Premier chapitre de la saison 2011 de l’Association « Caudalies », cette soirée animée par notre ami Nicolas Senn nous a permis de tester quelques grands noms de l’appellation face à la génération montante. Quelques grandes bouteilles nous ont enchantées parmi lesquelles un hommage à l’éternité des vins de François Barmès avec le Muscat SGN 2000 du Domaine Barmès-Buecher.
Il est 20h quand nous prenons place en petit comité dans la salle de dégustation du Restaurant « La Closerie » à Illzach pour un retour aux sources, puisque cette soirée dégustation a pour thème les vins d’Alsace. Plus précisément, elle aura pour but de comparer quelques valeurs sûres aux étoiles montantes de cette région viticole riche et passionnante. La soirée est divisée en 5 volets avec au total 9 vins blancs. Nous ne sommes pas nombreux à participer à la soirée d’ouverture de la saison 2012 mais bien malheureux sont les absents. Nicolas Senn nous a fait le plaisir de rester pour nous présenter cette belle série de vins.
Nous débutons avec une série de 2 vins de mise en bouche, dont le Muscat d’Alsace 2010 de Laurent Barth. Sa robe jaune pâle brillante et son disque gras précèdent un nez typique de ce cépage aromatique. Le raisin frais, les fleurs sont évidents et sont portés par une fraîcheur et une minéralité remarquables. L’attaque est étonnement grasse avec une belle matière et une belle amertume au palais. Persistant, aux belles notes de miel de fleurs et de fruits exotiques, il est enrobé par du sucre résiduel (12g/L) et sera par conséquent le compagnon idéal à l’apéritif ou sur la cuisine asiatique (12.60€). IVV : 82/100.
Le deuxième vin de cette série est tout d’abord discret et réservé, avec de prime abordi des notes subtiles de caramel au beurre salé et de vanille. Plus sur le fruit (pêche, banane) que sur les fleurs, son évolution complexe interpelle d’autant plus que le cépage n’est pas du tout identifiable. Et pour cause cet Alsace 2010 du Domaine Marcel Deiss est issu de tous les cépages alsaciens : Jean-Michel Deiss en compte 13 au total. La bouche est plaisante avec un beau gras et une belle allure. Les fruits jaunes se bousculent discrètement aux agrumes, la pomme et le sucre roux. La finale joue sur l’iode, le menthol et la quinine et témoigne de toute la fraîcheur et la persistance de ce vin aux multiples facettes. Comme à chaque fois que je le déguste, ce vin est une coup de coeur car il offre un superbe rapport qualité prix (13.90€). IVV : 85+/100.
La trilogie suivante oppose différentes interprétations du cépage Roi en Alsace : le Riesling. Pour certains il s’agit tout simplement du plus grand cépage blanc au monde car il sait retranscrire son terroir à la perfection, traverse les âges et est le meilleur compagnon de la grande gastronomie. Le Riesling « Rothstein » 2009 de la maison Clément Lissner provient d’un terroir de grès argileux sur la commune de Wolxheim dans le Bas-Rhin. En culture bio depuis 2009, cette étoile montante propose un Riesling sensuel, au nez discret et élégant d’herbes fraîches, d’agrumes avec une évolution distinguée sur la pelure d’orange, le miel et la vanille. En bouche nous avons affaire à un vin ouvert, séduisant et qui tient son rang. On ressent la patte du vigneron qui procure une belle race grâce à une minéralité et un volume intéressants, par ailleurs des notes de poire blette et de pomme suggèrent un millésime chaud. Et malgré cela ce vin exprime une élégance et une dentelle évidentes. Une belle découverte à prix doux (10.40€). IVV : 82/100.
Le Riesling Cuvée « François Alphonse » 2009 du Domaine Kientzler est issu des Grands Crus Osterberg et Geisberg à Ribeauvillé. Je ne sais pas vraiment pourquoi le Domaine Kientzler ne commercialise pas ses vins sous l’appellation Grand Cru, d’ailleurs je soupçonne le nom de cette cuvée comme étant quasiment un plagiat à la Cuvée « Frédéric Emile » de son voisin Trimbach. Bref revenons-en aux faits : au nez il se montre plus viril que le vin précédent quoiqu’encore fermé (poussiéreux). Il délivre néanmoins des notes d’agrumes, de menthol avec une minéralité sous-jacente. La bouche reprend toutes les caractéristiques d’un Riesling sec (2g/L de sucres résiduels) rehaussé par son terroir calcaire. La vivacité est nette avec une belle et longue trame acide malgré le millésime. Viril, tranchant, il laisse des soupçons d’épices et de citron en fin de bouche. C’est un Riesling de gastronomie même s’il peut se montrer un peu trop monolithique. Et puis ce n’est pas la meilleure affaire de la soirée (29.00€). IVV : 84/100.
La trilogie aurait dû être complétée par le célèbre Riesling Grand Cru Sommerberg 2009 du Domaine Albert Boxler. Malheureusement bouchonné, il ne nous donnera qu’un aperçu de sa robe couleur or paille et de sa belle maturité. Nous ne pourrons aller plus loin même si le goût de bouchon s’estompe peu à peu. Dommage… Si vous voulez vous faire une idée de toute la beauté d’un Riesling de ce domaine, vous pouvez lire le compte-rendu de son grand frère de 2006 ici.
La bouteille suivante est l’occasion pour moi de faire un mea culpa car il s’agit de la deuxième dégustation de ce vin en moins de deux mois. Et je dois dire que ce fut le jour et la nuit… Harmonie « R » 2008 du Domaine Maurice Schoech provient de vignes complantées dans le Grand Cru Rangen. Vous pourrez lire ici le bref commentaire que j’ai fait de ce vin à l’occasion de la Journée des Grands Crus à Kientzheim en novembre dernier, cette fois-ci ce vin a frôlé l’excellence. Tout d’abord grâce à sa robe jaune or soutenu puis de par sa superbe complexité aromatique qu’a révélé un passage en carafe de deux heures : fruits confits, pâte de fruits, coing, pêche, abricot, miel, évolution empyreumatique (fumée). La bouche est comme souvent sur ce grand terroir aux antipodes de ce que suggère ce nez aux tons moelleux et fruités. A l’équilibre sec, il est en complet décalage par rapport à l’olfactif avec une grande vivacité et une minéralité pénétrante. Des notes de fumé et une belle amertume en finale couronnent ce vin remarquable qui retranscrit superbement toute la noblesse de ce grand terroir volcanique (33.00€). IVV : 89+/100.
De couleur jaune paille, le Gewurztraminer 2009 du Domaine Zind-Humbrecht s’ouvre sur un nez savonneux et très enivrant de rose et de litchi. Nous nous attendions à plus de complexité qu’aurait peut-être apporté un léger carafage. Idem en bouche où passée une belle expression florale (violette, rose) le tout prend un accent trop puissant qui le rend fatiguant. Un manque d’acidité et un excès d’amertume proviennent certainement du millésime et du non-interventionnisme de la maison pendant l’élevage des vins. Avec 47g/L de sucres résiduels, on perd un peu le nord avec ce vin qui ne s’est vraiment pas montré sous son meilleur jour lors de cette dégustation. A revoir dans quelques années (18.00€). IVV : 78/100.
Il est opposé à un Pinot Gris Grand Cru Vorbourg VT 2001 du Clos Saint-Landelin (René Muré). Avec 78g/L de sucres résiduels, ce bel ensemble or profond exhibe un disque gras et des larmes fines. Le nez respire le bois noble, le caramel, le fruit jaune ultra mûr, l’orange confite, le miel et la cire. A pleine maturité il se distingue par une attaque en bouche onctueuse et riche puis un équilibre harmonieux et une belle trame acide. La gelée de coing se fait la part belle et complète cet ensemble délicieux. La finale est fraîche et relevée par des notes vives de quinine. Comme souvent, les VT et SGN du Clos Saint-Landelin sont irréprochables (36.00€). IVV : 88/100.
En bref cette soirée a eu son lot de satisfactions avec deux ombres au tableau, le Gewurztraminer de Zind-Humbrecht qu’il faudra sans doute regoûter et le Riesling Sommerberg bouchonné de Boxler. A part cela, deux excellents vins ont dominé cette dégustation à savoir l’Harmonie « R » de Schoech et le Muscat SGN de François Barmès. Merci à tous et à très bientôt pour la prochaine dégustation !
In vino veritas