et de citronnelle. Très complexe et juvénile, il précède une bouche d’une grande distinction et d’une fraîcheur incroyable. Les notes précises d’ananas et de banane se mêlent à la poire et au tilleul, l’harmonie au palais est superbe car les sucres ont été intégrés à la minéralité et sont balancés par une acidité rafraîchissante. Nous n’avons aucun soupçon de l’âge avancé de ce Vouvray moelleux 1990 de Sylvain Gaudron car il n’y a absolument aucun signe d’oxydation. Mais la matière et l’équilibre parfait de ce vin nous laissent clairement penser à un grand millésime. La fin de bouche fraîche reprend la mandarine et est portée par une acidité remarquable. Long, fin et profond, ce vin nous a bluffés ! Merci Gilles !
Je pense que nos Avintures peuvent commencer ! Le repas très qualitatif a été agrémenté par des vins de choix qui gagneront pour certains à vieillir encore un peu. Mais c’est avant tout la beauté de cette carte des vins qui nous a interpellés. Le Restaurant Au Canon d’Or (www.aucanondor.fr) est un lieu de partage et d’épicurisme dont Marie-Laure et Gilles sont les gardiens. Je suis certain que nous allons tous très bien nous entendre…